03 février 2013

PPP pour la numérisation des œuvres du BNF ?



Le consortium Couperin vient à son tour d'intervenir dans ce qui est désormais l'affaire BnF, tournant autour de la numérisation de 70.000 livres anciens et 200.000 vinyles. Dans le cadre des Investissements d'avenir, la BnF s'est associée avec deux firmes, Believe pour la musique et ProQuest pour les manuscrits. L'ensemble de ces oeuvres relève du domaine public et l'exploitation que la BnF, au travers de sa filiale marchande BnF Partenariats, souhaite en faire, soulève des questions restées amplement sans réponse.

Le Consortium Universitaire de Publications Numériques, dont les missions tournent notamment autour du développement d'une offre de contenu francophone a diffusé un communiqué, qui dénonce, point par point, les errances de la direction d'une BnF qui s'enterre aujourd'hui dans un silence embarrassant. Et d'autant plus éloquent.


Communiqué sur les partenariats conclus pour la numérisation et la diffusion de collections patrimoniales de la BNF

 
La Bibliothèque Nationale de France a annoncé la signature de deux accords de partenariat (Communiqué de la BNF consultable à cette adresse http://www.bnf.fr/documents/cp_accords_proquest-believe.pdfpour la numérisation et la commercialisation de documents du domaine public issus de ses collections avec les sociétés Proquest pour 70 000 livres anciens datant de 1470 à 1700 d'une part, et 200 000 documents sonores avec Believe Digital et Memnon Archiving Services d'autre part. Les documents numérisés seront inaccessibles en ligne pendant une durée de 10 ans, à l'exception d'une sélection opérée par la BNF correspondant à 5 % du corpus pour les livres anciens, ceux-ci seront intégrés à Gallica. L'ensemble des documents numérisés seront néanmoins accessibles en ligne mais uniquement au sein des salles de lecture de la bibliothèque.




Bien que n'étant pas un acteur de la numérisation, Couperin a souhaité s'exprimer sur ces accords, car ils ont un lien avec les politiques d'acquisitions des établissements, sujet traité dans le cadre de la coordination nationale construite au sein de la Bibliothèque Scientifique Numérique, et avec la problématique de l'accès libre.

Pour le bureau professionnel de Couperin, l'élaboration de projets communs avec le secteur privé ne constitue pas une difficulté de principe si les contreparties ou les engagements publics tant financiers que juridiques restent équilibrés et n'entravent pas le principe de libre accès au patrimoine national et d'une façon générale aux ressources du domaine public. Les accords de partenariat pour la numérisation de collections sont relativement courants dans le monde anglo-saxon et ont permis depuis de nombreuses années la constitution de corpus de textes numérisés d'une grande valeur pour les scientifiques. 

Il nous semble essentiel de connaître le mode de financement de ce projet et notamment la part financière assumée par la BNF afin de s'assurer que le coût de cette numérisation n'est pas porté par les pouvoirs publics avec les financements issus des investissements d'avenir. Il nous paraîtrait légitime que les accords prévoient un accès gratuit aux documents numérisés pour les bibliothèques françaises. Il serait aberrant que les financements publics assurent à la fois la numérisation des documents et soient mobilisés pour une acquisition de la version numérique de ces mêmes ressources. Nous ne connaissons pas les termes de l'accord passé entre la BNF et les sociétés retenues ; nous souhaitons vivement que ces accords soient très rapidement rendus publics.

Sur la question du domaine public, le document source est bien libre de droit, mais le produit de la numérisation, à savoir le fichier électronique produit par la société ayant réalisé la numérisation n'est pas un produit libre de droits, si tels sont les termes de l'accord. Il n'est pas incompréhensible qu'il fasse l'objet d'une commercialisation par le prestataire afin de rentabiliser ses investissements, d'autant plus si l'éditeur crée de la valeur ajoutée par l'adjonction de services et d'outils d'exploitation des textes.

Néanmoins cette commercialisation ne doit pas être exclusive d'une autre diffusion, elle ne doit pas empêcher la numérisation de ces mêmes documents pour une diffusion libre par un autre prestataire privé ou public, par exemple la publication de textes de ce corpus dans le cadre de travaux de recherche. Là encore, il est important de connaître les termes de l'accord passé, qui ne doit en aucune manière aboutir à une captation des ressources du domaine public à l'intention d'un unique partenaire. 

Le partenariat public-privé ne doit pas être une fin en soi, et doit uniquement être envisagé comme un moyen pour atteindre les objectifs de mise à disposition libre et gratuite des collections patrimoniales françaises tombées dans le domaine public, plus rapidement ou de façon plus économique. Dès lors, il est important de pouvoir expliquer les retours sur investissement de telles opérations et d'en montrer l'intérêt pour la collectivité par rapport au dispositif classique de numérisation des collections intégralement réalisée sur fonds publics.

Si les partenariats public-privé permettent de numériser des collections qui ne l'auraient pas été pendant la durée de commercialisation, l'accord permet in fine d'enrichir les collections numériques patrimoniales proposées à terme par la BNF. Il nous paraît essentiel que la BNF communique davantage sur sa politique de numérisation en expliquant les choix documentaires opérés entre les programmes de numérisation réalisés sur fonds publics et ceux faisant l'objet d'un partenariat.

20 janvier 2013

Maroc : un nouveau projet de loi pour le PPP

L'Economiste du Maroc
Éd. 28/12/2012


Une première étape pour le projet de loi
Il a passé le cap du Conseil de gouvernement
Le contrôle des engagements uniquement dans un sens
La conciliation avant le recours à la justice


C’est un projet de loi modifié et beaucoup plus clair qui vient d’être adopté par le Conseil de gouvernement. Une bonne nouvelle pour les partenariats publics-privés qui étaient, jusque-là, régis par une vieille loi incomplète et qui ne constituait pas un cadre juridique adéquat pour leur réussite. En effet, le texte de base ne réglementait que la gestion déléguée des services publics (la loi n°54-05), sans se soucier du partenaire privé. Depuis 1997, date du premier PPP au Maroc, à aujourd’hui, le pays a recouru à ce type de contrat pour la réalisation de 11 grands projets d’une enveloppe globale de 67 milliards de DH. Désormais, la nouvelle loi (n° 86-12) permettra, tel que stipulé dans l’article premier, à une personne publique (Etat, établissement public de l’Etat ou entreprise publique) de «confier à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement, de tout ou partie, de construction ou de réhabilitation, de maintenance et/ou d’exploitation d’un ouvrage ou infrastructure nécessaire à la fourniture d’un service».
Il faut, toutefois, noter que le projet de loi a connu des modifications qui l’ont clarifié et surtout permis de supprimer des erreurs flagrantes. La première mouture contenait des bizarreries, laissant comprendre que le texte est un «copier-coller» d’une autre loi. Pour définir l’équilibre du contrat, l’article abordant le partage des risques renvoyait à l’article 14 qui traite les modalités de rémunération, n’évoquant à aucun moment la question d’équilibre. L’avant-projet de loi était, en effet, flou, vague et peu précis (voir L’Economiste édition n° 3934 du 21/12/2012). D’ailleurs, il a fait l’objet de vives critiques. «Il faut que la loi précise si l’on veut un partenaire financier ou un partenaire qui exploite le service», avait indiqué Jean-Pierre Ermenault, le délégué général de GDF Suez Maroc, lors de son passage au Club de L’Economiste. Et d’ajouter: «Le mode de rémunération est aussi un aspect important à éclaircir». Un constat pertinent qui a été pris en considération par les auteurs du projet de loi qui, en rectifiant le texte, ont introduit un article dédié aux modalités de rémunération du partenaire privé. L’article 15 stipule: «le contrat de PPP fixe les conditions et les modalités de rémunération qui doivent prévoir nécessairement la disponibilité du service considéré et le respect des objectifs de performance…». Cette disposition est déjà prise par la société publique, Casa Transport, pour la rémunération de l’exploitant du tramway, Casa Tram (RATP, CDG et Transinvest). Le contrat, qui s’étale sur cinq ans (2013-2017), a instauré 50 critères de performance (roulement des rames, disponibilité des conducteurs, entretien du matériel, information des voyageurs, etc.). Il précise que la rémunération de la société se fera sur la base du service rendu et des charges engagées et reposera sur un système de bonus-malus garantissant la progression des performances du réseau avec des résultats contrôlables.
Aussi, la loi précise que «la rémunération est effectuée en totalité ou en majorité par la personne publique». «Le contrat peut prévoir la rémunération du partenaire privé en partie par les usagers et/ou par les recettes découlant de l’exploitation des ouvrages, biens et équipements objet du partenariat», est-il noté. Pour garantir l’exécution du contrat de PPP, «la loi ne fait référence qu’au contrôle des obligations du partenaire privé, sans se soucier de celles du partenaire public», relève un expert. «La personne publique contrôle l’exécution du contrat et la façon dont le partenaire privé respecte, notamment les objectifs de performance et la qualité des services convenus, ainsi que les conditions dans lesquelles le partenaire privé fait appel à d’autres entreprises», souligne le texte, ajoutant que la convention peut prévoir les modalités d’exercice du contrôle.

Risques
La passation d’un contrat de PPP, dont la durée est fixée de 5 à 30 ans, sera effectuée soit par le dialogue compétitif, soit par l’appel d’offres ou exceptionnellement par la procédure négociée. Le contrat devra nécessairement comporter 20 clauses (objet, durée, objectifs de performance, modalité de financement et de rémunération, cession, règlement des litiges, résiliation anticipée...). Concernant les risques, la convention devra fixer les conditions dans lesquelles sera établi le partage des risques entre la personne publique et le partenaire privé y compris ceux résultant de l’imprévision et de la force majeure. «Les risques liés aux différentes phases du projet devront être identifiés et décomposés. Ils sont pris en charge par la partie jugée capable de les supporter de manière à minimiser leurs coûts en prenant en considération l’intérêt général et les caractéristiques du projet».
Pour le règlement des litiges, le contrat de PPP prévoit une procédure de conciliation préalablement à tout recours arbitral ou judiciaire. Notons que la nouvelle loi ne s’applique pas aux projets de PPP déjà initiés ou en cours de réalisation.