14 janvier 2005

Australie : Cardre juridique du PPP

Les partenariats public-privé -
Le cadre juridique australien

Mark Upfold, associé et Natasha Morris, avocate — Mallesons Stephen Jaques

INTRODUCTION

En Australie, le secteur privé a participé depuis plusieurs années au financement des infrastructures. Ce n'est que récemment toutefois que les juridictions australiennes ont commencé à élaborer des politiques de PPP ou PFI afin de réguler ce mode de prestation de services.

Tous les états et territoires de l'Australie ont publié des politiques régulant la réalisation des PPP. Cependant, ces politiques diffèrent quelque peu selon les juridictions. Cet article présente un bref survol du cadre juridique de l'Australie et décrit brièvement le marché australien actuel des PPP régi par ce cadre.

LA POLITIQUE-CADRE DES PPP ET DES CONTRATS

Les politiques de PPP des États et territoires
L'état de Victoria fut le premier en Australie à publier une politique détaillée sur les PPP : Partnerships Victoria, en l'an 2000. Cela fut suivi par la création d'un organisme dédié aux PPP relevant du ministère du Trésor et des Finances et par la publication de directives détaillées. Sans surprise, Victoria s'est fondé sur l'approche britannique pour l'élaboration de cette politique.

POLITIQUES OFFICIELLES1

Commonwealth - Les politiques du Commonwealth sur le financement privé, une série de principes importants sur la gestion et l'évaluation des propositions de financement privé
Victoria - Partnerships Victoria, 2000
Queensland - La politique sur les PPP : valeur ajoutée dans la prestation de service et la réalisation d'infrastructures, 2001
NSW - Travailler avec le gouvernement : directives sur les projets à financement privé, 2001
Western Australia - Directives pour l'évaluation de projets, 2000
South Australia - Partnerships SA : la participation du secteur privé dans la prestation du service public, 2002
Tasmania - La participation du secteur privé dans la fourniture d'infrastructures de service public - Déclaration de politique et principes directeurs, 2000
Northern Territory - Politique-cadre sur les partenariats, 2003

L'exemple de Victoria a maintenant été suivi par tous les états et territoires avec l'adoption de politiques s'appuyant sur l'expérience de Partnerships Victoria (bien qu'à différents degrés).

Ces politiques sont généralement applicables à toute forme de participation du secteur privé dans les infrastructures publiques, couvrant ainsi la conception, la construction et l'exploitation d'une infrastructure de même que les ententes de nature plus complète telles que les « BOOT » du style PPP. Ces politiques visent les projets réalisés en mode « BOOT » ou « BOO », qu'ils soient rémunérés sous la forme d'un versement gouvernemental (par exemple, pour un hôpital, une école ou une prison) ou qu'ils soient sujets au risque de rémunération (par exemple, pour une route à péage).

Les concepts communs aux politiques
Chacune des politiques de PPP couvre les principes communs suivants :
  • Valeur ajoutée - l'objectif de choisir un projet de fourniture qui offre la meilleure valeur ajoutée au gouvernement;
  • Répartition efficace des risques - les risques sont transférés au secteur privé sur la base d'une répartition optimale des risques au lieu d'un transfert maximal. Bien que chaque politique PPP ait une approche générale recherchant un équilibre entre la valeur ajoutée et le transfert de risques, en pratique, cet équilibre diffère selon les projets et les états;
  • Paiement pour les services - on s'attarde à la performance au lieu de seulement la fourniture d'une infrastructure; et
  • Innovation - stimuler l'innovation dans le cadre de la fourniture de l'infrastructure et des services ancillaires à la communauté.
  • Le cadre juridique
    Le cadre juridique australien des PPP se limite aux politiquescadres décrites ci-dessus et aux lois en vigueur avant l'adoption de ces politiques qui ne s'appliquent pas nécessairement qu'aux PPP.

    Le nombre de PPP en Australie n'a pas encore atteint un seuil requérant une législation spécifique du Commonwealth, des états, ou des territoires afin de faciliter ou réguler ces projets. Il y a bien sûr un éventail de législations qui s'appliquera à un projet particulier de PPP dans toute juridiction - par exemple, les lois qui régulent le secteur de l'éducation (dans le cas d'un PPP pour les écoles) ou le secteur de la santé (dans le cas d'un PPP pour un hôpital) - et tout projet de PPP devra nécessairement être conforme au cadre législatif général.

    Cependant, quelques juridictions s'apprêtent à adopter des lois spécifiques aux PPP. Par exemple, le Gouvernement du NSW a l'intention de présenter une loi afin d'encadrer la faculté des conseils locaux de NSW de réaliser des PPP; ceci faisant suite à la publicité qui a entouré le difficile projet Oasis à Sydney Ouest.

    Les contrats au terme des diverses politiques de PPP
    Compte tenu de l'expérience de l'Australie dans les projets de « BOOT » et de « BOO » depuis plusieurs années, les contrats de PPP vont dans le sens d'un raffinement et d'un développement de cette expérience. Bien que les PPP australiens soient généralement influencés, dans certains secteurs, par le type de PPP de Grande-Bretagne, ils utilisent toutefois un style de rédaction juridique inspiré des transactions australiennes antérieures, ce qui a pour résultat que les contrats de PPP en Australie ne font pas l'objet d'une très importante standardisation.

    Il y a une volonté pour la standardisation des contrats en Australie de la part du secteur privé et du secteur public et le rapport Fitzgerald récemment publié sur les PPP à Victoria, appuie la démarche d'une rationalisation du processus d'appel d'offres et d'élaboration des contrats.

    Toutefois, cette volonté de standardisation des contrats se confronte à quelques obstacles dans le contexte australien en raison d'un certain nombre de contraintes dont :
  • le système fédéral australien : les dispositions standards des contrats devraient recevoir l'approbation de trois niveaux de gouvernement, lesquels peuvent avoir des agendas différents;
  • le nombre relativement peu élevé de projets de PPP en Australie, qui est utilisé comme argument pour affirmer que l'Australie n'est pas dans une situation de produire des dispositions standards de contrats ou d'en tirer avantage.
  • LE MARCHÉ AUSTRALIEN DES PPP

    Les seuls états ayant connu des transactions de PPP réalisées avec succès sous le régime de leurs nouvelles politiques sont Victoria, (au premier chef avec les projets d'hôpitaux, de centres correctionnels, de redéveloppement de stations de services, les cours de justice et les centres d'urgence) et le NSW (avec, depuis 2001, trois projets à succès de routes à péage et de transactions impliquant des services publics).

    Il n'y a aucune autre juridiction australienne qui a réalisé un contrat de PPP au terme de sa politique officielle quoique Western Australia (les cours de justice Perth en PPP), South Australia (les cours de justice et les postes de police en PPP), Queensland (Southbank TAFE) et le Northern Territory (les quais de la ville de Darwin2 ) sont chacun des premiers projets de PPP à l'étape finale du processus d'appel d'offres. Le Commonwealth a aussi sollicité des expressions d'intérêt pour un projet relié à la défense et le nombre de PPP éventuels en Australie semble prometteur (un communiqué publié en mai identifie 20 projets en cours et 31 projets possibles)3. Bien que le marché australien considère que les éventualités de projets soient prometteuses, il y a une attitude conservatrice quant à la possibilité de réalisation de ces projets puisqu'ils prennent un temps considérable à être formulés, à faire l'objet d'appels d'offres et à être finalement réalisés.

    CONCLUSION

    Bien qu'aucune juridiction australienne n'ait à cette date développé un cadre juridique pour les PPP, un travail important a été réalisé par l'adoption de politiques-cadres sur les PPP. Le petit nombre de projets de PPP conclus jusqu'à présent n'a pas exigé la mise en place d'un cadre juridique pour la réalisation de la clôture financière. Compte tenu de l'intérêt du secteur privé dans les futurs projets de PPP, il ne semble pas nécessaire, à ce moment, de mettre en place un cadre juridique pour le développement de ce marché en Australie.

    Toutefois, au fur et à mesure que le marché des PPP prendra de la maturité, il pourrait s'avérer que des questions particulières émergent et que les états australiens et les territoires décident de traiter de ces questions par l'adoption d'une législation visant spécifiquement les PPP. n


    1 Voir www.mallesons.com pour consulter ces politiques
    2 L'auteur a agi pour le compte du Northern Territory dans ce projet et tout commentaire dans cet article n'est pas applicable à ce projet.
    3 Voir la liste qui est publiée sur le site internet de Partnerships Victoria.

    Grande Bretagne : Cadre juridique des PPP

    Le cadre juridique des PPP
    en Grande-Bretagne -
    La législation habilitante et la standardisation

    Stephen Matthew, associé, chef du département des projets —
    Eversheds LLP

    Quelles furent les fondations pour un développement durable du marché des PPP en Grande Bretagne ?

    Cet article aborde deux éléments essentiels : le cadre juridique stable et l'élaboration d'accords commerciaux standards.

    L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE

    En l'absence d'un cadre juridique stable et d'une certitude raisonnable quant à la position commerciale de chacune des parties, il ne peut y avoir de développement durable des transactions de PPP. Il est essentiel de reconnaître que ces transactions ont tendance, de par leur nature, à être des transactions complexes et sur le long terme, mettant en présence une multitude de parties. En clair, les banques ne financeront pas les projets de PPP à moins que soit présent un élément de certitude quant à l'environnement juridique.

    L'État, y compris les collectivités locales, doit pouvoir remplir ses obligations et assumer ses responsabilités. En Grande-Bretagne, cela constitue une considération importante compte tenu de la nature de notre système de gouvernement qui repose sur la délégation. Les collectivités locales de la Grande-Bretagne sont des organismes autonomes ayant le pouvoir de contracter en leur propre nom. Dans le cadre de projets qui comportent, par exemple, des écoles ou des hôpitaux, le secteur privé conclura donc un contrat avec la collectivité locale et non avec le gouvernement central. Le pouvoir attribué aux collectivités locales, y compris la capacité de lever des fonds, est régi par la loi. C'est pourquoi le secteur privé, et en particulier les banques, voudront comprendre le cadre juridique délimitant les obligations et les responsabilités d'une collectivité locale.

    L'État ne peut résilier une transaction tout simplement parce que celle-ci ne lui est pas favorable. Il y a quelques années, certaines collectivités locales de Grande-Bretagne ont conclu plusieurs arrangements financiers qui, par la suite, leur imposèrent d'importantes pertes financières. Dans le cadre de nombreux et importants recours judiciaires, ces collectivités locales ont soutenu que les engagements contractuels qu'ils avaient conclus se situaient au-delà de leur pouvoir statutaire et qu'en conséquence, n'étaient pas exécutoires. Le fait qu'un nombre de collectivités locales eurent la faculté de résilier les transactions qu'elles avaient conclues fut un facteur déterminant pour l'élaboration de quelques-unes des législations subséquentes qui encadrent désormais le programme des PPP en Grande-Bretagne.

    La législation peut s'avérer nécessaire pour supporter les transactions PPP dans chaque secteur : différentes lois peuvent être nécessaires dans les cas de transactions PPP dans le secteur des écoles, des hôpitaux, du transport, du traitement des déchets, etc. Dans cet article, nous analysons 3 exemples particuliers qui illustrent comment les lois furent ajustées en Grande-Bretagne afin d'appuyer les transactions PPP :

    Le PPP du métro de Londres
    Le métro de Londres est le système de rail souterrain qui transporte chaque jour des milliers de personnes dans la périphérie londonienne. L'objectif de ce projet était de moderniser le métro et de promouvoir l'investissement du secteur privé, en partenariat, dans les opérations du métro. Selon la structure de la transaction, le contrôle des opérations demeure au sein du secteur public. Le secteur privé a toutefois la responsabilité de réhabiliter et d'assurer la maintenance des infrastructures au terme de contrats d'une durée de 30 ans.

    Afin de soutenir ce projet, une loi du parlement fut requise : la « Greater London Authority Act of 1999 » qui a mis en place le cadre juridique de la transaction PPP et a posé les paramètres au sein desquels la transaction devait être structurée. Certaines dispositions de cette loi visent à protéger ce qui est considéré comme étant un service public essentiel. Simplement, la loi vise à empêcher le secteur privé d'exercer ses sûretés sur les actifs d'une manière qui pourrait faire cesser les opérations du métro de Londres. La loi permet la conclusion de certaines ententes et régule les conséquences que pourrait avoir l'insolvabilité de l'une des compagnies PPP. Enfin, la loi crée un organisme indépendant ayant juridiction en matière de différends entre le secteur public et le secteur privé et pouvant examiner les révisions tarifaires qui surviennent périodiquement.

    Les écoles des collectivités locales
    L'objectif du programme PPP dans le secteur scolaire fut la reconstruction d'écoles en faisant appel au financement et à l'expertise du secteur privé. La plupart de ces projets visent des transactions d'une durée de 30 ans transférant au secteur privé les risques de conception, construction, financement et exploitation. Les enseignants demeurent au sein du secteur public. Ces transactions sont généralement conclues avec des organismes scolaires locaux et non avec le gouvernement central.

    Afin d'appuyer les écoles, une législation sur les projets fut nécessaire pour conforter les banques, en particulier. La Loi « Local Government Contracts Act 1997 » fut votée notamment afin de remplir cet objectif. Cette loi empêche les autorités locales de résilier une transaction PPP sans être obligées de verser une compensation. Cette loi fut, à plusieurs titres, la réponse directe aux situations où les autorités locales avaient été à même d'argumenter avec succès que les transactions qu'elles avaient conclues étaient illégales et, en conséquence, ne pouvaient avoir d'effets juridiques. La loi de 1997 précise aussi que les autorités locales peuvent conclure des transactions de PPP et va aussi loin que prévoir que l'autorité locale puisse émettre un certificat aux parties du secteur privé, certificat décrivant les pouvoirs statutaires autorisant la signature du contrat. Ces mesures empêchent donc les autorités locales de soutenir par la suite que la transaction était illégale.

    Les hôpitaux locaux
    L'objectif du programme des PPP dans le secteur de la santé est de construire de nouveaux hôpitaux et d'autres infrastructures reliées à la santé. Ici encore, ce programme est mis en œuvre en faisant appel au financement et à l'expertise du secteur privé. La structure usuelle des transactions de PPP dans le secteur de la santé est un contrat de 30 ans transférant au secteur privé les risques de conception, construction, financement et exploitation. Cependant, les employés du secteur public ne sont généralement pas transférés au secteur privé et les soins cliniques demeurent gratuits pour les patients.

    Afin d'appuyer les hôpitaux, une législation sur les projets fut nécessaire. En particulier, la Loi « National Health Service Residual Liabilities Act 1996 ». Au terme de cette loi, il est de la responsabilité du gouvernement de prendre en charge les obligations d'un hôpital local en forme de PPP si, pour quelque raison que ce soit, cet hôpital se trouve dans l'incapacité de rencontrer ses obligations financières.

    Tous ces exemples font ressortir la diversité des transactions de PPP et le besoin de législations diverses pour chacun des secteurs. Il n'y a pas de législation unique qui appuie les partenariats public-privé dans tous les secteurs.

    STANDARDISATION

    La standardisation des dispositions contractuelles permet d'épargner temps et argent et stimule le financement bancaire. Elle assiste aussi toutes les parties, que ce soit du secteur public ou privé, dans l'évaluation des transactions sur une base uniforme. En Grande-Bretagne, le développement d'une forme standard de contrats a été fragmenté. En effet, différentes formes de contrats standards furent développées dans chaque secteur. Toutefois, cet exercice fut coordonné par le gouvernement central grâce à une variété d'agences y compris le Conseil du Trésor. Au cours de la dernière année, on constate qu'il y a eu beaucoup plus d'efforts d'harmonisation pour les différents contrats qui ont été utilisés. Ces efforts d'harmonisation ont encouragé le marché et considérablement réduit les coûts rattachés à la négociation des transactions.

    Il existe presque un contrat standard pour les transactions PPP mais qui comporte des variations pour chaque secteur. Les mêmes promoteurs, banques ou avocats étant amenés à structurer des transactions dans différents secteurs, l'harmonisation est importante. Il est peu probable qu'il y aura à l'avenir un seul format de contrat de PPP mais la Grande-Bretagne n'en est pas éloignée. Les directives et les documents standards sont constamment améliorés. La notion de standardisation ne s'applique toutefois pas qu'aux documents juridiques. Une standardisation des spécifications a aussi été développée, mais encore pour le suivi de performance, les modalités de paiement et même la conception des nouvelles écoles.

    CONCLUSION

    D'abord le PPP requiert un cadre juridique. Sans ce cadre juridique, le marché ne pourra se développer. Le cadre juridique peut se développer de manière graduelle et s'adapter aux caractéristiques particulières de chaque secteur. Plus important, le cadre juridique doit aborder la question de la solvabilité financière du secteur public. Cela est essentiel pour encourager les banques à participer au financement des projets.

    La standardisation a épargné du temps et de l'argent. Elle permet aussi de réaliser des transactions de façon uniforme, rendant ainsi utile l'exercice de comparaison. Enfin, la standardisation requiert de la coordination et doit être améliorée constamment.

    Ces deux aspects ont permis de tisser le marché des PPP en Grande-Bretagne, contribuant ainsi à promouvoir les transactions et encourager les promoteurs et financiers.

    Eversheds a agi dans le cadre de plus de deux cents transactions PFI-PPP qui ont été conclues, représentant au-delà de 12 milliards de livres. Le cabinet agit comme conseillers juridiques dans plus de 90 dossiers dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'habitation, des services d'urgence, du traitement des déchets, du loisir, de la défense et des transports. n

    Chili : cadre juridique pour les concessions et la participation privée dans les infrastructures

    Le cadre juridique
    pour les concessions et la participation privée
    dans les infrastructures au Chili

    Carlos Larrain, Alejandro Palma R., avocat — Larrain y Asociados

    INTRODUCTION

    Au cours des années 90, le Chili a développé un programme de partenariats public-privé (PPP) dans le but d'améliorer ses infrastructures qui ne bénéficiaient pas alors d'un rythme constant de croissance au pays. Ces projets d'infrastructures visaient notamment les projets de routes, aéroports, ports de mer et les infrastructures d'utilités publiques.

    Le régime de la concession, grâce aux PPP, a permis le développement d'infrastructures à moindre coût pour le gouvernement en raison de la participation du secteur privé dans les entreprises jadis contrôlées par l'État. Ce régime a libéré l'État et a permis l'allocation de fonds publics dans des projets peu attractifs pour le secteur privé mais à haute retombée sociale, tels que l'éducation ou la santé. Pour les projets PPP, le gouvernement agit par l'intermédiaire du Ministère des Travaux publics (MTP).

    Le régime des PPP s'appuie sur des fondements juridiques solides, lesquels varient selon le type de projets. Nous discuterons sommairement du cadre juridique applicable à ces projets.

    LES FORMES JURIDIQUES DES CONCESSIONS

    On distingue généralement deux formes de concessions :

    1. Concessions d'utilités publiques : elles consistent en une autorisation d'entreprendre une activité à l'intérieur d'un territoire délimité et pendant une période déterminée. Cette activité se caractérise par son monopole naturel ou fait l'objet d'une certaine concurrence. L'État régule la tarification et les conditions d'exploitation. Les éléments d'actif sont détenus par l'État, en tout ou en partie, ou bien ils appartiennent à la compagnie opérante. Les éléments d'actif des secteurs de l'eau et de l'électricité sont, pour la plupart, détenus par le secteur privé.
    2. Les concessions d'ouvrages publics : elles consistent en une autorisation pour la construction, l'entretien et l'exploitation d'ouvrages publics par un concessionnaire et visent principalement les routes et les aéroports.
    LES CONCESSIONS D'OUVRAGES PUBLICS ET LA PARTICIPATION DU SECTEUR PRIVÉ

    Les concessions d'ouvrages publics et les privatisations permettent la mise en place de PPP pour le développement et la gestion de projets habituellement sous la responsabilité de l'État. Que ce soit la concession d'ouvrages publics ou la privatisation d'entreprises ou d'éléments d'actif, toutes deux constituent des modes de participation du secteur privé dans certaines activités économiques jusqu'à présent du ressort de l'État.

    La privatisation s'entend du transfert de propriété au secteur privé d'éléments d'actif existants détenus par l'État. En conséquence, le secteur privé acquiert, en tout ou en partie, le droit de propriété sur ces actifs y compris les droits d'exploitation et de disposition. Ce système fut largement utilisé dans le cadre des concessions d'utilités publiques.

    Les concessions d'ouvrages publics cèdent au secteur privé l'exploitation mais non la propriété de l'ouvrage, laquelle demeure au sein de l'État. Cette situation réclame la mise en place d'une structure spéciale afin de permettre la prise de sûretés dans le cadre du financement de tels projets. Dans ces situations, le cadre juridique et les dispositions du contrat régissent les conditions d'exploitation.

    La concession d'ouvrages publics permet donc la construction, l'entretien, la réhabilitation et la gestion d'un ouvrage public au terme des contrats de concession. Ces contrats sont octroyés à une compagnie privée suite à un processus d'appel d'offres. En contrepartie, cette compagnie bénéficie du droit temporaire d'exploitation et de recevoir les revenus provenant de cette concession, sous forme de tarif ou de perception de « quasi-taxe ».

    La concession d'ouvrages publics en vertu du droit chilien peut se définir comme étant le contrat selon lequel l'État s'entend avec le secteur privé afin que celui-ci construise, entretienne et exploite un ouvrage précis à destination du service public. Ce contrat est sujet à une durée et à un cadre de régulation (contractuel ou juridique) au terme duquel le remboursement de l'investissement et le paiement des coûts d'opération sont effectués par les utilisateurs. Cette forme de concession peut comprendre un financement ou des paiements par l'État au concessionnaire ou par ce dernier à l'État.

    LE PROCESSUS D'APPEL D'OFFRES

    La Loi sur les concessions et ses règlements d'application traitent de la procédure que doit suivre le MTP pour l'octroi d'une concession d'ouvrages publics. Le MTP est chargé d'élaborer les éléments essentiels de la concession dans les documents d'appel d'offres.

    En général, le soumissionnaire faisant preuve des meilleures qualifications techniques et ayant déposé la meilleure offre économique se verra octroyer la concession. Celle-ci est octroyée par « Décret Suprême ». Une fois la concession octroyée, le soumissionnaire conclut avec l'État chilien une concession d'ouvrages publics (le « Contrat de concession »). Le Contrat de concession est réputé prendre effet lorsque le Décret Suprême s'y rapportant est publié à la Gazette officielle.

    Conformément aux documents d'appel d'offres, l'adjudicataire devra former une société de droit chilien (Sociedad Anónima) ou enregistrer au Chili une agence étrangère dans les 60 jours de la publication du décret. Le Contrat de concession sera réputé avoir été conclu avec cette société ou agence (le « Concessionnaire »). Le nom du Concessionnaire, l'objet de la concession, la durée et le montant minimum de fonds propres investis par le Concessionnaire sont précisés dans les documents. Enfin, au titre des autres procédures, le Concessionnaire dispose notamment d'un délai additionnel de 60 jours pour s'enregistrer auprès de la Commission des valeurs mobilières et des assurances qui délivrera une attestation d'enregistrement au MTP.

    Si l'adjudicataire ne se conforme pas à ces exigences tel qu'il est prescrit, le MTP a l'obligation de publier un avis de non-conformité par Décret Suprême. Le MTP résilie alors le Contrat de concession et encaisse les garanties fournies par l'adjudicataire sans que celui-ci puisse réclamer une quelconque indemnisation.

    LE CONTRAT DE CONCESSION

    Comme tout autre contrat, le Contrat de concession produit des droits et obligations pour l'État chilien et le Concessionnaire.

    Essentiellement :

    1. En rémunération des services offerts en vertu du Contrat de concession, le Concessionnaire reçoit un prix, le droit à un tarif, une aide financière convenue ou autres formes d'avantages stipulés aux documents d'appel d'offres, comme par exemple, le péage que peut facturer le Concessionnaire aux usagers d'une route.
    2. Le Concessionnaire donne les garanties requises par les documents d'appel d'offres pendant les phases de construction et d'exploitation. Le MTP peut exercer des garanties, en tout ou en partie, si le Concessionnaire ne se conforme pas à ses obligations.
    3. Les éléments d'actif ou autres droits acquis par le Concessionnaire dans le cadre de la concession ne peuvent être vendus séparément ou être sujets à des hypothèques ou autre type de sûretés, sans l'accord préalable du MTP. À l'expiration du Contrat de concession, les éléments d'actif reliés à la concession sont transférés à l'État chilien.
    4. Après la conclusion du Contrat de concession, le MTP peut unilatéralement modifier la nature des travaux et services visés par le Contrat de concession pour des motifs d'intérêt public. Ces modifications peuvent correspondre à une valeur n'excédant pas 15% des investissements prévus. Le Concessionnaire a le droit d'être indemnisé dans ces situations. Cette indemnisation peut prendre la forme d'une prolongation de la durée du Contrat ou d'une adaptation de son équilibre économique.
    5. Les droits du Concessionnaire sont encadrés par la loi, les documents d'appel d'offres et le Contrat de concession. Par ailleurs, en ce qui concerne les relations économiques avec les tiers, les activités du Concessionnaire sont régies par le droit privé : le Concessionnaire est donc libre de conclure tout type d'ententes sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le consentement du MTP.
    6. Au cours de la période de construction, le Concessionnaire est soumis à un régime spécial :
      a. le Concessionnaire dispose des droits et responsabilités d'un titulaire du droit d'expropriation dans la mesure nécessaire à l'application du Contrat de concession;
      b. le Concessionnaire assume le risque de construction et doit payer toutes les sommes requises pour achever les travaux, y compris les sommes résultant de la force majeure ou de toute autre cause;
      c. s'il y a un retard imputable à l'État chilien, le Concessionnaire peut demander une prolongation de la durée du Contrat de concession.
    7. Pendant la période d'exploitation, le Concessionnaire doit entretenir les ouvrages et les voies d'accès afin de fournir un service ininterrompu, sauf cas de force majeure.
    8. Le Concessionnaire est responsable des dommages affectant les tiers et découlant de la construction ou de l'exploitation des ouvrages, à moins que ces dommages puissent être attribués à l'État chilien à la suite de mesures imposées par le MTP après l'octroi de la concession.
    9. La durée de la concession ne peut excéder 50 ans. Toutefois, l'écoulement de la durée peut être suspendu en certaines circonstances telles que la guerre, les désordres, la force majeure ou les destructions de l'ouvrage d'une manière ne permettant pas au Concessionnaire de fournir les services, ou toute autre cause prévue aux documents d'appel d'offres.
    RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

    La Loi sur les concessions et son règlement d'application disposent d'un mode spécial des règlements des différends entre l'État et les concessionnaires pouvant découler de l'interprétation ou de l'exécution du Contrat de concession. Une Commission de conciliation a juridiction sur tous les différends se rapportant aux pénalités, suspensions de la concession, contraventions au Contrat, compensations, révision des dispositions, etc. Cette Commission doit être composée de trois professionnels, dont l'un nommé par le MTP, un second nommé par le Concessionnaire et le troisième nommé par entente entre les parties.

    La Commission de conciliation recherche l'entente entre les parties au sujet du différend. Si elles ne peuvent s'entendre au terme de 30 jours, le Concessionnaire peut, dans les 5 jours, exiger que la Commission de conciliation siège à titre de Commission d'arbitrage dont la décision est finale et non sujette à appel sur le fond.

    TERMINAISON DU CONTRAT DE CONCESSION

    Il y a plusieurs circonstances au terme desquelles la concession peut se terminer, telles que l'expiration, la décision des parties et une contravention importante aux obligations du Concessionnaire. La Loi sur les concessions laisse au document d'appel d'offres le soin de déterminer quelles contraventions sont considérées comme étant importantes.

    En ce qui concerne la terminaison par consentement, le MTP ne peut y consentir qu'avec l'accord des créanciers du Concessionnaire dans l'éventualité où ce dernier leur a octroyé des sûretés.

    Dans le cas d'une contravention importante aux dispositions du Contrat de concession, le MTP peut demander à la Commission de conciliation de statuer sur celle-ci. Une fois la contravention constatée, le MTP nomme un gestionnaire qui aura la responsabilité de superviser les performances au terme du Contrat de concession et en particulier les questions qui se rapportent aux tarifs et au paiement des montants dus à l'État chilien ou qui peuvent lui être réclamés.

    Dans les 180 jours de la date du constat d'une contravention importante, le MTP doit entreprendre un nouveau processus d'appel d'offres pour la durée de la concession qui reste à courir. Ce nouvel appel d'offres ne peut contenir d'exigences plus onéreuses que celles qui avaient été demandées au Concessionnaire original.

    Enfin, une fois la contravention importante constatée, toutes les dettes garanties sur les ouvrages sont réputées exigibles et doivent être remboursées à même le produit reçu à la suite du nouveau processus d'appel d'offres. Le solde est versé à l'ancien Concessionnaire.

    EXPROPRIATION

    La construction de routes requiert l'acquisition forcée des terres. L'article 19, no 24 de la Constitution chilienne prévoit trois pré-requis à l'expropriation de terrains : il doit y avoir une loi autorisant cette expropriation, celle-ci doit être justifiée par l'intérêt public ou national et le propriétaire doit recevoir une compensation en raison du dommage causé.

    La Loi sur les concessions prévoit une procédure alternative à celle de l'expropriation. Le Concessionnaire peut, pour le compte de l'État chilien, acquérir les propriétés nécessaires pour la réalisation des ouvrages conformément au plan se retrouvant dans les documents d'appel d'offres ou préparé par le Concessionnaire et approuvé par le MTP. Toute acquisition par le Concessionnaire dans ces circonstances doit être autorisée préalablement par le MTP qui statuera sur l'évaluation de la propriété.

    QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES

    La Loi sur l'environnement et ses règlements d'application régissent les questions environnementales et le régime des autorisations requises pour les projets ou activités susceptibles d'avoir un impact sur l'environnement. L'article 10 de la Loi sur l'environnement décrit les projets ou activités pouvant avoir un impact sur l'environnement et devant faire l'objet d'une procédure d'évaluation d'impact environnemental, laquelle se décline en une procédure d'étude d'impact ou une déclaration d'impact environnemental.

    La plupart des projets de concession d'ouvrages publics tels que les autoroutes, les aéroports ou les ports doivent se conformer à la procédure d'évaluation d'impact environnemental et sont soumis à l'étude d'impact plutôt qu'à la déclaration d'impact environnemental.

    Toute personne souhaitant obtenir une autorisation pour un projet doit soumettre à la Commission régionale environnementale une demande d'étude d'impact ou de déclaration d'impact environnemental qui décrira les travaux à effectuer, leur impact et les mesures prises afin d'assurer la conformité du projet ou de l'activité.

    CONCLUSION

    La concession d'ouvrages publics encourage
    la participation du secteur privé dans les projets d'infrastructures
    tel que le démontre le tableau ci-dessous :
    Type de projets
    (en exploitation ou en construction)
    Nombre de projets
    Montant des investissements
    (en millions de $ US)
    Kilomètres
    Routes
    20
    3,710
    2,414
    Aéroports
    8
    327
    Autoroutes urbaines
    4
    2,780
    200
    Pénitenciers
    4
    255
    TOTAL
    36
    7,072
    2,614

    Source : IPPP

    France : Le partenariat public-privé

    Le partenariat public-privé en France*

    Par Pascal Martin, associé — Jeantet et Associés

    Dans son rapport Collectivités publiques et concurrence1 de 2002, le Conseil d'État soulignait que le « Partenariat public-privé bénéficie en France d'une longue tradition et son modèle en est incontestablement le régime de la concession et plus généralement de la délégation de service public ». Dès le XIXème siècle, la concession constituait l'archétype du partenariat public-privé. Mais, si pendant longtemps, elle est apparue comme une référence pour nos voisins en matière de gestion des services publics, l'émergence de nouvelles techniques contractuelles étrangères met à mal ce modèle qui se heurte, aujourd'hui, à un manque de flexibilité et de sécurité juridique.

    Le cadre légal français traditionnel comprend deux principales catégories de contrats : les marchés publics et les délégations de service public. Les marchés publics sont peu adaptés à des projets de financement privé d'ouvrages publics puisque d'une part, le Code des marchés publics prohibe, dans son article 94, les clauses de paiement différé et d'autre part oblige, dans son article 10, à allotir les marchés publics ayant à la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la maintenance et la construction d'un ouvrage. Par ailleurs, l'article 10 de la loi du 12 juillet 1985, dite loi Maîtrise d'Ouvrage Public, prévoit que pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'œuvre est distincte de celle d'entrepreneur. Enfin, le risque d'exploitation de l'ouvrage est laissé à la charge de la collectivité dans le cadre d'un marché public alors qu'il est transféré au délégataire dans le cadre d'une délégation de service public.

    Et même si la pratique a, dans les années 80, donné naissance à un nouveau partenariat - les marchés d'entreprises de travaux publics - celui-ci a été condamné2 au moment même où il faisait la preuve de son efficacité.

    C'est pour tenter de remédier à ces différentes contraintes juridiques et à l'échec des METP que l'actuel projet d'ordonnance3, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi n°2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, introduit une nouvelle forme de contrat public : « le contrat de Partenariat ».

    L'article 1er du projet d'ordonnance définit les contrats de partenariat comme des :
    (...)contrats globaux par lesquels une personne publique ou une personne chargée d'une mission de service public associe un tiers soit au financement, à la conception, la réalisation ou la transformation et l'exploitation ou la maintenance d'équipements publics, soit au financement, à la conception et la mise en œuvre d'une opération de prestation de services.

    Ces contrats se caractérisent par un partage de risques. La rémunération du cocontractant est définie et répartie sur l'ensemble de la durée du contrat. Elle est assurée par tout moyen mais ne peut être liée substantiellement aux résultats de l'exploitation du service public dont la personne publique ou privée a la charge. Elle est liée à des objectifs de performance. Lorsqu'ils sont passés par une personne publique, ces contrats sont administratifs. »



    * Note de l'éditeur : depuis la rédaction de cet article, l'Ordonnance dont il est traité fut adoptée le 17 juin 2004. Ordonnance no 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.

    1ère CONSTATATION

    N'obéissant à aucun des régimes juridiques existants4, le contrat de partenariat trouve sa source d'inspiration dans le Private Finance Initiative (PFI) mis en œuvre par le gouvernement britannique de Margaret Thatcher en 1992. Les PFI s'inscrivent dans une réforme ambitieuse à laquelle a été assigné l'objectif de diminuer les dépenses publiques en améliorant la capacité d'intervention du secteur public ainsi que la qualité des services.
    À l'instar du PFI, le contrat de partenariat est un contrat dit « global » de longue durée qui met en relation une entité publique et une société de projet chargée de la conception, de la réalisation et de l'exploitation d'équipement public. L'entreprise fournit à l'administration un service complet allant de la construction à l'équipement jusqu'à son exploitation et sa maintenance. En contrepartie, les pouvoirs publics versent une rémunération pendant toute la durée du contrat. La rémunération de l'opérateur est assurée par tout moyen et permet de déroger à l'interdiction du paiement différé posé par les règles de comptabilité publique. Ce mode de rémunération permet à l'État de ne pas payer sa commande d'un bloc, mais sous forme de loyers répartis pendant toute la durée du contrat. Cela le dispense d'un préfinancement des travaux et lui ouvre la possibilité de déconsolider son investissement.

    L'opération de financement fait, par ailleurs, intervenir un tiers au contrat : le prêteur. Dans le cadre d'un PFI, en effet, le prêteur contribue au projet de financement en concluant avec la société de projet une convention de crédit qui prévoit des déclarations et garanties très détaillées de la part de la société de projet. Reprenant à son compte ce schéma de financement, l'article 14 de l'ordonnance prévoit que : « le titulaire du contrat peut financer l'investissement notamment par des fonds propres, emprunt, crédit bail, location ou cession de créance. La créance du titulaire du contrat naît de la signature du contrat ». Ce mécanisme fait donc participer au schéma soit les actionnaires de la société de projet dans le cadre de fonds propres, soit un établissement de crédit (crédit bail, LOA).

    En revanche, en l'état actuel de la réforme, aucune relation contractuelle directe n'est prévue entre la personne publique et le prêteur alors que pour le PFI, cette relation prend la forme d'un « direct agreement » qui lie la personne publique à la banque, la première garantissant financièrement la seconde du prêt consenti à la société5.

    Par ailleurs, la réussite du PFI repose sur deux piliers. Le premier pilier est fondé sur le concept de « best value for money » qui a pour objectif d'assurer la répartition optimale des coûts entre les partenaires. À long terme, le choix de la gestion privée doit être plus rentable que celle que la personne publique peut mettre en œuvre. Le second pilier repose quant à lui sur l'idée de transfert et de partage de risques, ce qui implique la prise en compte des risques financiers et techniques de l'opération tout au long de l'exécution du contrat, et la définition préalable des risques et des modalités de partage desdits risques que le contrat doit déterminer. C'est ce que certains auteurs appellent la « gestion contractualisée des risques ».

    S'inspirant de ces deux idées, le texte de l'ordonnance oblige l'entité publique à conduire préalablement au lancement de la procédure de passation du contrat, des audits susceptibles de permettre une comparaison des options de financement6. Il importe dès lors d'analyser les coûts afin de s'assurer du meilleur rapport qualité-prix pour l'utilisation des fonds publics. L'évaluation préalable de chaque projet revêt une importance cruciale pour assurer leur réussite et leur pérennité. Ce n'est qu'au terme d'une analyse fine des coûts prévisionnels mais aussi des risques juridiques, financiers et stratégiques intégrant les attentes du partenaire privé que le recours au contrat de PPP pourra être validé. Cette étape d'évaluation rapproche le contrat de partenariat du contrat de PFI pour lequel la « Value for Money » est l'objectif que l'administration doit atteindre lors de la négociation du contrat.

    Dans le même sens, l'analyse des risques et leur partage apparaît au centre du contrat de partenariat. Les risques doivent ainsi être pris en compte tant par la personne publique dans l'avis d'appel d'offres que par les partenaires privés dans leur proposition, afin d'aboutir à un équilibre contractuel optimal. L'ordonnance impose d'établir les risques avec précision pour permettre la « constatation sincère des droits et obligations des différentes parties7 ».

    Quant à la procédure de passation des contrats de partenariat elle-même, le projet d'ordonnance veille au respect des principes « d'égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence » et des règles de publicité8. Dans sa dernière version, le projet d'ordonnance exclut toutefois d'appliquer aux PPP le Code des marchés publics comme la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.9

    Mais, anticipant l'actuel projet de directive communautaire relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, de services et de travaux sur les marchés publics, la procédure retenue par le projet rappelle celle du « dialogue compétitif ». La personne publique désireuse de recourir aux PPP doit publier un avis en indiquant les objectifs à atteindre, les critères de sélection qualitative et les critères d'attribution du marché. La personne publique choisit les candidats à la négociation au terme de laquelle seront présentées les offres.

    Le respect des règles de publicité et de transparence est aussi mis en œuvre dans le cadre du PFI. L'entité publique anglaise a le choix, quant à elle, entre la procédure ouverte, restreinte ou négociée. Précisons cependant que la plupart des projets empruntent la voie de la procédure négociée.

    2ème CONSTATATION

    Le contrat de partenariat risque toutefois de voir sa portée limitée et ne pas générer les répercussions qui ont été celles du PFI, du fait notamment de la spécificité du droit administratif français.
    En Grande-Bretagne, les financements des PFI ont crû, en 2002, de 44,7%, 6, soit 96 milliards d'euros. La quasi-totalité de ces financements a été consacrée à de nouveaux projets, soit 244% de plus qu'en 200110. Plus de 600 nouveaux équipements ont été financés, dont plus de 200 écoles, 34 hôpitaux et 119 autres structures de santé. Ils recouvrent aujourd'hui la plupart des infrastructures de service public anglais, dont la santé, la défense, l'éducation, les transports, la gestion de l'eau et des déchets, les logements ou les prisons.

    En France, la généralisation de ce type de contrat se heurte à certains principes et règles de droit administratif. En effet, le Conseil Constitutionnel, saisi à l'occasion de la validité de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, a considérablement réduit le champ d'application des contrats de partenariat à des situations répondant à des motifs d'intérêt général.

    Les biens appartenant au domaine public sont, non seulement inaliénables et imprescriptibles, mais aussi insaisissables, empêchant dès lors que les biens du domaine public soient cédés. Or, l'opération de PPP repose sur un montage financier qui se fonde sur l'obligation d'offrir au prêteur des garanties suffisantes dans le projet de financement. Le régime des biens appartenant au domaine public peut donc être un obstacle à la mise en place de tels contrats.

    Ainsi, au nom des principes de l'égalité d'accès à la commande publique et de la protection du domaine public, le Conseil Constitutionnel considère que : « le Recours au crédit bail ou à l'option d'achat anticipé pour préfinancer un ouvrage public ne se heurte, dans son principe, à aucun impératif constitutionnel; que, toutefois, la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics; que dans ces conditions, les ordonnances prises sur le fondement de l'article 6 de la loi d'habilitation devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison des circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques, d'un équipement ou d'un service déterminés »11.

    De même, l'article 16 de l'ordonnance prévoit que « les parts de rémunération dues (au cocontractant par la collectivité) au titre de l'investissement, à l'exclusion de celles correspondant au financement, sont éligibles au Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) dans la mesure où les investissements concernés auraient été éligibles en l'absence de contrat de partenariat ». En d'autres termes, avec ce texte, la personne publique va pouvoir déduire les montants de TVA versés et correspondant aux investissements réalisés pour la conception, la construction ou l'aménagement des infrastructures.

    En revanche, le texte exclut du droit à déduction les paiements correspondants aux frais fiscaux attachés aux dits investissements. Autrement dit, l'intégralité de la TVA supportée par la partie publique ne pourra pas être récupérée par elle, ce qui provoque un « surenchérissement » du schéma des PPP.

    Le projet d'ordonnance enferme, par ailleurs, le contrat de partenariat dans des limites et des conditions strictes. Il doit en effet contenir certaines clauses obligatoires portant notamment sur la durée, les indications sur le calcul de la rémunération, le montage financier, les garanties financières, les moyens d'assurer la continuité du service public ou les modalités d'adaptation et de résiliation12, ce qui alourdit singulièrement le schéma et lui fait perdre une partie de son intérêt.

    Reprenant la réserve d'interprétation du Conseil Constitutionnel, l'ordonnance limite enfin le recours aux PPP à des motifs d'intérêt général, « tels que l'urgence qui s'y attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ». En d'autres termes, le recours à un PPP ne s'inscrit pas vraiment dans un climat de liberté, mais devra être sérieusement justifié. C'est certainement ce qui explique que le projet d'ordonnance ait prévu que pour mener à bien ces évaluations, la personne publique pourra recourir aux services d'un organisme expert dont la création est renvoyée à l'édiction d'un futur décret, sans que l'on sache, à ce stade, sous quelle forme le lien organisme expert/personne publique sera organisé.*

    CONCLUSION

    À l'heure où la Commission Européenne lance un débat sur l'application aux partenariats public-privé du droit européen et publie à ce titre un livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions en date du 30 avril 2004, la France attend avec impatience la publication de l'ordonnance qui devra être présentée en Conseil des ministres le 9 juin 2004. n



    1. Rapport du Conseil d'État, collectivités publiques et concurrence, EDCE, la doc française, 2002, p. 319.
    2. Voir CE, 8 février 1999, Préfet des Bouches-du-Rhône, Commune de la Ciotat.
    3. Non encore entrée en vigueur.
    4. Les PPP ont été mis en œuvre dans un premier temps au travers de réformes sectorielles (loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 - d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 - d'orientation et de programmation pour la justice.
    5. Pour une étude plus approfondie du PFI : Les contrats de Private Finance Initiative, Stéphane BRACONNIER, BJCP, n°22, p.174, Le contrat de partenariat ou la renaissance du partenariat-public privé à la française, Boris MARTOR et Sébastien THOUVENOT, RDAI/IBLJ, 2004, p.111.
    6. Article 2 de l'Ordonnance.
    7. Article 9 de l'Ordonnance.
    8. Article 4 de l'Ordonnance.
    9. Loi dite loi « Sapin », Journal officiel du 30 janvier 1993.
    10. Partenariat public-privé : la Nouvelle donne, Anne Drif, Les échos du 19 janvier 2004.
    11. DC n° 2003-473 26 juin 2003 - loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, AJDA 2003, p. 1 391, note J.E. SCHOETTL.
    12. Article 11 de l'Ordonnance.


    * Note de l'éditeur : depuis la rédaction de cet article, l'organisme expert a été créé par le Décret no 2004-1119 du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat.

    Source : IPPP