21 décembre 2005
Maroc : Gestion déléguée : vers un cadre légal qui renforce les partenariats Public-Privé
Le présent projet de loi sur la gestion déléguée des services publics a pour objet de fournir un cadre général unifié et incitatif au développement des partenariats Public-Privé au Maroc afin de le mettre, dans ce domaine, au niveau des meilleures législations et pratiques internationales.
Ce projet s'inspire largement, dans ses dispositions essentielles, des législations récentes, en particulier des pays européens, en les adaptant à certaines spécificités du Maroc. Il vise donc à définir un cadre internationalement attractif qui répartit équitablement les risques importants liés aux projets de partenariats Public-Privé entre la puissance publique et son partenaire.
Le projet permet aussi de définir un cadre institutionnel clair et un dispositif flexible prenant en compte les intérêts des usagers et du partenaire privé. Parallèlement, des législations sectorielles seront développées à l'instar de la loi n° 24/96 relative aux télécommunications qui a soumis ce secteur à une forte régulation publique selon un schéma internationalement adopté.
Le projet de loi prend en considération les spécificités des contrats de gestion déléguée de l'Etat et des Collectivités locales ou de leurs groupements en introduisant des dispositions qui leur sont propres.
Le titre I de ce projet couvre, notamment, les aspects relatifs à la définition du contrat de gestion déléguée, les principes du service public, l'équilibre économique du contrat de gestion déléguée ainsi que les modes et procédures de passation des contrats de gestion déléguée en retenant les principes d'appel à la concurrence et de transparence des opérations.
Bien que ce texte ne soit pas applicable aux contrats de gestion déléguée de l'Etat, il va de soi que les règles de transparence et de recours à la publicité préalable, autant que possible, sont transposables à l'Etat. La gestion déléguée y est définie comme étant un contrat par lequel une personne morale de droit public, dénommée "délégant" délègue, pour une durée limitée, la gestion d'un service public de nature économique dont elle a la responsabilité à une personne morale de droit public ou privé, dénommée "délégataire" en lui reconnaissant le droit de percevoir une rémunération ou de réaliser des bénéfices sur ladite gestion.
Ce titre définit également le régime comptable des biens de la gestion déléguée, en particulier les biens de retour et les biens de reprise et innove en offrant la possibilité au délégataire, pour les gestions déléguées passées par les Etablissements publics, de mettre en hypothèque les biens de retour, mais avec des conditions très strictes visant à préserver la continuité du service public en cas de défaillance financière du délégataire.
Pour sécuriser les investisseurs, ce titre prévoit le recours à la procédure d'arbitrage pour le règlement des litiges et même la possibilité de se référer à l'arbitrage international dans le cas de réalisation d'investissements étrangers directs. De même, ce titre traite du contenu et de la publication du contrat de gestion déléguée.
Quant au titre II, il traite des droits et obligations du délégant en matière de contrôle et de suivi de la gestion déléguée et du respect de ses engagements contractuels. Le titre III comporte les dispositions relatives aux droits du délégataire, particulièrement en ce qui concerne la sous-traitance et la possibilité de constatation des infractions commises par les usagers et ce, par référence au cahier des charges de la gestion déléguée.
Il contient aussi les dispositions relatives aux obligations du délégataire notamment en matière d'assurance et de préservation des droits acquis pour le personnel en place. Le titreIV porte sur le dispositif d'information relatif au contrôle interne et à la publication des informations financières, ainsi que des sanctions et indemnisations. Le titre V introduit pour les Etablissements publics un régime dérogatoire en faveur des gestions déléguées concernant un nombre d'usagers inférieur à un certain seuil fixé par voie réglementaire.
Ce régime dérogatoire concerne également les Collectivités locales ou leurs groupements qui ont la possibilité de demander à l'autorité gouvernementale chargée de la tutelle des Collectivités locales de procéder à la gestion déléguée envisagée selon des règles simplifiées lorsque le secteur ou l'activité concernés ou le nombre d'usagers du service public ne justifient pas ou ne permettent pas l'application de la présente loi.
Cette autorisation, qui permet de déroger partiellement ou totalement aux dispositions de la présente loi, est accordée, le cas échéant, par décision motivée publiée au Bulletin Officiel et précise la procédure qui sera appliquée. Toutefois, les gestions déléguées concernant les secteurs de l'eau, de l'assainissement, de l'électricité, des transports publics urbains et de la gestion des déchets sont exclues de cette dérogation. Il est enfin prévu que ce projet entre en vigueur dès sa publication au Bulletin Officiel et ne sera, toutefois, pas applicable aux contrats de gestion déléguée et aux procédures d'appel à la concurrence ou de négociations directes entamées antérieurement à sa date d'entrée en vigueur.
Ce projet de loi vise, en conclusion, à donner une visibilité et une sécurité aux investisseurs nationaux et étrangers intéressés par la gestion déléguée des services publics, notamment dans les secteurs d'infrastructures et à donner un signal fort à la communauté financière internationale quant à la politique d'ouverture économique du Royaume et à la consolidation des principes de transparence et de traitement égalitaire des opérateurs dans l'attribution des contrats de gestion déléguée, avec une démarche de partenariat Public-Privé et sur la base d'une relation équilibrée entre le délégant et le délégataire.
14 décembre 2005
France : La première prison construite et gérée par le privé sera nancéenne
Attribuée au groupe de BTP Eiffage, la construction de la nouvelle prison de Nancy débutera fin 2006 pour une mise en service en 2008. Implanté sur une surface de 10,5 hectares sur les hauteurs d’un quartier HLM de la Banlieue de Nancy à Maxeville, ce centre pénitentiaire disposera de 690 places. Un gain non négligeable sachant que la maison d’arrêt Charles III de Nancy, construite en 1857 dans le centre ville, ne dispose que de 250 places pour 340 détenus !
Représentant un investissement de 69 millions d'euros (hors maintenance et entretien), le centre comprendra également les futurs établissements de Roanne-Lyon et Béziers. Il sera ainsi constitué de deux quartiers de maison d'arrêts hommes (210 et 180 places), d’un quartier de centre de détention hommes (240), d’un quartier maison d'arrêt femmes (30) et d’un quartier d'accueil.
« Seul le partenariat public-privé nous permet de réaliser un tel projet en deux ans. Je défie quiconque d'en faire autant avec les lourdeurs du (secteur) public », a affirmé le ministre de la justice. Selon les modalités de ce partenariat public-privé, le financement, la construction, la maintenance et l'entretien sont confiés à un acteur privé pour 30 ans.
Cette nouvelle prison s’inscrit dans le cadre des 13.200 places à construire au sein de 18 nouvelles prisons prévues par le programme de 2002. « Le taux d'emprisonnement pour 100.000 habitants est de 93 en France (...) inférieur à ceux constatés au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Espagne », a souligné Pascal Clément. Et d’estimer qu'il n'y avait « pas trop de détenus en France mais pas assez de places de prison dignes et modernes ». Outre les 2.000 places de semi-liberté disponibles, la construction de 500 places supplémentaires est également prévue.
11 décembre 2005
France : PPP : les opérateurs rappellent qu’ils ne sont pas "des agences tous risques"
On ne compte plus les sujets qui traitent du partenariat public-privé (PPP). Toutefois, plus rares sont ceux qui abordent les attentes des opérateurs privés pour réussir au mieux un projet basé sur ce nouveau type de contrat public. Plus d’un an après la sortie de l’ordonnance sur les contrats de partenariat et forts de certaines expériences acquises en France et à l’étranger, quelques groupes privés – BTP et banques – ont accepté de livrer leur point de vue sur la question, dans le cadre d’un séminaire sur les partenariats public privé (PPP), organisé par France Action Locale, le 2 décembre dernier. Ainsi, Françoise Refabert, directrice du pôle financements d’actifs à la société générale, et Christophe Soisson, responsable des projets PPP chez Bouygues Bâtiments Ile-de-France, ont profité du colloque pour indiquer quels sont, selon eux, les pièges qu’une personne publique doit éviter, lorsqu’elle décide de se lancer dans un PPP, pour réussir son projet.
Proscrire les contrats « à prendre ou à laisser »
Les questions du dialogue compétitif, du transfert de risques et du mécanisme de pénalités ont été au cœur des débats. La remarque peut paraître évidente, pourtant les intervenants l’ont rappelée : le dialogue compétitif doit être dûment préparé pour qu’il puisse faire émerger les meilleures idées, en respectant le secret des offres, et à condition d’avoir bâti un programme fonctionnel. Selon Christophe Soisson, la réussite de cette étape cruciale repose, entre autres, sur un nombre de séances suffisantes – 3 à 5 lui paraissent un bon chiffre – qui peuvent éventuellement être thématiques, entrecoupées d’échanges écrits du type questions/réponses. Si la phase de dialogue est suffisamment bien préparée, elle évitera en outre de démultiplier inutilement les réunions qui représentent, pour les partenaires privés, un coût loin d’être négligeable. Les candidats, s’ils se sentent suffisamment en confiance, pourront alors dévoiler les éléments clés de leur offre à point nommé et non au dernier moment par peur de se les faire piller. Christophe Soisson conseille fortement aux personnes publiques d’éviter les rédactions contractuelles finales non testées en dialogue compétitif et les contrats « à prendre ou à laisser » dont les conséquences sont autant fâcheuses pour l’un que pour l’autre camp. En témoigne le cas d’un projet PPP pour lequel, après un an d’investissements, au vu d’un contrat final « à signer ou à laisser » trop déséquilibré selon Bouygues, le groupe n’a pas remis d’offre finale.
Transfert de risques : le principe du nécessaire/suffisant
Le mécanisme de pénalités doit être, selon le "BTPiste", « juste, gradué, proportionné et simple » : « il doit permettre de voir clairement quelles sont les priorités du client », mentionne Christophe Soisson. « Certes, il faut responsabiliser l’opérateur sur des engagements de résultats, mais il faut lui laisser en contrepartie le choix des moyens, au travers notamment d’une vraie externalisation de la maîtrise d’ouvrage », a-t-il poursuivi. Une remarque qui ne manquera pas de faire réagir avec véhémence les détracteurs du PPP… Pour Françoise Refabert, de la société générale, le niveau de pénalités et la valeur du bien de retour constituent les deux critères clés de risque pour les financiers. S’agissant du volet relatif au transfert de risques justement, la financière souligne que ce transfert doit être suffisamment dosé pour que « l’intérêt bien compris du partenaire privé soit d’assurer la continuité du projet » et que « le surcoût lié au financement soit limité. C’est le règne du nécessaire/suffisant », a-t-elle indiqué. « Tout n’est pas transférable à l’opérateur et ce n’est pas qu’une question de prix », a ajouté Christophe Soisson. « Les opérateurs ne sont pas des agences tous risques », a-t-il renchéri. Ce dernier a d’ailleurs mis en garde les organismes publics tentés de transférer les risques non maîtrisables, non quantifiables et/ou non plafonnés : « Cette pratique incite les entreprises à faire des provisions financières sur le projet qui seront facturées dans le loyer, que l’aléas ait lieu ou pas », a-t-il prévenu.
Sandrine Dyckmans
09 décembre 2005
Opinion : PPP : une réforme qui fait couler plus d'encre que de béton
Les partenariats public-privé, vilipendés par les architectes, tardent à faire la preuve de leur utilité. Les Anglais eux-mêmes, pourtant montrés en exemple, s'interrogent. Si le CNOA continue d'inviter à la "vigilance", le fait est que plusieurs ministres semblent montrer peu d'enthousiasme. Explications.
En décembre 2004, le Conseil constitutionnel avait rejeté les arguments de l'opposition parlementaire socialiste qui cherchait à bloquer l’application de l’ordonnance des contrats de partenariat (Partenariat public-privé, ou PPP, pour simplifier). En juillet dernier, Manuel Valls, député PS de l’Essonne, exprimait de nouveau la méfiance du PS vis-à-vis des PPP, pourtant officialisés depuis plus d'un an. "Le service public est gravement remis en cause par ces nouveaux contrats, qui offrent la possibilité aux entreprises privées de financer, construire et même exploiter des équipements publics ou des services. C'est la qualité, la sécurité et l'égal accès au service public qui sont mis à mal par cette réforme. C'est aussi la transparence dans la gestion publique qui risque d'être affectée, à l'heure où la confiance entre élus et citoyens se doit pourtant d'être rétablie", expliquait-il.
Une montée au créneau sans risque pour le député tant le gouvernement se trouve aujourd'hui fort marri du piètre impact de l'une de ses mesures phares. En juin 2004, le gouvernement n'avait pourtant pas d'état d'âme, malgré la fronde, entre autres, des architectes. Selon lui en effet, les avantages de cette nouvelle procédure étaient clairs puisque il assurait dans un communiqué que les PPP «ont produit des résultats intéressants dans d'autres pays de l'Union européenne en mettant l'innovation, l'ingénierie financière et la capacité de gestion du secteur privé au service d'une gestion publique plus efficace et plus économe». De fait, Alain Madelin, ancien président de Démocratie Libérale, député UMP et initiateur de cette réforme, se réjouissait que cet «outil» permettra de «réaliser des équipements en plus grand nombre, plus rapidement et de meilleure qualité».
Plus d'un an plus tard, un seul contrat en PPP a été signé, un contrat concernant l'éclairage public de la commune d'Auvers-sur-Oise, 7.000 habitants. Ce qui, question prestige, n'eut pas l'heur d'intéresser les responsables en communication des ministères concernés. Qui plus est, les "résultats intéressants dans d'autres pays de l'Union européenne" doivent également être relativisés. En effet, en juin 2005, le gouvernement britannique décidait de geler, après dix contrats PFI (Private finance initiative), la construction de prisons selon ce dispositif. Or ce sont ces fameux PFI qui avaient servi de modèle aux PPP français. Les PFI ayant été créés en 1992, il est donc permis de penser que les Anglais ont pris cette décision en connaissance de cause.
Fin août 2005, le Commissariat général du plan enfonçait le clou. Dans un long rapport, les auteurs constatent que "[les PPP] suscitent un certain nombre d’inquiétudes chez leurs utilisateurs potentiels (collectivités publiques, entreprises, conseils privés), faute de décisions contentieuses, et compte tenu de la forte technicité de la procédure d’évaluation qui précède leur passation : elle doit attester de l’urgence ou de la complexité justifiant le recours à cette solution contractuelle d’une part, et établir que le contrat de partenariat constitue pour le projet en cause une modalité préférable à la régie et/ou aux autres contrats administratifs en termes de coût global, de performance et de partage des risques". Certes, ils expliquent dans la foulée que "cette inquiétude n’empêche en rien un intérêt notable pour la réforme" mais cela ressemble à une formule de politesse quand la suite semble démontrer à quel point "l'inquiétude" des collectivités locales semble fondée.
Ainsi, l'étude préalable destinée à montrer le caractère urgent ou exceptionnel d'une opération s'avère d'emblée, selon eux, "difficile à réaliser". La communauté d'agglomération de Moulins peut en témoigner qui a vu son projet de réalisation d'un atelier-relais pour dirigeables retoqué par le Conseil d'Etat en juillet 2005 puisque l'ouvrage ne présentait "eu égard à la destination de l’ouvrage, à ses dimensions, à sa structure et à la nature des matériaux mis en œuvre, des difficultés techniques particulières justifiant le recours à la procédure propre aux marchés de conception-réalisation".
Les autres difficultés relevées par le commissariat au plan n'étonneront pas les détracteurs de la première heure des PPP. En voici quelques-unes :
- le doute quant aux innovations qu’apporte le CP par rapport à la DSP ;
- les craintes liées à la transcription comptable des opérations réalisées en Contrat de Partenariat (alors que la conduite de l’acte II de la décentralisation comporte déjà une part d’incertitude budgétaire) ;
- les risques juridiques en lien avec leur passation ;
- les asymétries d’information entre collectivités publiques et partenaires privés ;
- la crainte d’une évasion des compétences locales du fait de l’externalisation des missions ;
- enfin, les déficits d’information, de pédagogie et d’exemplarité par l’État.
Sans compter la crainte pour les acteurs locaux d'être dessaisis des projets, que la qualité architecturale soit le cadet des soucis des investisseurs, etc. Le rapport note enfin que les collectivités "préfèrent simplement les formes plus traditionnelles du type bail emphytéotique administratif, crédit bail, location avec option d'achat…". Le Viaduc de Millau, n'en déplaise à Alain Madelin, n'eut nul besoin de PPP pour être construit.
Les collectivités locales suivent enfin avec intérêt les péripéties d'un contrat de trente ans entre la Lyonnaise des eaux et la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) qui a, apparemment, tourné à l'avantage de la première au détriment des contribuables de la seconde. En effet, des associations de consommateurs évoquent, sur la foi d'un audit extérieur, "un trop perçu par la Lyonnaise des eaux de 29,3 millions d'euros en sept ans". Faut-il donc s'étonner que nombreux soient les acteurs locaux qui s’interrogent sur les "intérêts économiques et financiers de la réforme" ?
Malgré tout, ou à cause de, toujours est-il que Thierry Breton, ministre de l'Economie, a demandé début août à "dix ministères d'identifier au moins trois projets réalisables dans les meilleurs délais sous forme de contrat de partenariat", annonce Le Moniteur (édition du 13 septembre 2005), un volontarisme qui précédait de quelques jours la publication du rapport du Commissariat au plan. Coïncidence sans doute. En clair, puisque les collectivités locales restent dubitatives, c'est aux services de l'Etat, via ses ministères, de montrer l'exemple. La question demeure cependant : pourquoi ces derniers ont-ils attendu l'injonction du ministre de l'Economie pour découvrir – au bout de seize mois – les incomparables vertus des PPP ? Le ministère de la Défense a donc annoncé début septembre qu'une gendarmerie en Haute-Garonne sera réalisée dans le cadre d'un PPP. Investissement : 1,6 million d'euros HT. Ouf, voilà enfin cette réforme bien engagée.
03 décembre 2005
France : PPP comme technique de préfinancement des infrastructures publiques
Frédéric Mion est avocat associé au sein du cabinet Allen & Overy. Spécialisé en droit public et financement des entreprises publiques, il intervient dans le montage de plusieurs PPP.
Pour certains, l'introduction des partenariats public-privé (PPP) au sein des services publics représente une forme de privatisation rampante, qu'en pensez-vous ?
C'est tout à fait abusif. La mise en place des PPP part du constat que certaines missions sont mal assumées par l'Etat ou les collectivités publiques et pourraient l'être de façon plus efficace en faisant appel à des entreprises privées. Il s'agit donc de faire se rencontrer ces compétences privées et les besoins auxquels fait face le service public.
N'est-ce pas d'abord une question de moyens ?
Cela fait, bien entendu, aussi partie des motivations. L'Etat et les collectivités territoriales ne disposent pas, dans certains cas, des marges budgétaires suffisantes pour réaliser certains équipements, ou pour en assurer de façon satisfaisante l'entretien sur de longues périodes. Le préfinancement d'infrastructures publiques est bien souvent une nécessité.
Quels sont les marchés les plus importants pour le développement des PPP ?
Les principaux projets qui commencent à voir le jour comportent une forte dimension immobilière : il s'agit par exemple de la construction et de la rénovation d'hôpitaux, de prisons, de commissariats de police. La part des services y est relativement limitée, mais elle est susceptible d'être beaucoup plus significative pour des projets centrés, par exemple, sur des équipements informatiques, etc.
Mais le système ne risque-t-il pas de se généraliser au-delà de ce qui est nécessaire ?
Le risque majeur serait en effet de se précipiter et de « faire du PPP » au motif que c'est un type de contrat qui permet aux collectivités publiques de repousser la dépense dans le temps. Mais des garanties sont prévues par la loi. L'ordonnance du 16 juin 2004 sur les contrats de partenariat prévoit ainsi une évaluation préalable obligatoire, avant toute signature d'un PPP : il faudra démontrer que le projet est soit urgent, soit complexe, et comparer le contrat de partenariat avec les autres types de montage envisageables (concession, marché public, régie directe). De plus, au cours du contrat, la collectivité publique devra jouer pleinement son rôle de contrôle, afin que la qualité du service soit au niveau exigé, et que le partenaire privé soit pénalisé s'il ne satisfait pas ses engagements.
France : Le gouvernement va devoir faire oeuvre de pédagogie
Onze projets de partenariats public-privé sont en instruction. Cette nouvelle forme de contrats continue de susciter des inquiétudes, certains syndicats y voyant une « privatisation rampante ».
Nouveauté juridique, les partenariats public-privé (PPP) ont du mal à trouver leur place. Au centre de la grève de la SNCF la semaine dernière, cette nouvelle forme de contrats, instituée par ordonnance en juin 2004, permet à l'Etat ou à une collectivité locale de demander à un opérateur privé de concevoir, financer, construire et exploiter un équipement ou un service.
Elle continue visiblement à susciter des inquiétudes. Certains syndicats y voit une « privatisation rampante », par l'introduction de mécanismes de droit privé à l'intérieur du service public. Pourtant, s'agissant de la SNCF, l'Etat a garanti que les PPP ne seraient utilisés que pour le financement des lignes nouvelles et que la SNCF resterait chargée de l'ensemble de l'exploitation du réseau. Vendredi dernier, le ministre des Transports, Dominique Perben, a insisté sur « l'importance du partenariat public-privé dans le développement des infrastructures », au cours d'une rencontre avec des responsables des chambres consulaires du Grand Sud-Est.
Un mécanisme lourd et cher
Il n'empêche, sur ce marché naissant, la crainte de voir ce nouveau mécanisme juridique s'étendre, au point d'empiéter sur le domaine public, est réelle. Et le gouvernement va devoir faire preuve de pédagogie, maintenant que les premiers projets se mettent en place. Pour certains experts, il n'y a pas de « risque » de dérive, d'une part, parce que le mécanisme est relativement cher - in fine le loyer que l'Etat va payer risque de lui coûter plus cher que l'investissement de base - et, d'autre part, le mécanisme de PPP est relativement lourd. Ce que contestent les « pro-PPP », arguant au contraire d'une économie de 30 % par rapport aux tarifs habituels de la SNCF, des sociétés d'autoroutes ou d'EDF.
34 projets retenus par l'Etat
Après de longs atermoiements, le gouvernement s'est en tout cas converti aux PPP. Lors du dernier Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire (Ciact), en octobre, 34 projets relevant de l'Etat ont été retenus avec, dans le domaine ferroviaire, la construction du TGV Rhin-Rhône et du TGV Tours-Bordeaux. Les projets les plus lourds pourraient représenter, pour ceux qui feront l'objet d'appels d'offres avant la fin 2006, un investissement global de l'ordre de 6,2 milliards d'euros. Sur l'ensemble, 11 projets sont d'ores et déjà en instruction. Du côté des collectivités locales, où les ambitions sont plus modestes, la mission d'appui récemment créée à Bercy est saisie d'une trentaine de dossiers, dans les domaines de la régulation de trafic routier urbain, de l'éclairage public, de l'éducation, de la culture ou de l'informatique.
France : Quatre prisons sous contrat PPP pour Eiffage
«L'AMOTMJ (Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice) a décidé de retenir l'offre de la société Eiffage associée à Valode et Pistre architectes et engage avec celle-ci la phase de mise au point du futur contrat qui devrait intervenir avant la fin du mois de février 2006», a indiqué jeudi l'AMOTMJ dans un communiqué.
L’appel d’offre remporté par Eiffage représente 2.800 places, a ajouté l'AMOTMJ. A Roanne (Loire), il s'agit de «la conception, du financement, de l'entretien et de la maintenance» d'un centre de détention de 600 places, à Nancy d'un centre pénitentiaire de 690 places, à Lyon-Corbas d'une maison d'arrêt de 690 places et à Béziers (Hérault) d'un centre pénitentiaire de 810 place, a précisé l'agence.
Ces établissements «seront progressivement livrés à partir de l'été 2008 en commençant par le site de Roanne», a-t-elle encore précisé. Une nouvelle procédure sera lancée début 2006. Les contrats de PPP seront des contrats nouvelle formule, c'est-à-dire appliquant l'ordonnance de juin 2004 qui régit les contrats de partenariat. Cela «permettra de transférer davantage de services au groupements retenus pour la construction et l'exploitation de nouveaux centres pénitentiaires», a précisé l'AMOTMJ.
France : Eclairage public : ETDE remporte un PPP londonien
Europe : La CJCE accusée de réglementer à tort le droit de la commande publique
La 8ème conférence européenne des entreprises locales, organisée le 29 novembre dernier à Bruxelles par le centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP), est largement revenue sur la récente communication de la commission européenne à propos des partenariats public-privé (PPP) et du droit des marché publics et des concessions (1). Pour ceux qui auraient raté l’événement, le document en question fait le point sur les options politiques de Bruxelles sur ces différents sujets. Il annonce le lancement d’une étude d’impact sur les coûts et les bénéfices d’une directive pour les concessions et d’une communication interprétative sur les « PPP institutionnalisés » pour 2006.
Le no man’s land juridique du PPP institutionnel
Pour nombre d’intervenants invités à ce colloque, il est plus que temps de définir un cadre juridique clair pour les concessions et les « PPP institutionnalisés » qui englobent, rappelons-le, différentes formes d’entités mixtes associant des partenaires publics et des partenaires privés au sein d’une même structure pour la réalisation de services d’intérêt économique général. L’absence de règles précises, à l’heure actuelle, rend en effet le travail des entreprises publiques locales européennes (dont font partie les Sem en France) difficiles. Selon Mireille Flam, adjointe au maire de Paris et membre du conseil d’administration de la fédération des sociétés d’économie mixte, la situation pourrait bien, si l’incertitude juridique continue de régner dans ce secteur, aboutir à l’inverse de ce que veut la Commission. A savoir : un rapatriement de certains services dans le giron public. Dans ce « no man’s land juridique », selon les propres termes de Gilles Savary, député européen, la Cour de justice des communautés européennes a pris le pas sur Bruxelles et rendu plusieurs arrêts importants sur la notion de « in house » (2) qui restreignent son champ d’application. Au grand dam de beaucoup de spécialistes du secteur public… « Les juges font la loi en ce moment. Ce n’est pas normal, à moins de dissoudre le parlement européen ! Si l’on adhère à la jurisprudence, on adopte alors des interprétations du droit qui varient au gré du vent », s’est ainsi plaint Gilles Savary.
La CJCE accusée d’outrepasser son rôle
Jeremy Smith, secrétaire général du conseil des communes et des régions d’Europe, ainsi que Rainer Plassmann, secrétaire général du CEEP, ont eux aussi critiqué sans ambages la position dogmatique des juges européens sur le PPP institutionnalisé : « les interprétations de la CJCE posent un problème majeur. La cour joue un rôle idéologique qui ne va que dans un sens. Elle n’est plus neutre ! », regrette Jeremy Smith, qui poursuit : « la CJCE en vient à interpréter les Traités et à réglementer le droit ». Abondant dans son sens, Rainer Plassmann déplore que la cour européenne de justice fasse « tout le travail, ce qui n’est pas son rôle ». Pour le représentant du CEEP, « le système d’autogestion [ndlr : gestion directe en France] se voit peu à peu vidé de sa substance. Or, on ne peut pas faire que des adjudications et des appels d’offres », a-t-il dénoncé. « Nous avons besoin de règles concernant le concept in house et ce n’est pas à la Cour de commencer à inventer des règles dans ce domaine. C’est à la Commission européenne de légiférer sur ce sujet », s’est exclamé Rainer Plassmann.
La contribution du Parlement au livre vert sur le PPP toujours attendue
Présent aux débats, Florian Ermacora, membre de la direction générale marché intérieure de la Commission européenne, s’accorde à dire que les concessions et les PPP institutionnalisés manquent effectivement de sécurité juridique et que ce n’est pas aux juges de la CJCE, mais au législateur et au parlement, de prendre les initiatives adéquates en la matière. Mais, s’est-il empressé d’ajouter, c’est aux parlementaires européens, au conseil, au comité économique et social et au comité des régions de faire connaître leurs points de vue sur ces questions : « A vous de nous envoyer vos contributions ! », s’est-il exclamé. Et de rappeler que Bruxelles attend toujours la contribution du parlement sur son livre vert sur les PPP… De fait, comme l’a expliqué Gilles Savary, il y a en ce moment un gros conflit de compétences sur ce sujet, entre la commission du marché intérieur et la commission économique et monétaire du parlement, si bien qu’aucun avis n’a été rendu pour l’instant. « Nous allons œuvrer pour débloquer la situation et pousser le parlement à rendre son avis sur le livre vert », a indiqué le député européen. « Il ne faut pas trop tirer sur la commission ! », s’est hâté d’ajouter Florian Ermacora. Lors de l’élaboration des directives sur la passation des marchés publics, le législateur n’avait pu dégager de compromis sur les relations « in house ». Ce qui explique pourquoi la CJCE a été amenée à se prononcer sur les critères définissant ce concept. « On va essayer de reparler du sujet dans le cadre de la future communication interprétative sur les entités mixtes, prévue pour novembre 2006 », a promis le fonctionnaire européen.
Sandrine Dyckmans © achatpublic.com, le 02/12/2005
(1) Lire l’article : « PPP : Bruxelles présente ses options politiques en écho au livre vert » : http://www.achatpublic.com/news/2005/11/3/AchatPublicBreveALaUne.2005-11-18.3817
(2) L’arrêt Teckal du 18 novembre 1999 (C-107/98) définit la relation « in house » selon les critères suivants : la collectivité locale doit exercer sur l’organisme tiers un contrôle similaire à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Parallèlement, l’entité en question doit réaliser l’essentiel de ses activités avec la collectivité.
L’arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005 (C-26/03) confirme que les directives marchés publics s’appliquent à toute entité travaillant avec des autorités publiques dès lors qu’elle compte dans son capital des actionnaires privés.
L’arrêt Parking Brixen, du 13 octobre 2005 (C-458/03), interdit d’attribuer à une entreprise communale une convention de concession de gré à gré dès lors que l’autorité publique n’exerce pas sur cette entreprise un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.