25 novembre 2005

Union européenne : PPP : Bruxelles présente ses options politiques en écho au livre vert

La Commission vient d’adopter une communication attendue relative aux partenariats public-privé (PPP) qui fait le point sur ses options politiques au niveau européen. Elle lancera une étude d’impact sur les coûts et bénéfices d’une directive européenne pour les concessions et devrait publier fin 2006 une communication interprétative pour les PPP « institutionnalisés ». À noter également la publication d’un guide sur le dialogue compétitif.



«La large consultation publique lancée par le livre vert (…) en 2004 a montré qu’une concurrence équitable n’est pas à présent garantie au sein de la Communauté», a déclaré Charlie McCreevy jeudi 17 novembre à Copenhague lors d’un forum international sur les PPP. Le Commissaire européen en charge du marché intérieur a ajouté que «le cadre réglementaire régissant le choix des partenaires privés en cas de PPP est incomplet ou manque de clarté». Pour Charlie McCreevy, il est «clair» qu’une «initiative législative est requise au niveau communautaire» dans le domaine des concessions, comme en témoignent les résultats de la consultation publique. Une grande majorité des acteurs estimerait en effet nécessaire la mise en place d’un cadre législatif stable et cohérent, notamment pour réduire les coûts et renforcer la concurrence. La Commission reconnaît qu’une «mise à jour de la communication interprétative de 2000» spécifique aux concessions «fournirait une certaine valeur ajoutée». Mais elle est néanmoins d’avis qu’une directive devrait apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs.

Interprétation des règles applicables aux PPP institutionnalisés

En attendant, elle réalisera une analyse d’impact dont les résultats évalueront les coûts et bénéfices d’une initiative législative, et fera aussi appel à un prestataire externe. Quel serait le contenu d’une proposition de directive communautaire prévue pour 2007 et qui couvrirait toutes les concessions ? L’objectif pourrait consister à délimiter clairement la notion de concession et de marché public, à imposer un degré de publicité adéquat pour ce type de PPP, à définir les règles de sélection des concessionnaires afin notamment de respecter le principe d’égalité de traitement. Une directive aborderait également les enjeux liés à la durée élevée des concessions qui peut conduire à l’adaptation dans le temps des contrats ainsi que ceux liés au caractère transfrontalier de certains projets. Selon la Commission, il est cependant trop tôt pour se prononcer sur l’ensemble du champ d’application d’une future directive, y compris la fixation de seuils au-dessus desquels les nouvelles règles seraient applicables.

«Une claire majorité d’acteurs (…) ne sont pas satisfaits des pratiques actuelles pour la mise en place des PPP institutionnalisés», a ajouté Charlie McCreevy lors du Forum. Ceux-ci demandent à la Commission de clarifier les règles applicables à ce type PPP qui implique la création d’une entité mixte à la fois publique et privée. Cette clarification interviendrait par le biais d’un «document interprétatif non législatif», indique le document de la Commission, car «légiférer n’est pas le moyen privilégié pour avancer dans ce domaine». Une communication interprétative sur les PPP institutionnalisés aurait pour objectif de clarifier l’application des règles sur les marchés publics relatives à : 1) la création d’entités à capitaux mixtes dont l’objectif est de fournir des services d’intérêt économique général ; 2) la participation d’entreprises privées au capital d’entreprises publiques qui fournissent de tels services. Toutefois, si une analyse future montre qu’une communication ne suffit pas à faire respecter le droit communautaire, la Commission conserve l’option de proposer un instrument législatif spécifique.

L’incontournable jurisprudence de la CJUE

Le concept de PPP institutionnalisé est à examiner à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union Européenne. Les arrêts « Teckal » (affaire C-107/98) ou « Stadt Halle » (affaire C-26/03) précisent dans quelle mesure une autorité publique peut attribuer un marché à une entité qu’elle contrôle. Lorsque cette passation est effectuée sans mise en concurrence, on parle d’opération en interne ou du concept « in house ». La Commission est tout à fait consciente que nombre d’autorités publiques et gouvernements des Etats membres appellent à une extension du concept de « in house » dont la Cour fait selon eux une interprétation trop restrictive. Mais sur ce point, elle ne partage pas leur avis. «Il ne semble pas y avoir d’éléments probants donnant à penser que la qualité des services publics pourraient être améliorée ou les prix diminués si les entreprises privées – via des PPP institutionnalisés – obtenaient des missions de service public sans une procédure de mise en concurrence préalable», lit-on dans son document. En outre, il lui apparaît «difficile de voir comment un traitement privilégié des PPP institutionnalisés par rapport à leurs concurrents privés pourrait être conforme à l’obligation d’égalité de traitement». En clair, les directives européennes sur les marchés publics devraient s’appliquer largement à cette forme de PPP. «Le livre vert a souligné la neutralité de la Commission», avertit néanmoins une source interne à la Commission. «Nous ne sommes pas en train d’imposer un modèle aux États membres», ajoute-t-elle, «ce que nous voulons, c’est avoir un environnement suffisamment clair pour que ceux qui souhaitent suivre cette démarche sachent quelles règles sont applicables».

21 novembre 2005

Maroc : Projet de loi sur la gestion déléguée de services publics

Renforcement de l'arsenal juridique en matière de passation de contrats

L'explosion des besoins et les limites de la capacité de financement des pouvoirs publics font peser des contraintes nouvelles sur la gestion des services urbains. Bien conçues, de nouvelles modalités d'action permettent d'apporter des réponses appropriées aux besoins des habitants en matière d'accès aux réseaux, de qualité de services et de protection de l'environnement.

Au Maroc, la gestion des services urbains a, durant longtemps, posé problème. En effet, trois difficultés majeures se conjuguent : la faiblesse des ressources, des problèmes de gestion conduisant à la détérioration de la qualité du service, l'absence d'opérateurs locaux détenteurs de la maîtrise technique nécessaire pour mener à bien des opérations d'envergure.

Cette faiblesse des ressources financières publiques disponibles a souvent fait prendre beaucoup de retard dans la mise à niveau des réseaux urbains. Avec ce manque de ressources, les habitudes prises dans des situations de monopole non «contesté» peuvent expliquer la qualité du service rendu par les opérateurs publics.
D'où l'importance de la gestion déléguée qui fait même objet actuellement de projet de loi.

En effet, le législateur marocain s'apprête à entériner ce projet destiné à renforcer son arsenal juridique en matière de passation et d'exécution des contrats dans le domaine de la gestion déléguée des services publics.
En ce domaine, le cadre juridique demeure quasi inexistant. Les rares dispositions régissant la matière, qui remontent, pour la plupart à de nombreuses années, se caractérisent par leur extrême rigidité et leur fragmentation, soulignent Jehan Bejot et Patrick Larrivé dans leur analyse comparative du projet de loi en question au regard du droit européen et français, publiée dans la dernière livraison de la Lettre d'Artémis.

Pour ces deux avocats au barreau de Paris (UGGC&Associés), ces dispositions sont peu protectrices des intérêts des investisseurs.
Aussi, ce projet de loi, qui s'inscrit volontairement dans le cadre plus global et très actuel des Partenariats «public-privé» (PPP), vise à donner une visibilité et une sécurité aux investisseurs tant nationaux qu'étrangers intéressés par la gestion déléguée des services publics.

Et partant, il donnera un signal fort à la communauté financière internationale quant à la politique d'ouverture du pays et à la consolidation des principes de transparence et de traitement égalitaire des opérateurs dans l'attribution des contrats.

La gestion déléguée serait même au cœur des modalités de fonctionnement des services urbains. A la fois garante de la bonne marche du service, de la défense des intérêts des usagers (qui se trouvent souvent avec des factures surévaluées) et de la rentabilité des opérateurs privés, elle devra concilier des missions parfois contradictoires.

Mais pour que les services urbains puissent être délivrés dans les meilleures conditions, que les réseaux se développent et les investissements se réalisent, il est évident préférable de bénéficier d'un cadre d'action équilibré et évolutif. Par cadre d'action, l'on entend l'ensemble des institutions, des règles et des pratiques qui jouent un rôle dans les contrats et la régulation. De plus, le cadre d'action doit être stable pour réduire les risques encourus par les nouveaux opérateurs, faciliter leur compréhension de mécanismes qu'ils n'ont pas l'habitude de rencontrer (généralement, ils ne sont pas originaires du pays) de façon à leur permettre de bénéficier d'une certaine prévisibilité.

Par ailleurs, une fois l'articulation entre intérêts privés, contexte institutionnel et prise de décision publique assurée, il reste à faire en sorte que la gestion des services urbains satisfasse aux exigences de transparence et de rationalité économique et industrielle.

Il est bien certain que les services urbains sont, à bien des égards, des éléments centraux de toute politique de développement durable dans la Ville. Ils contribuent à ce que le développement actuel ne se fasse pas au détriment des générations futures. Au contraire, la modernisation et l'extension des réseaux d'eau, d'assainissement, de transports urbains ou de distribution d'électricité participent à un développement urbain qui engage l'avenir et essaie de prendre en compte les évolutions futures des besoins et les mouvements de population.

Ces services peuvent avoir des effets d'entraînement pour le développement des activités économiques, tout en permettant de sauvegarder les conditions de développement futur (en contribuant à améliorer la qualité de vie, à protéger les ressources et à diminuer les pollutions).

Et une agglomération qui sacrifierait la modernisation de ses services urbains pour réduire les charges pesant sur les usagers et augmenter à court terme leur pouvoir d'achat ferait un bien mauvais calcul. Elle contribuerait tout simplement à saper les bases de son développement futur.

Enfin, dans un contexte de gestion déléguée, où l'opérateur doit être en mesure de rentabiliser son investissement, il n'est pas impossible de délivrer le service gratuitement ou de ne pas recouvrer les factures sans courir le risque de mettre en péril l'équilibre financier du contrat. Cependant, il n'est pas non plus envisageable de laisser les populations à bas revenus sans accès aux réseaux, ce qui ne peut que renforcer l'exclusion et la marginalité et partant, freiner le développement. Une rentabilité gagnée en partie par la réduction des tarifs sociaux et la diminution des investissements irait clairement à l'encontre de l'intérêt collectif. Il est nécessaire donc de trouver les moyens de concilier les deux exigences de rentabilité et de desserte de ces populations peu ou pas solvables.

D'une manière générale, la loi a pour ambition de régir, sans les distinguer, les contrats de délégation, de service public et de partenariat, en définissant un régime global destiné à encadrer leur passation, leur exécution puis leur extinction.

Comparé au dispositif législatif et réglementaire français, le projet est à la fois plus simple et plus ambitieux, puisqu'il synthétise dans un instrumentum (regroupant dix Titres et quarante quatre articles), les modes de gestion déléguée du service public et les PPP, les seconds devenant un instrument de réalisation des premiers, indiquent J. Bejot et P. Larrivé.

L'analyse des articles les plus significatifs de cet ambitieux projet, qui permet, tout à la fois, de mieux cerner les spécificités et points de rapprochement du droit marocain par rapport au modèle français, met également en évidence un certain nombre d'interrogations que le projet de texte n'a pas entendu régler.

Latifa Cherkaoui | LE MATIN

18 novembre 2005

PPP: la Commission européenne publie une communication contenant de nouvelles options sur les partenariats public-privé (PPP)

Cette communication concernant les partenariats publics-privés et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, fait suite à une consultation publique majeure qui avait été lancée par le livre vert PPP en avril 2004 et à laquelle notre association avait d'ailleurs répondu.

Il ressort de cette communication que la Commission précisera ultérieurement les modalités d’application de la réglementation de l’Union en matière de choix des partenaires du privé dans les “PPP institutionnalisés”, entreprises de services publics détenues à la fois par un partenaire public et un partenaire privé.

La Commission se posera aussi la question de savoir si elle propose une initiative législative sur les concessions, pour clarifier à la fois le terme de ‘concessions’ et la réglementation applicable à leur attribution.

Les options présentées dans cette communication visent, selon la Commission, à garantir une concurrence effective pour les PPP sans limiter indûment la souplesse nécessaire à la conception de projets innovateurs et souvent complexes.

Actualité du 18 Novembre 2005

Voir aussi

Le communiqué de presse

Le texte intégral des propositions

Marchés publics: la Commission propose une clarification de la réglementation de l’Union en matière de partenariats public-privé

Reference: IP/05/1440

Bruxelles, le 17 novembre 2005

Marchés publics: la Commission propose une clarification de la réglementation de l’Union en matière de partenariats public-privé
La Commission européenne a publié une communication contenant de nouvelles options politiques sur les partenariats public-privé (PPP). Cette communication fait suite à une consultation publique majeure qui avait été lancée par le livre vert PPP en avril 2004 (IP/04/593). La Commission précisera les modalités d’application de la réglementation de l’Union en matière de choix des partenaires du privé dans les “PPP institutionnalisés”, entreprises de services publics détenues à la fois par un partenaire public et un partenaire privé. La Commission se posera aussi la question de savoir si elle propose une initiative législative sur les concessions, pour clarifier à la fois le terme de ‘concessions’ et la réglementation applicable à leur attribution.

M. Charlie McCreevy, Commissaire chargé du Marché intérieur et des services, a déclaré: “Les PPP sont essentiels pour les investissements dans les infrastructures et les services publics en Europe. Cependant, pour tirer pleinement partie de ces partenariats et faire le meilleur usage de l’argent des contribuables, nous devons faire preuve de transparence et de concurrence loyale dans la sélection des partenaires du privé. Notre objectif est de créer des conditions de transparence et de non-discrimination qui permettront à des organismes privés de contribuer à la mise en place d’infrastructures et à la fourniture de services dans l’ensemble de l’Union européenne. Nous avons à présent écouté tous les points de vue exprimés au cours de la consultation, qui font apparaître une forte demande en faveur d’une nouvelle action de la Commission.”

Un but essentiel de la consultation de 2004 était de découvrir comment les règles et principes fonctionnent en pratique et de voir s’ils sont assez clairs et s’ils répondent aux défis et caractéristiques des PPP. Les options sont présentées pour garantir une concurrence effective pour les PPP sans limiter indûment la souplesse nécessaire à la conception de projets innovateurs et souvent complexes.

PPP institutionnalisés

En réaction au livre vert sur les PPP, nombreux ont été ceux qui ont demandé comment la réglementation de l’Union devrait s’appliquer au choix des partenaires du privé dans les “PPP institutionnalisés” (PPPI), entreprises de services publics détenues conjointement par un partenaire public et un partenaire privé. Globalement, il apparaît à présent qu’une communication interprétative conviendrait mieux qu’une législation en bonne et due forme. Cette communication Interprétative devrait être publiée au cours de 2006.

Concessions

La consultation a vu se dégager parmi les participants une nette majorité en faveur d’une initiative de l’Union, qu’elle soit de nature législative ou non, concernant les concessions, afin de clarifier à la fois le terme de ‘concessions’ et les règles applicables à leur attribution. Après un examen soigneux de tous les arguments et de l’information factuelle des parties prenantes, une initiative législative apparaît à présent comme l’option préférable. Néanmoins, la décision finale sur le point de savoir s’il convient ou non de prendre une telle mesure, et sur sa forme concrète, dépend d’une nouvelle analyse approfondie, notamment d’une étude d’impact, qui sera réalisée en 2006.

Contexte

Les partenariats public-privé (PPP) sont des formes de coopération entre pouvoirs publics et entreprises, qui visent à réaliser des projets d’infrastructure ou des prestations de services au public. Ces dispositifs, qui font généralement intervenir des montages juridiques et financiers complexes associant des opérateurs privés et les pouvoirs publics, ont été mis au point dans plusieurs domaines du secteur public et sont largement répandus dans l’Union européenne, en particulier dans les transports, la santé publique, la sécurité publique, la gestion des déchets et la distribution d’eau.

Le texte intégral des propositions est disponible à l’adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/internal_market/publicprocurement/ppp_fr.htm

Maroc : Les nouveaux modes de délégation des services publics

Libération (Casablanca)
ANALYSE
15 Novembre 2005
Publié sur le web le 15 Novembre 2005

By M'hamed Drissi


Sous l'impulsion de la mondialisation économique, le Maroc s'est engagé depuis quelques années dans la voie de la modernisation de son administration publique afin de se mettre au diapason des multiples changements socio-économiques et culturels dus à la globalisation et pour être aussi en mesure d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires étrangers.

Cette modernisation s'avère en effet incontournable face aux inquiétudes des acteurs économiques sur la persistance des dysfonctionnements que connaît, depuis des décennies, notre secteur public. En effet, ce dernier n'arrive pas à répondre, jusqu'à nos jours, aux attentes fondamentales des citoyens en matière d'emploi, de scolarisation, de logement, de couverture médicale, etc.

Elle n'a pas réussi non plus, malgré les réformes entreprises avec enthousiasme, à satisfaire les doléances légitimes des investisseurs aussi bien nationaux qu'étrangers qui réclament, à juste titre, plus de souplesse et de simplification des procédures administratives souvent complexes et archaïques.

Certes, les conséquences non maîtrisées de la mondialisation des échanges, l'insuffisance des ressources devenues de plus en plus rares, la compétitivité entre économies, les progrès technologiques, les engagements pris par le Maroc vis-à-vis de l'Europe dans le cadre de l'accord d'association avec l'Union européenne et celui de libre-échange signé avec les Etats-Unis d'Amérique etc. Ce sont autant de défis qui militent en faveur de la recherche et de la pratique de nouvelles méthodes de gestion en vue d'améliorer le fonctionnement des services publics et d'accroître leur rentabilité aux moindres coûts.

Notre administration doit donc impérativement se décharger, au plus vite, de certaines fonctions et activités encombrantes, au profit du secteur privé afin qu'elle puisse concentrer ses efforts sur les rôles essentiels qui lui incombent et concilier ainsi les objectifs d'intérêt général avec les principes du libéralisme économique.

Il existe en effet, des services auxiliaires et des tâches qui ne rentrent pas dans le cadre des principales missions de l'administration publique dont elle a tout intérêt à déléguer au secteur privé. Comme il subsiste des projets de grande envergure tels que les barrages, les ports, les autoroutes et tant d'autres infrastructures de base qui sont si nécessaires au développement socio-économique de notre pays que ni l'Etat, à lui seul, ni les sociétés mixtes, ne peuvent plus financer, eu égard à la situation actuelle.

Il est vrai qu'au Maroc, les biens et services sont toujours produits conjointement par le secteur public et le secteur privé par le biais des moyens traditionnels tels que les marchés publics et les délégations de services publics dont la concession et ses dérivés à savoir l'affermage, la régie intéressée et la gérance. Néanmoins, les concessionnaires et les entreprises adjudicataires des marchés publics doivent souvent sous-traiter avec d'autres établissements et organismes de droit privé pour la réalisation des travaux, prestations et services nécessitant une main-d'oeuvre spécialisée ou une technicité de pointe qui leur font souvent défaut.

Cette sous-traitance, qu'il conviendrait de ne pas confondre avec externalisation de tâches, n'est en fait, qu'une opération par laquelle une entreprise (adjudicataire d'un marché public), confie à une autre, le soin d'exécuter pour elle (pour le compte de l'administration et selon un cahier des charges préétabli), une partie des actes de production et prestations ou services dont elle conservera la responsabilité économique finale vis-à-vis de l'administration - cliente. Et bien entendu, avec toutes les conséquences d'augmentation de coûts et de pertes de temps, outre les autres aléas de gestion et d'ordre psychologique qui n'échappent certainement pas aux praticiens avertis.

Aussi, le temps n'est-il pas venu pour que notre administration ait davantage recours aux nouveaux modes de délégation de services publics ayant démontré leur preuve en Europe et aux Etats-Unis dont notamment l'externalisation, le partenariat public-privé et la maîtrise d'ouvrage délégué?

Effectivement, l'externalisation est un contrat de service qui consiste à confier, pour une durée pluriannuelle, à un partenaire de services externes spécialisés, la totalité d'une fonction ou d'un service d'une organisation publique ou privée. C'est également le processus par lequel cette organisation confie à un prestataire extérieur, la responsabilité de la gestion d'un domaine (ou d'une fonction) qu'elle-même assumait auparavant directement en interne, au moyen d'une combinaison spécifique de ressources propres.

Quant au partenariat public-privé, c'est un contrat administratif par lequel l'Etat ou un établissement public confie à un tiers pour une période déterminée, en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion.

Tandis que la maîtrise d'ouvrage déléguée est une convention aux termes de laquelle une administration publique confie à un organisme technique de droit privé, par décision du premier ministre, après avis du ministre chargé des finances, l'exécution en son nom et pour son compte de tout ou d'une partie des missions de maîtrise d'ouvrage. Le maître d'ouvrage délégué représente le maître d'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui sont confiées jusqu'à ce que le déléguant ait constaté l'achèvement de la mission dont les conditions sont définies par la convention.

D'une manière générale, la délégation de service public, approche basique de ces trois formules, est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service.

Cette personne morale publique qui a la haute responsabilité sur le service public, dispose de la faculté, soit de gérer le service public elle-même directement en régie, si elle a les moyens humains et matériels suffisants et appropriés, soit de recourir à une personne de droit privé possédant une relative autonomie de gestion, mais soumise néanmoins à son contrôle en vertu des conventions, contrats et marchés conclus à cette fin.

Si la maîtrise d'ouvrage déléguée est encore timidement pratiquée par certaines administrations, généralement dépourvues de services techniques en matière de travaux d'infrastructures, en revanche, l'externalisation est récemment utilisée à petite échelle, par certaines administrations nouvellement créées. Cependant, l'utilisation (presqu'à la mode) de cette méthode innovante, dépasse rarement le champ de l'entretien, du nettoyage et de la sécurité, tâches jugées plutôt encombrantes.

En ce qui concerne le partenariat public-privé, ce mode de délégation ne pourra être normalement opérationnel au Maroc qu'une fois le cadre juridique approprié sera mis en place permettant, sans risques, le financement des projets de grande envergure par des partenaires étrangers ayant les capacités techniques et financières requises. Ceci en dehors du système de prêts et de dons accordés jusqu'à présent, à notre pays, par les institutions financières internationales.

En fait, il est pratiquement admis aujourd'hui, en référence aux pays ayant adopté ces nouveaux modes de gestion déléguée que pour un coût donné, le secteur privé produit généralement plus et mieux que le secteur public, et sa gestion est plus efficiente dans la mesure où ces modes permettent une optimisation du coût, un bénéfice de compétence plus pointue, une assurance de l'application des législations en vigueur et une qualité de service irréprochable.

Bien que ces différents modes de gestion déléguée aient la même finalité qui consiste à servir le secteur public à travers la délégation, ils diffèrent cependant au niveau des procédures : celles de la délégation de services publics doivent nécessairement faire place à la négociation alors que celles des marchés publics obéissent obligatoirement au principe de la concurrence.

En raison du vide juridique constaté en matière de passation des conventions et de contrats pour une meilleure application de ces nouveaux modes de gestion de services publics, les administrations marocaines se réfèrent, notamment en matière d'externalisation, au seul code des marchés de l'Etat actuellement en vigueur en l'occurrence le décret n°2.98.482 du 11 Ramadan 1419 (30 décembre 1998) fixant les conditions et les formes de passation des marchés de l'Etat ainsi que certaines dispositions relatives à leur contrôle et à leur gestion.

Conformément aux dispositions de ce texte, les délégations de services publics peuvent être en effet, passées par marchés - cadre, en vertu des dispositions dont font l'objet ces marchés pluriannules. D'où l'urgence qui s'impose aux autorités marocaines pour l'élaboration des textes législatifs et organisationnels, beaucoup plus souples et plus adéquats, pour la mise en oeuvre de ces nouveaux modes de gestion de services publics, pour assurer ainsi une nouvelle redistribution des responsabilités à travers, bien entendu, une délégation des actes de gestions dans un cadre contractuel sain et efficient, ce qui s'inscrit dans le cadre de l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique et de la réforme de la gestion publique orientée davantage vers les résultats et le contrôle des performances.

Grâce à ces nouvelles méthodes de gestion, l'administration marocaine contribuera, sans conteste, à la croissance économique pour extraire le pays de la crise actuelle. A vrai dire, il est illusoire de croire, à l'ère du 21ème siècle, que le dialogue social puisse aboutir sans développement économique, étant donné que le social et l'économique sont, non seulement indissociables, mais doivent impérativement passer tous les deux par l'investissement qui demeure incontestablement l'apanage du secteur privé.

* chercheur en sciences économiques

06 novembre 2005

France : La compétitivité des territoires

Le gouvernement a défini les 55 pôles de compétitivité bénéficiant d'une impulsion politique pour leur développement et d'aides financières pour l'installation d'entreprises. Ils devraient favoriser l'innovation industrielle sur un territoire donné et dans un secteur précis.


• Partenariat public-privé : l'Etat donne l'exemple
Le CIACT a autorisé le recours au partenariat public-privé pour la réalisation d'une trentaine de projets. En ces temps de rigueur budgétaire, l'Etat veut augmenter l'effet levier des fonds publics par la constitution de partenariats publics-privés (PPP). Le PPP permet à une personne publique (Etat, collectivités, institutions) d'attribuer à une entreprise privée la conception, la réalisation, le financement, l'exploitation et la maintenance d'un équipement collectif. Le partenaire privé est impliqué dans tout le cycle du bien public, de sa construction à son utilisation. Il doit rendre compte du respect d'objectifs de performance définis au début du partenariat.
Trente-cinq projets devraient faire l'objet d'un partenariat public privé. Dans le domaine autoroutier ou ferroviaire, l'Etat envisage de conclure des PPP sur certains marchés du TGV Est, pour le contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier, pour le tronc commun A4-A86 de l'Est parisien, par exemple. Dans le domaine des équipements, le ministère de l'Intérieur propose d'utiliser le PPP pour construire l'école de formation à la lutte contre le terrorisme à Cambrai. Le ministère de l'Education devrait conclure un partenariat pour la rénovation des universités Paris-Dauphine et Strasbourg I, et le ministère de la Justice pour la rénovation de la maison d'arrêt de la Santé.
Le partenariat public-privé présente de nombreux avantages. Néanmoins, le Conseil d'Etat préconise une utilisation parcimonieuse de cette procédure. Dans une évaluation préalable, la collectivité doit justifier d'y avoir recours pour « son caractère juridiquement conforme et économiquement avantageux ». Pour le gouvernement, les PPP permettent « le lancement rapide de projets grâce au préfinancement privé». Ils consolident également le secteur privé «en solvabilisant et pérennisant des activités d'entreprises de services», notamment dans les territoires à faible attractivité économique. Mais on peut se demander à quelles entreprises ces partenariats s'adressent. Les PPP exigent souvent une variété de savoir-faire (de la conception à l'exploitation) que seule une grande entreprise peut proposer. De même, seule une société solide peut pré-financer la construction de l'équipement et négocier sérieusement ses objectifs de performance. Le partenariat public-privé permet certes aux collectivités de différer dans le temps le paiement des équipements publics. Mais elles risquent d'avoir face à elles des groupes industriels puissants, prêts à défendre leurs intérêts.
C.M.
Le gouvernement a réuni, le
14 octobre dernier, le premier Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT successeur du CIADT. En remplaçant le terme « développement »par celui de « compétitivité », le Premier ministre ne veut pas se limiter à une nuance sémantique ; il entend donner une nouvelle impulsion à la stratégie industrielle de l'Etat. Dominique de Villepin a annoncé la création de deux nouvelles structures : le Pôle interministériel d'anticipation et de prospective (PIAP), animé par le ministère de l'Economie et celui de l'Emploi, et son bras armé, la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT).
« En élargissant les missions du CIADT, le gouvernement affirme une exigence : l'unification des stratégies industrielles et d'aménagement du territoire pour renforcer la compétitivité et la cohésion de notre pays. L'installation du CIACT matérialise l'engagement pris devant les Français de mieux anticiper et accompagner les mutations économiques », a expliqué le Premier ministre.

55 pôles : peu de sélection

Lors du CIACT, le gouvernement a validé, dans leur principe, la création de 55 pôles de compétitivité sur les 67 projets labellisés. Cela représente peu de sélection, les onze autres restent en cours d'examen et deux ont fusionné. Les quinze pôles à rayonnement international ont tous reçu le feu vert du gouvernement.Ces pôles de compétitivité ont vocation à développer l'innovation industrielle par la mise en réseau, sur un territoire et dans un secteur précis, des centres de recherche et des organismes de formation, avec le soutien des chambres consulaires et des élus locaux. Les entreprises des secteurs d'activité sélectionnés vont bénéficier d'exonérations fiscales et sociales, ainsi que d'un environnement favorable à leur recherche et développement (R&D). Deux principes ont guidé le choix du gouvernement : la composition des équipes de direction et les limites géographiques des pôles. Dominique de Villepin et Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, ont voulu conserver le caractère industriel et innovant des projets en plaçant un industriel ou un chercheur à leur tête. « Dans l'esprit de l'appel à projets, la gouvernance des pôles devait accorder une place prépondérante aux porteurs des projets labellisés en juillet 2005, tout en assurant la représentation des collectivités publiques souhaitant soutenir leur développement, précise Matignon.
Aussi, la gouvernance des pôles a-t-elle été ouverte aux représentants des collectivités territoriales tout en ménageant une place prioritaire aux porteurs de projet, industriels, chercheurs et responsables des organismes de formation. Ceux-ci auront seuls la responsabilité du choix des thèmes et des projets de R&D des pôles labellisés».

Divergences sur le zonage

De même, le Premier ministre souhaitait que l'Etat reste aux commandes financières. Le gouvernement s'est donc refusé à ce qu'un élu local puisse présider les comités de coordination qui regroupent les financeurs (Etat, agences, banques et collectivités), préférant placer à ce poste un préfet.
Autre point de divergence avec les collectivités locales : le zonage. « De nombreuses discussions techniques ont été conduites, dans un délai très court, entre la gouvernance des pôles, les préfets, les collectivités territoriales (au premier rang desquelles les régions) et les administrations centrales pour arrêter et justifier les zones dont la définition sera soumise au Conseil d'Etat », précise Matignon dans un communiqué. Toutefois le gouvernement pourrait étudier « si besoin est, les conditions dans lesquelles les entreprises qui se situeraient en dehors de ces zonages, mais qui participeraient directement aux projets de R&D portés par les pôles, pourraient bénéficier du régime des exonérations fiscales et sociales ».
Dans une lettre au Premier ministre, le 7 septembre dernier, Alain Rousset, président socialiste de l'Association des régions de France (ARF), demandait à l'Etat de renoncer au zonage qui « risque de laisser à l'écart des entreprises partenaires potentielles ». Dans la majorité UMP, certains députés craignent l'effet d'aubaine, des entreprises déménageant pour bénéficier des aides publiques. En juillet dernier, le gouvernement avait évalué l'aide à 1,5 milliard d'euros sur trois ans. Les exonérations fiscales et de charges sociales sont estimées à 300 millions d'euros. Le montant des aides directes de l'Etat et des agences n'est pas précisé.
« L'Agence pour l'innovation industrielle, dont la dotation s'élève à 2 milliards d'euros, identifiera, d'ici la fin de l'année 2005, parmi l'ensemble des projets de R&D portés prioritairement par les pôles, ceux susceptibles de bénéficier de ses soutiens et organisera, avec les gouvernances concernées, la préparation des dossiers de demandes financières», indique Matignon.
L'agence nationale de la recherche et la Caisse des Dépôts et Consignations sont également mobilisées.
Depuis plusieurs années, le gouvernement mène des politiques de « discrimination positive territoriale ». Les aides fiscales devant inciter les entreprises à s'installer dans les quartiers difficiles n'ont eu guère de retombées. En sera-t-il autrement pour ces pôles d'excellence ? Les stratégies d'implantation des entreprises internationales sont-elles influencées par ce type de mesures ? A Grenoble, la réduction d'effectifs prévue dans l'entreprise Hewlett-Packard a fragilisé le projet de pôle de compétitivité informatique (qui ne fait pas partie des 55 sélectionnés). La solution passera peut-être par le regroupement de PME et PMI. Développer une stratégie industrielle est certes nécessaire ; mais cette politique sera-t-elle suffisante pour créer des emplois ?
Chantal MILLET

Les Echos Judiciaires.fr
Source : N° 5199
Date de parution : 04/11/2005