Après le règne du tout public, marqué par les nationalisations d'entreprises et la création de grandes sociétés para-publiques dans les années 1970, puis celui du tout privé, caractérisé par les vagues de privatisations conduites sous l'impulsion des institutions de Bretton Woods à partir de 1987, le Sénégal est entré de plain-pied dans l'ère du partenariat public privé.
Ce paradigme, devenu populaire à travers le monde, réhabilite l'Etat stratège, dont beaucoup d'économistes (notamment les néo-classiques) ont toujours douté qu'il puisse jouer un quelconque rôle efficace dans le domaine économique et que le meilleur service qu'il pouvait rendre au secteur privé était précisément de s'abstenir de toute intervention et de toute velléité d'influence des paramètres économiques. Surtout que les hommes politiques qui dirigent l'Etat peuvent être tentés d'utiliser les programmes économiques pour arriver à leurs propres buts politiques (ce que décrit le phénomène du "cycle électoral").
Néanmoins, le miracle asiatique est venu contrecarrer cette perception pessimiste du rôle de l'Etat, en démontrant que le succès économique pour les pays en développement se bâtit nécessairement sur les fondations d'une coopération étroite entre les sphères publiques et privées. Dès lors, il convient d'aménager des plages de convergence entre l'Etat et le privé, puis de définir le partage des rôles optimal.
Le Japon a été le premier pays d'après guerre à inventer le concept de " Japan Incorporated ", avant de décliner l'appellation, sous l'effet des critiques qui y voyaient des risques de dérapage vers une mal gouvernance économique et un protectionnisme très poussé et qui se sont trouvés confortés dans leur point de vue par la crise financière en Corée du Sud et en Asie du Sud-Est, en 1997-98.
Malgré tout, plusieurs nations émergentes (la Malaisie en particulier) ont emprunté, avec succès, le concept en se fixant pour objectif de créer le cadre favorable pour que le public et le privé cessent de se voir en adversaires et travaillent plutôt, en confiance, main dans la main et en partenaires intelligents et solidaires, pour faire gagner l'économie et accélérer le développement national dont les fruits seront partagés par tous. Ceci devient un impératif pour tout pays qui souhaite émerger de la pauvreté.
Le partenariat public-privé a en effet un triple avantage. D'abord, il permet au secteur privé de développer ses activités dans des domaines nouveaux (comme la réalisation et la gestion d'infrastructures, dans le cadre des contrats BOT) et d'augmenter sa profitabilité et sa compétitivité internationale. Ensuite, l'Etat, en cédant la responsabilité de certains investissements au secteur privé, peut réorienter les dépenses publiques vers les secteurs sociaux dans lesquels son rôle de redressement des fractures est difficilement remplaçable. Dans le même temps, il perçoit de substantielles recettes, notamment par le biais de la taxation des bénéfices des sociétés concessionnaires. Enfin, les citoyens y gagnent en se voyant offrir des opportunités d'emplois et des infrastructures de classe internationale, tout en payant le service délivré par le privé (par exemple le péage d'autoroute) beaucoup moins que si l'Etat n'était pas impliqué dans les investissements de base en prenant en charge une partie des coûts.
Ces effets positifs attendus du partenariat public-privé ne peuvent toutefois se concrétiser qu'à une condition. Que le partenariat soit juste et équilibré, de sorte qu'aucune des deux parties ne supporte plus que ce qu'il ne devrait. Que l'Etat, très souvent mal outillé dans les pays en développement, ne se voit pas proposer de financer entièrement les investissements physiques et de céder la juteuse exploitation au privé qui ne prendrait ainsi aucun risque. Ce qui serait contraire à l'esprit même d'un bon partenariat et à l'éthique républicaine.
By Moubarack Lo
Dakar
Le Journal de l'Economie (Dakar)
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17 Mai 2005
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