14 février 2006

Senegal : Pour une réforme de notre Code des marchés publics

Il faut souligner à ce niveau que les conditions d’exécution font partie intégrante des cahiers des charges, qu’ils soient administratifs ou techniques.

Et que l’entreprise candidate à un marché public se doit de respecter intégralement les conditions d’exécution au titre de son adhésion pleine et entière au cahier des charges de la personne publique. Il revient donc à la personne publique de vérifier cette conformité au cours de l’exécution du marché.

Par ailleurs, un nouveau code des marchés, s’il devait voir le jour pourrait faire appel à la notion de pondération des critères, ce qui permettrait d’établir une grille et un système de notation afin de pouvoir comparer de manière objective les offres entre elles.

Les critères établis par la personne publique sont des indicateurs qui permettent, d’une part de décrire et qualifier le besoin à satisfaire, d’autre part de juger de l’adéquation entre l’offre proposée par le candidat et l’attente de l’acheteur. De ce point de vue, le critère est susceptible d’une évaluation qui, théoriquement peut varier de 0% à 100% selon l’application du principe de pondération. L’évaluation ainsi attribuée reflète la performance de l’entreprise candidate par rapport au critère défini, et permet de motiver suffisamment le choix du titulaire.

2.4 Alléger le formalisme

La présentation de leur dossier par les entreprises pourrait être normalisée, à l’aide en particulier d’un dossier type simplifié. Par exemple, les procédures de délivrance des documents administratifs, et plus particulièrement des certificats fiscaux et sociaux pourraient être allégées. Des attestations sur l’honneur pourraient être demandées, et la possibilité de régulariser les dossiers de candidature des entreprises comportant des erreurs matérielles de portée limitée mise à l’étude, dans le respect du principe d’égalité d’accès des candidats. La transmission des documents obligatoires serait exigée au moment de l’attribution du marché. Toutefois, ce souci d’alléger la charge administrative des entreprises doit aller de pair avec un contrôle accru de leurs capacités techniques, financières et professionnelles afin de pouvoir éliminer aisément les candidats ne disposant pas des garanties suffisantes (cf sous section 2.11).

2.5 Réduire le nombre de seuils

Le Code des marchés publics actuel se réfère à plusieurs seuils, en fonction du montant du marché et selon qu’il s’agit d’un marché de fourniture, de travaux ou de marchés de travaux ou de prestations de service. Pour les marchés de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics, un appel d’offres ouvert est passé lorsque le montant du marché est >= 15 millions CFA pour ce qui concerne un marché de fourniture.

Pour les marchés de travaux ou prestations de service, un appel d’offres ouvert est obligatoire lorsque le montant du marché est >= 25 millions CFA.

S’agissant des sociétés nationales et sociétés anonymes à participation publique majoritaire, une des nouveautés du code du 30 mai 2002, un appel d’offres ouvert est lancé lorsque le montant est >= 30 millions CFA

On dénombre ainsi plusieurs seuils nationaux qui déterminent les procédures à mettre en œuvre. Dans une optique de réforme du code des marchés publics, le nombre de ces seuils pourrait être réduit : la nouvelle procédure de mise en concurrence serait applicable pour toutes les catégories de marchés (travaux, fournitures, services) en fonction d’un seuil prédéfini par les autorités publiques.

2.6 Ré étudier les délais actuels relatifs aux procédures liées au secteur informatique

Les textes actuels résultant du code des marchés du 30 mai 2002 prévoient depuis la publicité dans un journal d’annonces légales jusqu’à l’approbation du marché, une durée totale d’environ trois mois, avec toutefois un allongement des délais réglementaires de soumission.

Ce qui est gage d’une volonté de transparence et de mise en concurrence. Il faut d’ailleurs se féliciter que le code actuel ait, dans une certaine mesure pris la mesure des enjeux liés à la nécessité de permettre aux soumissionnaires de préparer dans de bonnes conditions leurs offres.

Toutefois, dans le secteur des télécommunications et de l’informatique, le temps devient un élément de plus en plus primordial dans la gestion des projets, en raison de l’évolution très rapide des produits et des prix. Des règles adaptées pourraient être appliquées aux marchés de ce secteur.

Cette situation résulte des caractéristiques propres au secteur que l’on peut regrouper autour de 2 idées :

- la technicité du domaine,

- l’évolutivité du secteur qui autorise un flux important de nouveaux produits et services, et impose en permanence l’élaboration de schémas contractuels innovants.

2.7 Une formule intéressante : la garantie de bonne fin dans les marchés publics

Les acheteurs publics sont demandeurs de sécurité renforcée, tant sur la qualité et le montant de l’offre, que sur les garanties offertes par les entreprises. Ces dernières, et particulièrement les P.M.E, peuvent rencontrer des difficultés à faire reconnaître leur capacité à mener le contrat à son terme. Pour répondre à ces préoccupations, plusieurs pays ont mis en place des dispositifs de garantie de bonne fin, parfois inspirés de l’exemple américain. Les Etats-Unis ont en effet un régime spécifique pour les contrats fédéraux d’un montant supérieur à 100.000$, qui comprend une garantie de soumission, une garantie d’exécution (Performance Bond) et une garantie de paiement des fournisseurs, personnels et sous-traitants. Le Canada dispose d’un régime très similaire, avec une couverture limitée à 50%. Des dispositifs comparables sont introduits progressivement au Japon et en Italie, mais sous la forme d’une garantie financière plutôt que d’une garantie d’exécution.

La garantie de bonne fin a un champ plus large qu’une caution. En effet, la couverture apportée par une institution financière, généralement une compagnie d’assurances, garantit la réalisation de l’ouvrage. Fondé sur la connaissance des moyens d’exploitation de l’entreprise, de la formation de ses coûts et de leur adéquation au marché, ce régime équivaut à une pré-qualification apportée par une tierce partie. Ainsi, la garantie de bonne fin est en elle même un facteur de prévention des sinistres, puisque le risque a été analysé au préalable par l’assureur. L’attestation délivrée par un tiers permet de limiter les risques ou les soupçons de favoritisme. La garantie permet aussi de prévenir les prix aberrants dans la mesure où, en cas de dumping, la couverture du risque est refusée.

Pourrait être introduite la possibilité pour le maître d’ouvrage d’exiger de tous les soumissionnaires, en fonction des caractéristiques du marché, une garantie de bonne fin. Cette demande de garantie relèverait de l’appréciation du maître d’ouvrage et, dès lors que cette garantie serait exigée, elle le serait de toutes les entreprises en compétition sur le marché en cause. Ce principe pourrait être appliqué pour certains marchés de travaux dont les montants se chiffrent en milliards de CFA.

La mise en place d’un tel instrument repose sur la possibilité de structuration d’une offre de garantie de la part des institutions financières (assureurs principalement), de nature à garantir l’égalité d’accès des entreprises et en particulier des petites et moyennes entreprises, qui ne doivent pas être pénalisées par des surcoûts éventuels.

2.8 Encadrer fortement la sous traitance

Un dispositif d’encadrement de la sous-traitance pourrait être mis en œuvre pour éviter le double écueil d’une rigidité excessive et d’une protection artificielle des entreprises concernées au détriment des modes d’accès direct à la commande publique, qui doivent être privilégiés.

On le sait, et c’est une des nouveautés du code du 30 mai 2002 par rapport à celui de 1982, la sous traitance est mieux encadrée avec l’impossibilité pour le titulaire d’un marché de procéder à la sous traitance au delà de 40 %. La sous traitance totale est donc fortement prohibée.

Tout en maintenant l’interdiction de sous-traiter la totalité d’un marché, il serait ouvert aux maîtres d’ouvrage la possibilité d’exiger, dans le règlement de consultation, la déclaration de la nature, du volume et du prix des prestations susceptibles d’être sous-traitées. Ce dispositif permet de dissuader la pratique du « second tour « , qui consiste, pour l’entreprise titulaire, à obtenir des rabais successifs sur le prix proposé par un premier candidat à la sous-traitance en consultant des entreprises concurrentes. Les dépassements du volume des prestations sous-traitées feraient l’objet d’une demande écrite et motivée du titulaire, acceptée par le maître d’ouvrage. Le principe du paiement direct des sous-traitants de premier rang serait maintenu, tout en renforçant les garanties pour les sous-traitants en chaîne. Il conviendra, pour atteindre cet objectif, que les conditions d’exercice de la sous-traitance soient davantage clarifiées.

2.9 La dématérialisation des procédures : une exigence des temps modernes

En France, depuis le 01 janvier 2005, la dématérialisation des procédures est devenue effective avec comme innovation majeure la possibilité pour les soumissionnaires de retirer à la fois le dossier de consultation des entreprises via Internet, par le biais d’une plate forme unique dédiée à cet effet, mais également de pouvoir faire acte de candidature par voie électronique, avec toutefois des niveaux de sécurité très élevés (certificat de sécurité, cryptage, vérification de l’authenticité de la personne détentrice du pouvoir de signature, et habilitée à engager la société). C’est ainsi qu’ à partir de la Pologne, de l’Allemagne ou de la Suisse, n’importe quel prestataire a la possibilité de consulter un avis d’appel public à la concurrence au JOUE (journal officiel de l’Union européenne) et de soumissionner à un appel d’offres.

Un tel dispositif, à condition que les modalités de sa mise en œuvre soient étudiées, précisées, et surtout adaptées dans le contexte local, pourrait permettre à notre pays d’être un des pionniers en Afrique, par l’utilisation des formidables opportunités offertes par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Par exemple, une entreprise domiciliée au Mali, en Côte d’Ivoire ou en Afrique du Sud pourrait soumissionner en ligne dans le cadre d’une consultation.

2.10 La création d’une Mission achats-marchés

Dans une optique de cohérence, de mutualisation des coûts, et d’efficacité de d’achat public, une mission achats-marchés, l’équivalent d’une Direction centrale des marchés (formule évoquée l’année dernière par l’actuel Ministre de l’Economie et des Finances Abdoulaye Diop) dans l’hypothèse d’une réforme du Code des marchés, pourrait être créée aussi bien au niveau de l’Etat que des collectivités territoriales.

Cette entité pourrait jouer un rôle de coordination et de conseil, notamment dans la définition des besoins qui constitue la démarche préalable à toute expression des besoins.

En effet, tout processus d’achat s’engage par une réflexion de définition sur la nature du besoin à satisfaire et les problématiques qui en découlent.

La démarche d’expression du besoin est un processus itératif qui débute par la description fonctionnelle pour aboutir à l’écriture de la spécification technique.

La première phase doit permettre de saisir le besoin, de le formuler et d’identifier les contraintes. Elle aboutit normalement à la rédaction du cahier des charges fonctionnel (CDGF) qui constitue l’expression cadre des besoins.

La seconde phase consiste à traduire cet ensemble sous forme de spécifications techniques susceptibles d’aboutir à une réponse de faisabilité technologique acquise.

Il convient enfin de maîtriser le passage d’une formulation technique à une formulation juridique qui règle par voie contractuelle la nature des obligations et les conditions de réception des prestations préalablement identifiées.

Parallèlement à cette phase, il est fondamental pour l’acheteur public de s’assurer que les crédits budgétaires relatifs à la consultation visée sont existants et suffisants, et relèvent soit du budget de fonctionnement ou du budget d’investissement (ou des deux à la fois). C’est le principe comptable élémentaire qui stipule qu’un marché ne peut être passé si le budget qui lui est affecté n’est pas disponible.

La création d’une Mission Achats Marchés ou d’une structure similaire permettrait sans conteste de s’orienter dans le sens d’une optimisation et d’une rationalisation de l’achat public aussi bien pour les services de l’Etat que ceux des collectivités territoriales (par exemple possibilité d’avoir recours à des marchés transversaux, identification des besoins de plusieurs services relevant d’un même Ministère ou d’une entité publique dotée d’antennes régionales, réduction des coûts).

2.11 La formation d’un personnel qualifié dans la passation, la gestion et l’exécution des marchés

La formation des agents de l’Etat et des collectivités territoriales est un enjeu majeur dans la vie d’une Nation. On le sait, dans le domaine des contrats administratifs, les risques de contentieux sont élevés . De ce point de vue, chaque contrat doit faire l’objet d’un examen particulièrement attentif, notamment pour ce qui est concerne les clauses , et les obligations qui incombent aux deux parties.

Cas pratique : l’affaire ALCYON

Il y a quelques temps, un contrat signé en 2001 par le Ministère de l’Environnement avec une société étrangère de nettoyage et de collecte des ordures, dénommée ALCYON, avait défrayé la chronique quant à la rédaction des termes du contrat qui pénalisait fortement l’Etat en cas de résiliation anticipée. Et ce d’autant plus que le contrat était conclu entre l’Etat et la dite société pour une durée de 25 ans, et pour un montant de 5 milliards de F CFA par an (12,5 millions de francs suisse).

Il est apparu que la dite société ne disposait pas de garanties financières suffisantes pour soumissionner dans le cadre de la consultation qui avait été lancée (situation de quasi-faillite).

Dans le cas précité, l’appréciation des capacités techniques, financières et professionnelles du prestataire n’a pas été effectuée de manière approfondie ; alors même qu’il existe des techniques qui permettent de jauger le candidat, et de vérifier ses capacités réelles par rapport au montant du marché. Et ce, d’autant plus que la procédure liée aux contrats de concessions est équivaut en pratique, à un appel d’offres restreint (les candidats sont pré sectionnés dans un premier temps après analyse de leurs candidatures, et un dans un second temps, par rapport à leurs offres).

Le recours à certains instruments connus par tous les spécialistes du milieu aurait de toute évidence abouti à la disqualification de la dite société sans pour autant porter préjudice au déroulement de la consultation (le groupe Vivendi et une société canadienne dénommée Desaut-Soprin étaient en lice pour l’obtention dudit marché). Il aurait été aussi intéressant de connaître le contenu exact de l’avis d’appel public à candidatures, et les dispositions y afférentes.

Car, il est un principe constant que la personne publique est tenue de respecter les règles qu’elle a elle-même édictées. Il est risqué d’évincer un candidat sur une base qui n’avait pas été initialement insérée et précisée dans l’AAPC. Pour une raison simple liée à l’annulation du marché en cas de contentieux.

Par ailleurs, il faut savoir qu’une jurisprudence stipule que dans le cadre d’une concession de service public dont le contrat est entaché de nullité, le cocontractant de l’administration « peut demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l’exploitation du service font retour à l’administration, des dépenses d’investissement qu’il a consenties, ainsi que du déficit qu’il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, compte tenu notamment des dotations aux amortissements et des frais afférents aux emprunts éventuellement contractés pour financer les investissements, pour autant toutefois qu’il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d’une gestion normale, à la bonne exécution du service ».

Les choses ne sont donc pas si simples pour l’Etat Sénégalais.

Il n’empêche, l’élimination de la société au stade de la candidature était une option parfaitement légale pour se prémunir d’un contentieux à posteriori. Par contre, une fois, le candidat admis, il est impossible de faire valoir à l’encontre de ce soumissionnaire l’absence de garanties financières suffisantes.

Une résiliation anticipée est certes toujours possible, et peut intervenir à tout moment du marché, sur initiative de la personne publique « pour des motifs d’intérêt général », mais le délégataire aurait droit dans ce cas à une indemnisation dont les termes ont été fixés, en principe par le contrat initial.

Compte tenu des éléments précités, comment expliquer que les termes du contrat n’aient pas été suffisamment précis ; sachant que dans ce type de procédure, les pouvoirs publics disposent d’une marge de manœuvre très importante en matière de négociation contrairement à un marché public classique ?

Cet exemple prouve qu’il est primordial de former des agents, spécialistes dans la passation et la gestion de marchés publics, avec comme optique de sécuriser nos processus d’achat face à des prestataires aguerris, rompus aux techniques de négociation et de conclusion de contrats administratifs. Par ailleurs, quand on sait que les contrats de délégation de service public de type concession ou affermage sont conclus avec des délégataires pour des durées relativement longues (en moyenne 20 ans) ;il importe par conséquent d’être particulièrement vigilant quant à la signature de tels contrats.

Encore qu’il ne faudrait pas confondre marchés publics, et délégations de service public qui sont certes des contrats administratifs, mais différents quant à leur mode rémunération, leur durée, et le déroulement de leur procédure.

Les contrats passés dans le cadre de la loi Partenariat Public Privé (partenariat entre administrations publiques et entreprises du secteur privé) participent aussi de cette logique qui consiste à favoriser la satisfaction des besoins des pays émergents ou en voie de développement en termes d’infrastructures ou d’équipements (les besoins sont évalués à plus de 2000 milliards de dollars dans les vingt prochaines années). Ces contrats, qui se distinguent en droit français à la fois de la délégation de service public et du marché public, trouvent leur source d’inspiration dans le droit anglais (Private Financial Investment ou PFI) ; ou le droit canadien (qui connaît plusieurs formes de contrats globaux avec transfert d’équipements).

Ils figurent en bonne place pour certains contrats mis en place par la Banque Mondiale pour financer des opérations de développement.

Les contrats partenariat public-privé permettent d’associer sur une longue durée (20 ou 30 ans) une entreprise privée au financement, à la réalisation ou à la gestion d’un équipement public.

A côté des marchés publics et des concessions, cette nouvelle forme juridique est particulièrement adaptée aux opérations lourdes. Compte tenu des enjeux financiers colossaux, ces partenariats supposent des contrats qui prennent des formes parfois difficiles à identifier, des montages juridiques et financiers complexes qui ne doivent laisser place à aucune forme d’amateurisme.

Conclusion

On le voit donc, les procédures d’attribution des marchés doivent faire l’objet d’une plus grande rigueur et d’une expertise suffisante de l’achat, afin de donner aux acheteurs les moyens d’assurer au mieux l’impartialité des choix, et d’optimiser leurs attentes.

A cet égard, le renforcement de la concurrence permet un meilleur usage des deniers publics. Il est aussi un facteur de sécurité juridique de l’achat public, de transparence des procédures, de prévention du délit de favoritisme, ou plus simplement, des contentieux relatifs à l’attribution des marchés. Un nouveau code pourrait avoir entre autres, pour objectif de déconcentrer et de décentraliser la décision, en consacrant le principe d’autonomie de la personne responsable de marché (qui ne serait plus exclusivement assimilée à une notion de calcul des seuils). C’est donc l’ensemble du dispositif actuel (du lancement de la consultation à la notification, en passant par le suivi et l’exécution des marchés) qui doit être revu et corrigé.

Dans un contexte où la bonne gouvernance est érigée en principe majeur, et demeure un leitmotiv pour nos autorités publiques, une réforme de notre code des marchés publics est on ne plus urgente.

Le Sénégal à tout à y gagner.

Seybani SOUGOU Cadre à la Mairie de Paris Responsable de procédures de marchés publics et de délégations de service public E-mail : seybani.sougou@paris.fr

Le partenariat public-privé, facteur clé de succès de la stratégie de puissance

« Tout ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les Etats-Unis et tout ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour la General Motors. »
(A quand une réalité française ? Ndlr)

En vue de l’affirmation de la puissance française, il est aujourd’hui devenu impératif de préciser et mettre en pratique une véritable stratégie d’ensemble, une unité d’action et de dialogue, une politique d’influence pour la France. Celle-ci doit coordonner, de manière volontariste, l’ensemble des acteurs économiques : Etat et entreprises. Un des enjeux majeurs est donc la réussite des partenariats entre les entités publique et privée. En quoi le partenariat public-privé peut-il être l’un des facteurs clé de succès de la stratégie de puissance française ? Nous tenterons de répondre à cette problématique en avançant des arguments susceptibles de soutenir et justifier cette thèse : premièrement, la dynamique de la mondialisation, entre interdépendance et affrontements ; deuxièmement, les points de convergence entre les sphères publique et privée ; enfin, une culture de la coopération à développer, par le biais d’exemples de réussite de partenariats public-privé.

La dynamique de la mondialisation : entre interdépendance et affrontements.
La complexité croissante des rapports entre l’Etat et les entreprises s’est amplifiée par le développement -rapide- de l’internationalisation. Le moteur essentiel de cette mutation est d’ordre économique. L’augmentation extrêmement rapide des échanges internationaux -supérieure à celle de la production mondiale- et des firmes multinationales atteste d’une interpénétration croissante des économies nationales, par le commerce. Par ailleurs, la mondialisation affecte négativement la souveraineté étatique. Tout d’abord, cette « société globale » (P. de Sénarclens, 2001) réduit la marge de manœuvre des Etats, en les amenant à se plier à un ordre transnational. Ensuite, elle favorise la montée de puissances extraterritoriales qui accumulent capital, richesse et influence sur la scène internationale. Ces nouveaux acteurs brisent alors le monopole traditionnel détenu par les Etats sur les relations internationales, réduisent leur affirmation de puissance et les obligent à composer avec eux. Enfin, la mondialisation tend à dessiner l’image d’un « monde sans frontières », où le territoire de l’Etat-Nation paraît désormais trop exigu. Ces constatations nous conduisent à analyser l’Etat sur la base d’un nouveau réseau, fait d’interdépendances, de contradictions et d’affrontements, où il est nécessaire d’affirmer une volonté de puissance. Celle-ci sera justifiée par une politique de partenariat public-privé.

Les points de convergence entre les sphères publiques et privées.
L’internationalisation croissante du capital n’a pas conduit à la création d’une « gouvernance mondiale » supra étatique supprimant les Etats existants ou faisant se substituer les firmes multinationales aux Etats comme stratèges du système. Il y a un lien étroit entre chaque multinationale et un Etat, confrontés à des problèmes identiques : changements technologiques de plus en plus rapides, concurrence accrue et agressive, volonté d’optimiser les ressources devenues rares, nécessité de gains de productivité, clientèle plus exigeante… Les objectifs de ces deux entités sont alors étroitement interconnectés : accroître leur productivité ou leur influence et leur rendement ou leur richesse économique. En effet, un pays influent, voué à se transformer en porte-parole et défenseur des intérêts économiques nationaux, concourt au succès local des entreprises françaises. Celles-ci peuvent alors se développer, gagner des parts de marché et assurer -tel un cercle vertueux- des réseaux économiques et financiers à l’Etat, nécessaires à sa puissance. (i.e. « Competitive states », S.Strange, 1991). Il faudra néanmoins se méfier des intérêts économiques puissants et agressifs, qui chercheront à utiliser les Etats comme instruments d’action pour faire prévaloir leurs vues.

Une culture du partenariat à développer, par le biais d’exemples de réussite de partenariats public-privé.
Cette imbrication entre les sphères publique et privée, bien qu’évidente, ne sera pas spontanée, car encore impensable en France. Incompréhension et contresens marquent ces deux mondes. Aussi, « Il n’y a pas une France, mais des Frances. […] Ni l’ordre politique, ni l’ordre social, ni l’ordre culturel ne réussissent à imposer une uniformité qui soit autre chose qu’une apparence. » (Fernand Braudel in L’identité de la France). Il est aujourd’hui devenu urgent de se décider en faveur de nouvelles solidarités public-privé. Ces dernières doivent être la résultante d’une « culture du combat », d’un sens aiguisé de l’action « solidaire » et d’un modèle d’organisation construit en réseau, uni et décentralisé. La prise de risque est ici le levier de la croissance et du développement. Certains pays, tels que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni l’ont bien compris. De nombreuses initiatives démontrent l’efficacité des partenariats public-privé, notamment dans le cadre d’opérations d’influence : mobilisation de leaders d’opinions dans le cadre de la contestation de la PAC ; mobilisation des ressources publiques, par la société privée IWL, pour la réponse à l’appel d’offres des eaux de Sofia ; politique d’influence publique-privée pour la maîtrise du pétrole en Angola. C’est dans cette solidarité entre « public » et « privé » que se trouve la clé de la puissance française, « pour se prémunir, certes, mais aussi et surtout pour agir. Solidairement. » (Arnaud Teyssier in Les Echos, 18/19 Avril 2003, p49)

Les PPP : caractéristiques et modalités d'utilisation

L’ordonnance du 17 juin 2004 a créé une petite révolution dans le monde des contrats publics en instituant, en France, des « contrats de partenariat », souvent appelés PPP (partenariat public privé). Faut-il pour autant considérer que ces contrats sont venus palier un vide juridique ? Comment s’opéraient les grandes opérations avant la venue de ces nouveaux contrats ? Sont-ils utiles en pratique ?

Autant de questions auxquelles Maître Jean-Marc PEYRICAL, Avocat au Barreau de Paris, Maître de Conférence des Universités et Président de l’APASP (Association Pour l’Achat dans les Services Publics), se propose de répondre.

Entreprise-et-droit : Pouvez-vous nous indiquer en quelques mots ce que sont les PPP ?

Maître Jean-Marc PEYRICAL : Les PPP constituent avant tout un ensemble de contrats administratifs complexes globaux - mêlant des prestations de conception, financement, réalisation et maintenance - souscrits entre une personne publique et une personne privée ayant pour objet la réalisation d’une opération complexe relevant de la compétence de la personne publique. Parmi les PPP, le plus célèbre d’entre eux est désormais, sans hésiter, le contrat de partenariat instauré par l’ordonnance du 17 juin 2004. Cependant, ont peut également citer le bail emphytéotique administratif ou hospitalier ou encore certaines délégations de service public.

J’ajoute que le PPP sous-entend la complexité d’une opération de construction d’un équipement à destination publique. Cette complexité peut s’entendre en termes techniques, financiers ou juridiques.

E-et-D : Quelles sont les particularités du contrat de partenariat ?

Me J.-M. PEYRICAL : Le contrat de partenariat s’inspire des PFI anglo-saxons, mais également des anciens METP français (qui eux-mêmes ont inspiré les PFI)1.

Sa particularité première est de permettre de confier à un seul et même titulaire (qu’il s’agisse d’un groupement d’entreprises ou d’une entreprise seule) la réalisation d’une opération immobilière de A à Z : conception, construction, financement, maintenance. Le bien immobilier doit bien entendu relever d’une mission de service public ou de l’intérêt général, et donc être destiné à être essentiellement affecté aux besoins d’une collectivité publique.

Par ailleurs, et du fait de la globalité de l’opération confiée dans le cadre d’un contrat de partenariat, le Conseil constitutionnel a souhaité que soient limités les cas de recours à ce type de contrat, et ce, afin de permettre un plus grand accès des entreprises - et notamment les PME - à la commande publique.

C’est pourquoi, l’ordonnance du 17 juin 2004 limite le recours au contrat de partenariat aux cas d’urgence ou de complexité du contrat (voir article 2) justifiée par une évaluation préalable.

E-et-D : Pour quelles raisons le contrat de partenariat a-t-il été si contesté lors de son introduction en droit français ?

Me J.-M. PEYRICAL : Le contrat de partenariat permettant à une seule entreprise - ou à un groupement d’entreprises - d’en être le titulaire, il est certain que, en pratique, il s’adresse davantage aux grandes entreprises celles-ci ayant seule la capacité de prendre du temps à répondre à un appel d’offres contrat de partenariat, et surtout sont les seules à disposer de l’ensemble des compétences nécessaires pour la réalisation de telles prestations. Dans ce cadre, les PME, et surtout les architectes se sont plaints : ils ont vu dans l’instauration du contrat de partenariat une rupture de l’égalité d’accès à la commande publique.

C’est pourquoi, les textes prévoient que tout contrat de partenariat doit expressément spécifier quelle est la partie du contrat réservée au PME.

E-et-D : Comment faisait-on avant le contrat de partenariat ?

Me J.-M. PEYRICAL : Avant le contrat de partenariat, les collectivités locales disposaient de la possibilité de passer des baux emphytéotiques administratifs, lesquels permettent de réaliser des opérations de manière globale. Cependant, ils étaient réservés aux collectivités locales, ce n’est que depuis 2002 - 2003 que l’Etat ou les établissements publics de santé ont véritablement accès à des mécanismes équivalents au bail emphytéotique administratif, même si une loi de 1994 leur a instauré la possibilité d’utiliser le procédé de l’autorisation d’occupation domaniale avec droits réels.

E-et-D : Quel est l’intérêt de la globalisation de la réalisation d’une opération immobilière initiée par une personne publique ? En d’autres termes, quels sont les enjeux des PPP ?

Me J.-M. PEYRICAL : La globalisation des opérations de constructions d’ensembles immobiliers présente de nombreux intérêts pour la personne publique :

* Dans la plupart des cas, nous sommes en présence d’une maîtrise d’ouvrage privée, ce qui a pour effet - au-delà du transfert de responsabilité ainsi entraîné - de donner la maîtrise d’ouvrage aux personnes compétentes, à savoir les titulaires de ces contrats complexes, et non à la collectivité qui, très souvent, se retrouve en difficulté face à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage.

* Il s’agit souvent d’un préfinancement à l’initiative de la personne privée : cela permet à la personne publique de ne pas emprunter ou trouver de subventions pour financer une opération dès son commencement (comme en marché de travaux par exemple). Dans les PPP, c’est pratiquement toujours le partenaire privé qui prend en charge le financement et fait payer à la personne publique une redevance mensuelle ou trimestrielle correspondant au remboursement des coûts de constructions, des coûts de financement et des coûts de maintenance.

Bien entendu, il existe bien d’autres avantages - dont la garantie d’un entretien de qualité - qu’il serait trop long de vous présenter ici.

E-et-D : Les PPP sont-ils aujourd’hui très utilisés ?

Me J.-M. PEYRICAL : Les collectivités publiques, tout comme l’Etat ou les établissements de santé, sont de plus en plus intéressées par la mise en place de PPP. Cependant, il est beaucoup plus fréquent d’avoir recours à des baux emphytéotiques administratifs ou hospitaliers qu’à des contrats de partenariat.

Cela est dû notamment aux peu de cas d’ouverture de recours aux contrats de partenariat, mais aussi aux lourdeurs de mise en œuvre de ces contrats. En effet, la personne publique doit réaliser ou faire réaliser une évaluation préalable permettant de déterminer si le recours au contrat de partenariat est justifié pour une opération déterminée.

Ainsi, en tant que conseil, mais également en tant que Président d’une association d’acheteurs publics, je suis très souvent sollicité sur l’opportunité du recours au contrat de partenariat et sur les différentes alternatives pouvant exister pour la réalisation d’une opération particulière.

Il arrive que le recours au contrat de partenariat soit justifié ; cependant, dans la plupart des cas, un bail emphytéotique administratif, combiné par exemple avec une convention d’affermage dès lors qu’on se trouve en présence d’une activité de service public, peut s’avérer suffisant et beaucoup plus facile à mettre en œuvre.

1 - Ndlr : PFI = Private Finance Initiative, METP = Marché d'entreprise de travaux publics

Par Jean-Marc PEYRICAL, Avocat à la Cour, Président de l’APASP, Maître de Conférences
Interview réalisée pour entreprise-et-droit.com

11 février 2006

Maroc : L'essaimage mise surle partenariat public-privé

· La faible implication de l’Etat, un frein au développement des TIC dans la région

· Le contrat «Emergence» se propose de les développer sur la période 2006-2012

Afin de dresser le bilan des expériences des pays de la région Mena en matière d’incubation d’entreprises et de réfléchir sur les perspectives d’avenir, la capitale économique du Royaume accueille, du 1er au 3 février, le premier Forum régional sur l’incubation d’entreprises. Le thème choisi pour cette première édition: la promotion de l’innovation et l’entreprenariat en tant que facteurs de compétitivité des entreprises et leviers de croissance des économies. Outre le ministère chargé des Affaires économiques et générales qui parraine la manifestation, des incubateurs et des acteurs des secteurs public et privé de la région Mena participent aux travaux. Les sunlights ont été braqués sur les représentants du programme Infodev. Ce dernier, qui assure le financement de plus de 40 incubateurs disséminés dans toutes les régions du monde, a retenu en 2004 le Technopark de Casablanca pour lancer un incubateur au Maroc. Ce dernier a mis en place un projet-pilote qui consiste à faire bénéficier les entreprises, pendant 2 ans, de tous les services nécessaires à leur développement moyennant une prise de participation à leur capital. L’accent est mis sur les nouvelles technologies qui sont aujourd’hui incontournables pour faciliter l’intégration des porteurs de projets à leur environnement économique. C’est ce que confirme Vivek Chaudghry, un des responsables du programme. «Le recours aux nouvelles technologies de l’information permet d’améliorer la compétitivité des entreprises surtout les PME/PMI». Deux préalables sont, selon lui, indispensables pour la réussite d’une opération d’incubation.
L’accès au financement et un environnement socioéconomique propice à l’investissement. D’où l’importance du partenariat public-privé. D’ailleurs, toutes les interventions de la matinée ont souligné l’importance du rôle de l’Etat, ne serait-ce qu’au niveau réglementaire, dans la réussite de tout projet d’incubation. L’exemple tunisien est révélateur à cet égard. «L’obligation réglementaire pour tout projet soumis à incubation d’avoir sa propre plate-forme d’essais (souvent coûteuse) freine l’essaimage d’entreprises en Tunisie», souligne Thierry Albrand d’Alcatel France. La faible implication de l’Etat reste également un frein au développement de la créativité et de l’innovation au Maroc. Jamal Benhamou de l’Apebi en résume les conséquences dans le manque de support à l’innovation et à la recherche-développement, la rareté des technopoles et incubateurs dédiés aux nouvelles technologies et enfin l’insuffisance du cadre réglementaire.
La fin du laxisme semble toutefois s’entrevoir avec la future signature entre les pouvoirs publics et l’Apebi d’un contrat «Emergence» pour le développement des TIC. S’étalant sur six ans (2006-2012), il prévoit de porter le chiffre d’affaires du secteur des 26 milliards de dirhams, enregistrés à fin 2004, à près de 80 milliard de dirhams en 2012, et la création de 125.000 emplois dans le secteur dont 90.000 dans l’offshoring et les nouveaux métiers à forte composante TIC.