30 mai 2008

Le PPP de Villemandeur annulé pour absence d'urgence

Le premier contrat de partenariat français, conclu pour la construction et l'exploitation d'un collège de Villemandeur (Loiret), a été annulé par le Tribunal administratif d'Orléans. Le contrat de partenariat avait été remporté en juillet 2006 par Sogea Nord-Ouest, filiale de Vinci Construction, associée à Auxifip (filiale du Crédit Agricole).

Le Syndicat national du second oeuvre (SNSO) contestait principalement le motif d'urgence qui avait conduit le conseil général à l'usage du CP. Le tribunal suit les conclusions de Ghislaine Borot, commissaire du gouvernement, en estimant que les conditions d'urgence telles qu'interprétées strictement par le Conseil constitutionnel n'étaient pas satisfaites en l'espèce.

L'urgence est bien connue des juristes spécialisés en droit public. En contentieux, la notion est un véritable chausse-trappes. Il n'en existe pas de définition précise mais, paradoxe, la démonstration de l'urgence est requise dans certaines procédures. L'urgence en matière de contrat PPP ressemble à cette approche, l'urgence comme élément "indispensable mais insaisissable".

La notion d'urgence est présente dans le Code des Marchés Publics. Mais elle se rencontre dans un contexte largement différent du contrat PPP. En droit des marchés publics, l'urgence permet de justifier le recours à des procédures dérogatoires. Deux formes d'urgences existent dans le Code : l'urgence simple qui permet de raccourcir les délais de consultation (à 3 jours, réjouissez-vous, .sic) ; l'urgence impérieuse qui permet à la personne publique de recourir à la passation d'une procédure négociée. Dans tous les cas, l'urgence ne peut pas résulter de faits imputables à la personne publique. L'urgence en marchés publics implique l'existence de circonstances objectives. En ce sens, la définition de l'urgence faite par les directives Marchés Publics rejoint cette conception.

L'urgence dans le contrat PPP se distingue de cette conception dérogatoire. En effet, pour recourir au PPP, il faut démontrer la complexité ou/et l'urgence. En PPP, l'urgence constitue un des éléments de fond du recours à la procédure de PPP. L'urgence démontrée conduira à l'application d'une procédure de droit commun (l'appel d'offres) au contraire de ce qui se pratique en marchés publics ( l'urgence conduisant à des procédures dérogatoires telles que le marché négocié ).

Mais comment définir l'urgence ?

Le Conseil d'Etat en a donné une approche concrète dans une décision du 29 octobre 2004 concernant le recours au contrat PPP. L'urgence est ce qui "résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs". En clair, et comme le relève la maPPP, l'urgence ne semble pas exclure la carence de la personne publique. La sécurité défaillante, le vieilissement préjudiciable des ouvrages, la mise en conformité délicate sont autant d'éléments qui pourrait justifier l'urgence de recourir à un PPP. Le point clef résidera dans la démonstration de l'urgence rencontrée et non dans une simple affirmation "qu'il y a urgence".

Prenons le cas du PPP (contesté) du collège de Villemandeur. Le Syndicat National du Second Oeuvre conteste la décision prise par le Conseil Général du Loiret d'attribuer la construction du collège sous forme d'un PPP. Selon le communiqué du SNSO, la condition d'urgence n'aurait pas été remplie. Extrait :

"En l'espèce, le département du Loiret a choisi l'appel d'offres restreint au motif de l'urgence. Cependant, le guide des bonnes pratiques du contrat de partenariat rédigé par la mission d'appui du ministère de l'économie et des finances, explique avec justesse que " l'urgence évoquée par le Conseil constitutionnel n'est pas différente de celle traditionnellement admise par les juridictions administratives. Il s'agit d'une urgence objective qui ne doit pas résulter à priori du fait de l'administration ".

Sans débattre de la position de principe du SNSO, on peut s'interroger sur la notion d'urgence développée à l'appui de la requêté introduite par le syndicat. A mon sens, l'urgence du contrat PPP n'est pas celle retenue et modelée par la juridiction administrative dans le cadre de la définition des limites d'un référé suspension ou d'un référé conservatoire. Le contrat PPP fait de la condition d'urgence une urgence objective, et qui, encore une fois selon la Mappp, n'exclue pas la carence de la personne publique. Retenir une conception de l'urgence aussi restrictive qu'en matière de contentieux reviendrait à vider de sens l'ordonnance du 17 juin 2004.

Revenons à Villemandeur. Comme bon nombre de communes françaises, Villemandeur est confronté à une carence d'équipements scolaires pour ses 5600 habitants. En 2003, le Conseil Général a décidé de construire un nouveau collège à Villemandeur et de réduire les capacités d'accueil du collège d'Amilly qui faisait lui même l'objet d'une lourde restructuration. Le collège d'Amilly (en restructuration...) devait donc accueillir les élèves qui seraient ultérieurement scolariés dans le futur collège de Villemandeur. Ce nouveau collège devait être terminé pour la rentrée scolaire 2004 mais....

Les travaux ont pris beaucoup de retard. La restructuration du collège d'Amilly rend le collège disponible pour la rentrée 2005. Quant à celui de Villemandeur, les problèmes se succèdent. Tout d'abord, des problèmes de foncier. La mairie de Villemandeur devait proposer des terrains au constructeur mais il apparait que les terrains convoités appartiennent à des propriétaires privés : la négociation prend du temps. Ensuite, l'appel d'offres lancé sur les etimations du maître d'oeuvre donnent des résultats dépassant de 30% à 40% le montant estimé par la Moe. La mairie de Villemandeur relance l'appel d'offres sur la base d'estimations nouvelles mais le résultat n'est pas probant. Deuxième coup manqué. En conséquence, la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre est prononcée....

Pendant ce temps, les enfants de la municipalité de Villemandeur "surchargent" le collège d'Amilly. Et... pour faire fonctionner l'ensemble, le Conseil Général est contraint de faire des travaux pour accueillir temporairement cet afflux de collégiens.

Le projet de construction du collège de Villemandeur est repris à zéro. Le Conseil Général se tourne vers le PPP après évaluation préalable et dans le contexte de "l'urgence" résultant des éléments exposés sur ces quelques lignes.

Au vu de ces éléments factuels, doit on considérer que le Conseil Général se trouvait face à un projet objectivement urgent ? A votre avis...?

Le Tribunal Administratif d'Orléans a lancé un véritable "pavé dans la mare", en pleine réforme du CP...

Source : http://moniblogs.lemoniteur-expert.com

18 mai 2008

Le conseil général du Loiret interjette appel de la décision du TA d’Orléans

Dans une interview exclusive accordée à la Gazette des communes, Eric Doligé, président du conseil général (CG) du Loiret, explique pourquoi sa collectivité compte interjeter appel de la décision du tribunal administratif (TA) d’Orléans d’annuler la délibération relative au contrat de partenariat signé pour le collège de Villemandeur. «Les collectivités locales sont-elles condamnées à payer plus cher, avec des délais plus longs ?», interroge Eric Doligé. En faisant appel, le président (UMP) du conseil général du Loiret a la ferme intention de montrer que le recours au contrat de partenariat public privé (PPP) pour la réfection et l’entretien du collège de Villemandeur servait bel et bien l’intérêt général. «Le tribunal a décidé d’annuler la délibération relative à ce contrat, afin qu’une jurisprudence s’établisse sur la question», souligne-t-il (voir la Gazette du 12 mai p.15). Selon le tribunal administratif d’Orléans, l’atteinte portée au fonctionnement du service public par le retard dans la réalisation du collège ne présente pas une gravité suffisante pour remplir le critère d’urgence, justifiant le recours au PPP. Or le conseil général du Loiret s’était appuyé sur ce motif pour opter pour cette procédure, dérogatoire du droit commun.

Faire appel de ce jugement revient donc à tenter d’obtenir la reconnaissance d’une erreur d’appréciation, par le tribunal administratif, dans le caractère suffisant de diverses mesures prises par le conseil général pour assurer la scolarisation des collégiens. Le TA d’Orléans avait notamment prise en compte, en tant que «circonstances de l’espèce», les marchés relatifs à la restructuration d’un collège proche relatif à l’ajout de nouvelles salles de cours et à l’extension du réfectoire afin, précisément, de permettre à cet établissement d’accueillir le surplus de collégiens en provenance du secteur de Villemandeur.
D’autre part, des moyens logistiques avaient été mis en œuvre pour assurer le transport des élèves d’un collège à l’autre. C’est seulement aux vues de ces conditions que, pour le juge, l’atteinte portée au fonctionnement du service public par le retard affectant la réalisation du collège de Villemandeur ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour justifier une atteinte au droit commun de la commande publique par le recours au contrat de PPP.
Il faudrait donc, pour que l’appel aboutisse, que le juge d’appel revienne sur cette appréciation ou qu’un nouveau moyen de droit émerge.

Le président du Loiret rappelle qu’une loi est actuellement en cours d’examen, qui permettra notamment de justifier le choix d’un contrat de PPP par des raisons économiques, s’il est démontré que cette solution est plus compétitive. Ce qui est le cas avec ce projet, estime-t-il.
Mais est-ce un nouveau moyen recevable ? On peut en douter. Cela reviendrait à reconnaître une vertu rétroactive à la loi en préparation. Or, en droit, les affaires se jugent en vertu du droit applicable lors de la réalisation de leur cause, c'est-à-dire lors de la délibération incriminée. Le recours aurait ainsi peu de chances d’aboutir s’il ne s’appuie que sur ce moyen...

Source : La Gazette des Communes

16 mai 2008

Le premier collège "public privé" retoqué dans le Loiret

Le premier collège "public privé" retoqué dans le Loiret
Decision-achats.fr, 16/05/2008


Pas d'urgence, pas de PPP. Dans un jugement rendu le 29 avril, le tribunal administratif d’Orléans a annulé le premier partenariat public-privé français signé pour la construction et l'exploitation d'un collège public à Villemandeur (Loiret). Le tribunal juge que le caractère urgent du projet, invoqué par le conseil général, ne pouvait être justifié en l'espèce : "L'atteinte portée au fonctionnement du service public par le retard affectant la réalisation du collège de Villemandeur ne présentait pas (...) un caractère de gravité suffisant" permettant de déroger au droit commun de la commande publique. Créé par une ordonnance de juin 2004, le PPP est un contrat permettant à des opérateurs privés de concevoir et gérer des équipements publics en échange de loyers versés par la personne publique. Le conseil général a fait appel du jugement.



Double appel d'offres infructueux



La décision contestée avait été adoptée en 2005 pour la réalisation du collège, en faisant valoir l'urgence de la construction de l'établissement, à la suite d'un double appel d'offres infructueux. Le recours à ce partenariat a permis d'accélérer les démarches administratives. Le collège a été construit en urgence pour parer à une situation provisoire liée aux difficultés d'un autre collège accueillant 900 élèves alors qu'il avait été construit pour n'en accueillir que 600, selon le conseil général. L'assemblée départementale, où la droite est majoritaire, rappelle que cette procédure a permis de raccourcir de deux ans la réalisation du collège et de bénéficier d'un coût d'investissement inférieur de 25% par rapport à une procédure classique. Son coût, qui comprend la construction et la gestion du collège pour dix ans, s'élève à 21,7 millions d'euros, dont 13,3 millions d'euros de travaux. Le contrat de partenariat avait été conclu pour une durée de dix ans avec la société Auxifip, filiale du Crédit Agricole. Le recours a été déposé par le Syndicat national des entreprises de second oeuvre du bâtiment (SNSO), qui regroupe des PME du bâtiment. Pour ce syndicat, "les PPP traduisent un abandon des prérogatives publiques, conduisent à une extinction de la concurrence (…) et prive les entreprises locales d’accès direct à la commande publique au profit d’un quarteron de majors".



Le conseil général persiste



Après ce jugement, le conseil général a réitéré l’urgence de réaliser ce collège sous contrat de partenariat à la suite des appels d’offres infructueux et de l’accueil de 900 élèves dans un collège prévu pour 600. Eric Doligé président du conseil général a notamment déclaré que "ce PPP a répondu à une urgence véritable, à un besoin de sécurité et a donc réduit les délais mais aussi les coûts d’investissements de 25%". Ce dernier critère devrait correspondre à la nouvelle voie de recours qu'ouvrira la loi qui réformera les PPP dès cet été : celle de "l’efficience”. Il suffira de démontrer que les PPP se font dans des délais plus courts ou sont globalement moins coûteux qu’un marché public ou une DSP pour avoir le droit d’en lancer. En attendant, la cour d'appel va devoir rejuger ce cas de figure inédit en France.


Pour aller plus loin : tout le détail de la réforme des PPP dans le numéro de "Décision Achats" de juin. Vous pouvez également consulter le projet de loi sur le site du ministère de l'Economie et des finances.