01 juillet 2005
France : Partenariat public-privé : un nouveau contrat d'externalisation pour l'Administration
Les SSII françaises se disent prêtes à signer des partenariats avec le secteur public. Mais actuellement, les contrats de ce type sont à l'étranger.
Boris Mathieux , 01 Informatique
L'Etat est à cours d'argent mais pas d'idées pour informatiser l'Administration. Le partenariat public-privé (PPP) consiste à confier à une entreprise privée la conception, la réalisation, le financement, la maintenance et la gestion de certains équipements publics ou investissements immatériels pour une période déterminée.
Ce « contrat de partenariat » , créé par l'ordonnance du 17 juin 2004 et précisé en octobre par deux décrets d'application, est censé lever les freins budgétaires à la modernisation de l'Administration. Il autorise tous les organismes publics (Etat, collectivités locales, établissements publics) et les personnes privées chargées d'un service public à mettre en place ce type de partenariat. Le PPP se distingue de la délégation de services publics par le mode de rémunération et par la répartition des responsabilités entre l'entreprise et l'Administration. Il partage les risques au cours de la phase de négociation commerciale. Le secteur privé n'est ainsi plus le seul à les supporter. Le PPP diffère également des marchés publics dont la démarche est davantage centrée autour de choix techniques.
Un levier pour l'infogérance
Dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de finance (Lolf), le PPP répond à l'objectif de rapprochement entre dépenses d'investissement et de fonctionnement, lissant le paiement sur la durée du contrat. Il s'intéresse à la rentabilité du projet, à la qualité de service rendu et aux niveaux de performance atteints. Il laisse en revanche au prestataire le choix de la technique pour atteindre les objectifs fixés. Une mission d'appui rattachée au ministère des Finances apportera assistance aux agents qui interviendront dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat en cours de constitution.
« Le PPP apparaît comme une solution intermédiaire entre la concession de services publics et le code du marché public, résume Pierre Dellis, délégué général de Syntec Informatique. Le PPP est un levier d'infogérance pour l'Administration. » Le syndicat professionnel estime que le partenariat public-privé rendra possible le lancement de projets d'envergure, inconcevables en dehors d'une telle procédure. Il y voit aussi une prime aux infogérants, rompus aux logiques de variabilité, d'intéressement ou de réversibilité. Par leur durée (10-15 ans, voire 20 ans), leur périmètre (conception, réalisation et exploitation) et leurs montants élevés, les contrats en PPP poussent plus loin la logique de l'infogérance dans la sphère publique.
Des freins culturels au sein de l'Administration
Les prestataires informatiques voient plusieurs avantages à travailler avec l'Administration. Une récente étude de Markess International montre que ces derniers sont d'abord attirés par sa solvabilité, l'immensité des besoins et la taille importante des contrats concernés. Ainsi, deux prestataires sur trois souhaiteraient voir la concrétisation des contrats de partenariats appliqués aux chantiers informatiques. Selon eux, ces accords favorisent le partage des compétences et les transferts de connaissances. Ils allègent les coûts d'investissement et tirent profit des réalisations performantes du secteur privé.
De leur côté, les administrations ne sont pas forcément prêtes à externaliser. Une enquête menée par EDS-Kearney Interactive auprès des collectivités locales et territoriales françaises montre qu'une majorité d'entre elles ne prévoient pas, à court ou moyen terme, l'externalisation de l'hébergement de leurs machines ou l'exploitation des systèmes. Actuellement, la moitié de ces administrations consacre moins de 10 % de leur budget à des prestations externalisées.
Le PPP, qui accorde une plus grande autonomie au partenaire privé que dans le cadre des marchés publics, rencontre des freins culturels au sein de l'Administration, qui rechigne à abandonner progressivement sa maîtrise d'oeuvre. Autre nouveauté, celle-ci devra se lancer dans une lourde procédure préalable pour vérifier que son projet est éligible à la forme PPP.
Le partenariat public-privé fait aussi l'objet d'un violent débat politique. Le 9 novembre dernier, lors de la ratification de l'ordonnance du 17 juin à l'Assemblée nationale, Arnaud Montebourg évoquait l'ouverture à un endettement hors bilan en comptabilité publique et même des risques de corruption. Le député socialiste compare le PPP à une « bombe juridique à fragmentation pour les collectivités locales » .
Il n'est d'ailleurs pas le seul à mettre en garde contre le danger comptable. Le sénateur UDF Jean Arthuis s'alerte pour sa part de l'incitation à la dépense que peut représenter cette nouvelle facilité de trésorerie, l'Administration ne finançant pas les investissements. Ainsi, le recours au PPP, dans la seule volonté de sortir une dépense des comptes publics apparaît comme une mauvaise motivation et un coût potentiel supérieur. Enfin, les syndicats de la fonction publique pourraient voir dans le PPP une privatisation potentielle du service publique.
Syntec préconise des chantiers pilotes
En attendant, Syntec Informatique a affirmé son soutien à la généralisation du PPP à travers une prise de position, enregistrée par la Commission européenne dans le cadre de son livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions. Le syndicat professionnel engage notamment à expérimenter le PPP dans le cadre de projets de taille raisonnable, afin d'aider les prestataires et l'Administration à se familiariser avec ce nouveau type de contrat. Il suggère de s'intéresser, entre autres, aux chantiers de modernisation informatique des CHU, à l'externalisation de l'encaissement des amendes, à la chaîne de production informatique des tribunaux ou, encore, au dossier médical personnalisé (DMP).
Enfin, Syntec Informatique souhaite que tous les efforts soient faits pour garantir le caractère objectif de l'estimation des performances comparées (coût/qualité) sous le contrôle d'un organisme étatique et du Parlement. La création d'un observatoire des performances du PPP, impliquant l'Administration et ses partenaires privés, pourrait ainsi recueillir de précieuses informations concernant les projets PPP et alimenter le guide de bonnes pratiques sur lequel travaille la mission d'appui de Bercy.
Historiquement, le PPP tel qu'on l'entend aujourd'hui est né en 1992 au Royaume-Uni sous la forme d'initiatives de finances privées (PFI). Depuis, d'autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie...) l'ont adopté. Il s'avère bien adapté aux projets complexes (investissement lourd, haute technicité, etc.) ou répondant à un caractère d'urgence et pour lesquels l'Administration ne peut s'engager seule. « Les contrats de partenariats ont produit des résultats intéressants dans d'autres pays de l'Union européenne en mettant l'innovation, l'ingénierie financière et la capacité de gestion du secteur privé au service d'une gestion publique encore plus efficace » , notait récemment Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat, dans la postface d'un ouvrage consacré à l'e-Administration.
Se documenter
Depuis l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariats (2004-559), deux décrets ont été signés en octobre dernier. Le premier (2004-1119) porte sur la création d'un organisme expert d'appui à la réalisation des contrats de partenariats, le second (2004-1145) est pris en application de l'ordonnance 2004-559.
L'étude : les relations SSII-Administration
La société d'études et de conseil Markess a interrogé plus de 75 prestataires informatiques français représentatifs de la profession au sujet de leurs relations avec l'Administration et sur les nouvelles formes de collaboration qu'ils souhaiteraient. Elle a notamment évalué leur intérêt pour les contrats de partenariat.
Le livre : la réforme de l'Etat et les TIC
La e-Administration , par F. Jubert, E. Montfort et R. Stakowski ; 232 pages ; 25 euros.
Ce livre de Francis Jubert, du groupe de travail sur les PPP à Syntec Informatique, et d'Elizabeth Montfort, qui a participé au livre vert de la Commission européenne sur les PPP, traite de l'e-Administration déclinée dans tous les secteurs. Ainsi que de deux exemples britanniques de PPP.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire