28 octobre 2006

Opinion : Le PPP, solution miracle pour la RN88 ?

De : Stéphane Bultel
Source : http://stephanebultel.iciblog.com

Lionel Laparade dans La Dépêche de lundi pose les conditions d’un PPP sur la RN88, indiquant dans son titre que “le chemin est encore long”. Il interroge Pierre Forgues, vice-président du Conseil Régional chargés des infrastructures de transport. Celui-ci rappelle que “l’unanimité des partenaires est exigée” alors même que “l’Etat ne tient pas ses engagements”.

Sur ce dossier, la gauche au Conseil Général tente de poser le problème dans une note intitulée “Le PPP est-il la solution miracle pour la rn88 ?” que j'ai rédigée et que je soumets à votre opinion sous le plan suivant :

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Préambule
Le PPP: un outil inventé par les conservateurs
La RN88 entre promesses et désillusions
Quelle position pour la gauche aveyronnaise
Résumé de la position de la gauche
Liens pour approfondir la réflexion

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Préambule

Cette note, rapidement rédigée pour les besoins de notre groupe de parfaire ses positions politiques avant le budget 2007, a pour but d’introduire l’enjeu local du financement de la route nationale par un PPP. Elle vise à répondre, sur la base des faits mais avec la force de nos convictions, à la question posée aux conseillers généraux de gauche en 2006 : le PPP est-il la solution miracle pour la RN88 ?


Le partenariat public-privé, un outil inventé par les
conservateurs


Le PPP, qu’es aquò ?

Le PPP est un nouveau type de contrat qui permet de confier à des prestataires privés la conception, la réalisation, l’exploitation, la maintenance et le financement de services et d’infrastructures publics. Le partenaire public verse ensuite une annuité correspondant au remboursement de l’emprunt et à l’entretien de l’ouvrage. Il n’y a pas de paiement direct par l’usager, comme c’est le cas dans une concession.

Ainsi, le Partenariat Public Privé permettrait de faire financer par le secteur privé des investissements publics comme la construction d’écoles, d’hôpitaux, de prisons… En contrepartie, l’Etat ou la collectivité territoriale concernée verse un “loyer” à long terme (de l’ordre de 20 ou 30 années) au prestataire privé.

Un tel mécanisme évite à la puissance publique de dégager immédiatement des moyens de financement (fiscalité, emprunt…), a pour objectif de permettre à l’Etat français de satisfaire aux critères budgétaires imposés par l’union européenne (limitation du déficit budgétaire et de la dette publique respectivement à 3 et 60 % du PIB) dans la mesure ou ce ne serait plus ni à l’Etat, ni à la collectivité territoriale de s’endetter mais au prestataire privé. Mais l’Europe a menacé de réintégrer ces investissements dans le calcul de la dette.

Le coût de tels contrats pourrait s’avérer beaucoup plus élevé pour les contribuables car l’Etat et les collectivités territoriales bénéficient de taux d’intérêts inférieurs à ceux du marché (de 0,5 à 1,5% moins chers selon les secteurs d’activité).

Par ailleurs, dans le cadre de ces partenariats, les prestataires privés sont soupçonnés de chercher à maximiser les profits réalisables au détriment de la qualité et de la sécurité du service rendu.

En confiant l’exploitation de l’infrastructure créée au prestataire privé, le service et la mission rendus ne répondraient plus aux valeurs et aux finalités du service public. A terme, une telle réforme pourrait générer la privatisation de ces missions et services. En effet, le volume gigantesque des projets concernés impacte fortement l'équilibre actuel.

Dans Le Monde, un cadre d’une filiale de la Caisse estimait récemment qu’en 2011, 10% de l’investissement public se ferait par le biais de PPP.

D’où vient cette idée ?

Le terme juste est contrat de partenariat, le PPP étant le terme générique incluant les SEM, les délégations de service etc. Après une première opération PPP sur le pont Queen Elisabeth II, cette idée se développe dans les pays britanniques et à Hong Kong dès 1992, puis gagne d’autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie...). Lancés par le gouvernement conservateur britannique, les financements mixtes baptisés outre-atlantique PFI (Private Finance Investment) sont repris par les travaillistes au pouvoir. Mais les mauvais résultats de ces financements (surendettement des hôpitaux, dérives spéculatives du milieu du bâtiment) ont fait reculer le New Labour qui s’est inquiété de la quasi-faillite de gros hôpitaux anglais, incapables de faire face aux remboursements. Aujourd’hui leur Buildings and Estate Management Unit du Home Office (équivalent du Ministère de l’Intérieur) considère que le PFI n’est pas la manière la plus rapide de passer de la spécification des besoins à leur réalisation et que les contrats de PFI sont très onéreux à long terme (voir l’étude de Benoît Peaucelle, vice-président de la Société Française des Architectes). Sur la même longueur d’onde, l’Association des comptables agréés de Grande-Bretagne remet cette formule en question : «Notre recherche montre, à partir de l'expérience vécue jusqu'à maintenant, que le financement privé (des hôpitaux) s'avère très coûteux», note l'étude, parue en mars, et signée par trois professeurs de comptabilité à la Manchester Business School.

Et au final, le risque juridique s’accroît fortement : la moitié des PFI inaugurés par Tony Blair font l’objet aujourd’hui de contentieux au désavantage de l’Etat.

Le PPP arrive en France
Pourtant, les gouvernements de droite qui arrivent au pouvoir au début des années 2000 s’emparent de l’idée et la développent pour leurs grands projets. Les plus offensifs dans cette réflexion, depuis cinq ans, sont les Canadiens et les Français.

Le principe arrive en France en juin 2004, par ordonnance du Ministre de l’Economie et des Finances de l’époque, Nicolas Sarkozy. Les principaux secteurs concernés sont les hôpitaux, alors même que l’exemple britannique suscite des inquiétudes importantes.

Dès son arrivée, le PPP a fait l’objet d’une opposition forte de la part des parlementaires socialistes qui ont choisi de poser le débat.

Au Sénat, c’est Jean-Pierre Sueur qui mène la charge, surtout sur la forme. Il estime que ce nouveau mode de consultation publique ouvre la porte à la corruption en noyant la concurrence sous un seul et gigantesque marché. Par ailleurs, ce système crée des situations délicates, comme celle de l’architecte, relégué en position de « salarié », par le marché, du constructeur dont il est sensé par ailleurs… contrôler la qualité du travail. Ce système induit aussi, selon lui, à une exclusion des PME au profit des multinationales. Au centre de l’échiquier politique, le sénateur UDF Jean Arthuis s'alerte lui aussi de l'incitation à la dépense que peut représenter cette nouvelle facilité de trésorerie, l'Administration ne finançant pas les investissements.

Au Parlement, ce sont deux députés socialistes « rénovateurs », qui ont pris parti contre le principe des partenariats public-privé en 2004. Arnaud Montebourg, dans une tribune pour le journal Libération s'inquiète de l'ouverture à un endettement hors bilan en comptabilité publique et même des risques de corruption, et compare le PPP à une « bombe juridique à fragmentation pour les collectivités locales ». Le député Pascal Terrasse (devenu depuis Président du Conseil Général de l’Ardèche), s’est quant à lui attaché à critiquer l’aspect économique dans Les Echos, et l’impossible cohabitation de la garantie publique et de l’intérêt privé (et inversement).

Michel Sapin (PS) aussi dénonce l’habillage budgétaire de la mesure, destinée selon lui à masquer les déficits pour contourner les critères de convergence européens (tribune du Monde du 3 juillet 2004), et craint la corruption dans ce système où « chacun ne sera plus tenu que par sa conscience morale », dans un secteur économique qui a déjà pratiqué amplement la corruption des politiques (Lycées d’Ile-de-France…)

Du côté des professionnels du bâtiment, les principaux arguments contre le PPP sont la difficulté d’accès aux marchés pour les PME et la perte d’indépendance de la maîtrise d’œuvre écrasée par le pouvoir des entreprises générales.

Puis le débat s’est éteint au profit des luttes sociales qui ont rythmé la vie sociale et parlementaire en 2004 et 2005.

Les partis politiques ont peu discuté de cette question, qui me semble pourtant majeure et clivante politiquement. Au Congrès du Mans, le texte de synthèse des socialistes n’en parle pas.

L’Union Européenne (majoritairement conservatrice) décide, dans le cadre du soutien à l’emploi et aux politiques économiques, de favoriser les PPP en juillet 2005, à la suite d’un débat qu’elle avait lancé en 2004 sous l’appellation « livre vert pour les PPP».

Le gouvernement quant à lui, passe la vitesse supérieure. Il met en place des lobbys puissants, des structures de promotion et des missions d'appui. Le ministre de l’aménagement du territoire, Christian Estrosi (UMP) se fait le VRP du PPP en mai dernier à la remise des diplômes de l’Ecole de Management des SEM, pour exhorter les nouveaux cadres des SEM des collectivités locales à défendre le partenariat public-privé. Le site institutionnel http://www.ppp.minefi.gouv.fr défend, en matière d'achat public, ce « troisième pilier entre le marché public et la délégation de service public ».

Le gouvernement lance aujourd’hui le PPP sur des investissements très divers : l’informatisation de l’administration, la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, la formation initiale des pilotes militaires d'hélicoptères de Dax ou la réalisation du pôle énergie du centre hospitalier de Roanne.


D’autres projets sont en cours d'examen : la gestion du système de billetterie du château de Versailles, la réalisation d'une prison, la rénovation du zoo de Vincennes, le canal Seine-Rhône et la constitution d'un réseau de radio-téléphone.

Une vingtaine de collectivités territoriales ont déjà sollicité la mission d'appui, parmi lesquelles le Conseil général d'Eure-et-Loir (dirigé par la droite) qui a lancé un projet concernant l'informatisation des collèges du département.

Un Conseil Général dirigé par la gauche franchit le Rubicon en mai 2006. Dans le Doubs, le Département (via sa SEM) a accepté de faire partie du montage financier avec Suez et Dexia pour la construction du nouvel hôpital de Besançon.


La RN 88, entre promesses et désillusions

Nul ne conteste le caractère indispensable de la réalisation d’une voie rapide traversant l’Aveyron d’Est en Ouest, sur l’itinéraire Toulouse-Lyon. L'enjeu majeur reste celui de relier Séverac à Toulouse.

Depuis 30 ans, la RN 88, plus qu’un objectif, est un véritable alibi pour la droite aveyronnaise, en particulier pour Jean Puech et Marc Censi. Les leaders aveyronnais en ont fait un instrument de communication. Ainsi, sur les 10 dernières années, la droite a fait plus de 500 annonces dans la presse locale sur ce seul sujet, avec un ton qui varie en fonction du gouvernement en place. Elle stigmatise les retards lorsque la gauche est en place (rappellons-nous les autocollants sur les camions aveyronnais sous Jospin), puis promet des avancées lorsque la droite est aux responsabilités, avec une sémantique bien connue "on avance", "on accélère les travaux".

Cette communication outrancière connaît des moments mémorables. En 1993, la droite promet la mise en 2 fois 2 voies pour à l'échéance 2003. En 1996, Marc Censi annonce le début des travaux dans le journal de l'agglomération. Quelques années plus tard, le Ministre de l'Equipement Gilles de Robien vient promettre dans l'hémicycle départemental l'engagement de l'Etat pour cette "priorité" qu'est la RN88. En mai 2006 enfin, Grand A fait sa une avec l’annonce de la mise en 2 x 2 voies d'ici 2012.

Chaque promesse s'est depuis 30 ans soldée par une désillusion. Le vrai débat technique est évité, mélangeant, au gré des illusions vendues, rocade et voie express, boulevard urbain végétalisé, barreau de St Mayme, mises en dénivelés et grand contournement.

Au coeur de l'esbroufe, Marc Censi tente de faire oublier qu'il a privilégié la rocade en 1995 au détriment du grand contournement, conduisant à une DUP en 1997 excluant celui-ci. Il communique aujourd'hui sur la notion manipulatrice de boulevard urbain.

Quelle est la réalité du bilan "technique" ? La RN88, en traverse d'agglomération, va se résumer à une autoroute à ronds-points au milieu de Rodez. A ce jour, le grand contournement n'est toujours pas programmé, et la RN88 en 2x2 voies sera raccordée directement à la rocade de Rodez, qui fonctionnera comme un goulot d'étranglement avant même l'ouverture du nouveau centre Leclerc.

La droite aveyronnaise, qui a eu tous les pouvoirs en main (Ministres, Président de Région, Président du Conseil Général depuis 30 ans, Maires des agglomérations, députés et sénateurs) et qui a pu inscrire son action dans la durée, n'a finalement aucun bilan sur le dossier de la RN88.

Dans les faits, le seul itinéraire routier d'ampleur qui avance est financé à 100% par le contribuable départemental: c'est le contournement de Rignac et le pré-projet de mise en trois voies de la route Rodez-Figeac.

Dans les faits, seuls les investissements décidés par le contrat de plan Jospin-Malvy ont fait progresser la RN88, pour un montant de 188 millions d'euros. Sur ce volet territorial, le Conseil Général décidait d'octroyer... 1,5 millions d'euros en six ans, l'équivalent du musée de la châtaigne à Rignac.

Engagé dans une seule stratégie d’effets d’annonce sur ce dossier, le Conseil Général a récemment commandé un film sur la RN88. Choisissant, comme toujours depuis 30 ans, la communication à l'action.



Quelle position pour la gauche aveyronnaise ?

L'offensive politique de la droite : le PPP sur la RN88

En panne dans sa réalisation, l’Etat, soutenu par le Conseil Général de l’Aveyron, a décidé d’accélérer le chantier en finançant l’itinéraire de la RN 88 entre Sévérac et Albi, par un Partenariat Public Privé (PPP).

La mise en place d’un PPP devrait multiplier par trois le coût de l’opération.

Pour réaliser la tranche aveyronnaise Séverac-Naucelle et la tranche tarnaise, il reste à financer pour l’ordre de 652 M€ de travaux. Toutefois, le coût des travaux ne correspondra pas au loyer versé par les trois acteurs publics, l’Etat, la Région et le Département.

Sur une concession de 30 ans, les trois acteurs publics devront payer trois plus que la mise initiale : entre 1,8 et 2 milliards d’euros de loyers. Le Département, et donc les contribuables aveyronnais, devront payer un loyer de 420 millions d’euros, sur 30 ans (en prenant comme base un loyer de 14 M€ par an). Ce qui revient à contracter un emprunt supérieur à celui que l’Etat dans un financement strictement public.

Alors que le Conseil Général de l’Aveyron doit faire face au transfert de charges dû à l’Acte II de la décentralisation, dont les anciennes routes nationales RN 140 et RN 9, à quoi s’ajoutent les personnels DDE, TOS, la création de la Prestation Handicap, la montée en charge de l’APA, du RMI… Il devra, durant 30 ans, verser un loyer annuel qui est évalué à 11,25 millions d’euros dans une estimation basse et 16,25 millions d’euros pour une estimation haute, c’est-à-dire 25% de la somme totale.

En 2006, le loyer de la RN88 représenterait le tiers du budget routes du Conseil Général de l’Aveyron inscrit au BP et à la moitié réalisée. Il équivaudrait au budget consacré à la Modernisation du Réseau Routier (17,7 millions d’euros) et à celui du Programme Exceptionnel (13,5 millions d’euros).

En acceptant de financer la mise à deux fois deux voies de la RN88, le Conseil Général défausse l’Etat de sa responsabilité. Alors que le transfert des routes nationales, RN140 et RN9 pour l’Aveyron, de l’Etat vers les Départements, a fixé comme règle le décroisement des financements, délestant les Conseils Généraux du financement des routes restées dans le giron national, l’Aveyron décide de manière volontaire de financer la RN88. En a t-il les moyens ?

Coût des travaux restant sur la RN88 : 652 M€
Coût du loyer pour les trois acteurs publics : de 1,35 à 1,950 milliards d’euros
Loyer annuel pour le CG de l’Aveyron : 11,25 à 16,25 millions d’euros

Si le coût semble extrêmement élevé, un autre problème majeur s’ajoute : le PPP ne règle pas les problèmes ! Il ne concernerait que la partie de la RN88 inscrite dans la DUP de 1997, ce qui signifie que le grand contournement de Rodez ne serait pas inclus dans la (supposée) "accélération" des travaux.

D'autres questions restent en suspens. Quel serait le tracé du grand contournement ? Que devient le seul morceau de 2 fois 2 voies Les Molinières - Olemps ? Quelle compatibilité existe-t-il entre la volonté du Conseil Général d'interdire tout nouvel accès à la rocade et le boulevard urbain, sensé "irriguer les quartiers", dont les accès s'opposent à la DUP (deux nouveaux ronds-points d'Onet et du centre nautique, élimination d'un des deux ronds-points St Félix ou Les Moutiers) ?

La réponse politique de la gauche : quelles exigences doit-on poser ?

Quelques élus de gauche sont intervenus dans le débat public. Christian Teyssèdre et Stéphane Bultel tout d’abord, lors de la réunion publique de Laissac animée par Gérard Longuet. Stéphane Bultel rédigeait en juillet 2006 un article dans Centre Presse puis pour la tribune de la gauche dans Grand A sur le seul sujet du PPP, regrettant la dérogation de cette formule aux principes économique (surcoût du crédit, recherche de profit du partenaire) et républicain (l’Aveyron payant lui-même son autoroute, quand les voisins se sont fait construire leurs 2 fois 2 voies par la solidarité nationale).

Le préalable de toute prise de position doit être le constat d'échec de la droite, posé politiquement par exemple de la manière suivante:

1. La droite aveyronnaise, qui a eu tous les leviers politiques et qui a bénéficié de la durée pour agir, n'a pas fait avancer la RN88.

La gauche, notamment via la Région, a fait avancer ce dossier. La droite n'a rien fait, et a raté les occasions multiples de faire progresser la réalisation de la RN88. Dans une interview à Centre Presse, le Président du Conseil Général justifiait son empressement par la formule « ne refaisons pas les erreurs du passé », aveu explicite de l’échec de la droite depuis 30 ans. Nous n’avons pas à assumer l’échec de Jean Puech.

Le choix qu'a opéré la droite, sans notre avis, est celui du mode de financement baptisé PPP. Ce choix ne correspond ni à nos convictions républicaines, ni à notre souci de bonne gestion économique. Le Département dépasserait ses prérogatives et mettrait en difficulté ses propres projets routiers de niveau départemental (liaison entre les chefs-lieux de canton et les axes départementaux, rénovation des itinéraires touristiques, entretien des routes de classes C, D, E). Cela pourrait se résumer de la façon suivante :

2. Le choix idéologique du PPP est un constat d'échec car nos voisins ont, eux, réussi à développer leurs infrastructures avec la solidarité nationale. L'Aveyron au contraire, mené par Jean Puech (UMP), souhaite que les Aveyronnais financent eux-mêmes la route de compétence nationale. Cela retardera nécessairement les investissements sur les routes départementales.

Une autre solution est-elle possible ? Sur la base des tracés et des coûts estimés, repris en septembre par La Dépêche du Midi, il est facile de constater qu’une solution de financement classique est moins coûteuse. Imaginons simplement que l’Etat ne souhaite pas masquer son endettement derrière un PPP pour « faire passer en charges » l’investissement. Imaginons que l’Etat n’entraîne pas l’Aveyron, avec la complicité d’un Conseil Général zélé, dans les méandres financiers d’un PPP.

Prenons alors l’hypothèse du tracé de 133 km, qui coûterait environ 650 M€. Claude Penel, conseiller général de Villefranche de Rouergue et ancien Maire de la bastide, pose ci-après pour nous le financement par un emprunt classique, et isole ensuite le coût pour le seul Département de l’Aveyron.

Selon son calcul, un emprunt à 4,5% sur 15 ans générerait un remboursement d’un peu plus de 65 M€ par an dont 17 M€ par le Conseil Général. Le coût total (crédit inclus) serait de 1 milliard d’euros, réparti comme suit : 500 millions d’euros pour l’Etat (50%), 250 millions d’euros pour le Département et autant pour la Région (25% et 25%).

Le PPP induit le même montant annuel de remboursement mais… sur 25 ans au lieu de 15 ans, soit un coût total de… 1,65 milliard d’euros. La répartition est la même : Etat 50% soit plus de 800 millions d’euros, Région et Département 25% chacun soit un peu plus de 400 millions d’euros par collectivité.

Le surcoût total pour le Département atteint plus de 150 millions d’euros !

Le PPP n’aurait qu’un seul intérêt pour le gouvernement de Villepin qui a laissé filer la dette : sortir (entre autres) la RN88 de la comptabilité publique. Est-il décent de faire payer 150 millions d’euros au contribuable aveyronnais pour… obéir aux obligations comptables de Matignon ? En résumé sur cet aspect :

3. Un financement classique par un emprunt à 4,5% coûterait 150 millions d’euros de moins au Département qu’avec la formule PPP. Le seul miracle de cette possibilité de financement réside finalement dans le fait qu’il permet au gouvernement de sortir sa contribution de la dette pour répondre aux critères européens.

Ensuite, il est important de considérer la position du Conseil Régional Midi-Pyrénées. Alors même que le gouvernement du 1er Ministre Dominique de Villepin et du Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Intérieur Nicolas Sarkozy décident d'exclure les routes des contrats de projets Etat-Région, l'Etat demande à la Région de confirmer son adhésion à un dossier qui n'est plus de sa compétence. Rappelons que la Région n'a plus à prouver son attachement au développement de l'axe RN88 puisqu'en six ans elle a fait budgéter cent fois plus que le Conseil Général de l'Aveyron dans le précédent contrat de plan. On imagine aisément que l'assemblée régionale sera surprise d'apprendre que l'Etat, qui ne veut plus contractualiser avec elle sur les routes, lui demande de payer 25% d'une route nationale, lorsque les demandes d'investissements sur les itinéraires régionaux et notamment autour de Toulouse deviennent plus qu'insistantes. Ce qui peut s'écrire sous la forme :

4. Le Conseil Régional, cent fois plus actif sur l'itinéraire que le Conseil Général de l'Aveyron depuis 6 ans, est pressé de répondre favorablement à une formule coûteuse, sur une route qui n'est plus de sa compétence.

Enfin, la solution technique ne règle pas le problème puisqu'elle consiste à conduire une circulation fluide jusqu'à Rodez, puis à la congestion du trafic sur l'agglomération. Je propose l'énoncé suivant :

5. La gauche aveyronnaise est en désaccord avec le fait que le grand contournement soit exclu de l'aménagement de la route nationale. Comment accepter que l'itinéraire soit mis en 2x2 voies jusqu'au chef-lieu du département, si c'est pour faire ensuite une autoroute à ronds-points au milieu de Rodez ? Comment accepter qu'une solution extrêmement coûteuse pour le contribuable aveyronnais ne fasse que déplacer les problèmes vers le futur "bouchon de Rodez" ?



Résumé de la position de la gauche aveyronnaise

1. La droite aveyronnaise, qui a tous les leviers politiques et qui a bénéficié de la durée pour agir, n'a pas fait avancer la RN88.

2. Le choix idéologique du PPP est un constat d'échec car nos voisins ont, eux, réussi à développer leurs infrastructures avec la solidarité nationale. L'Aveyron au contraire, mené par Jean Puech (UMP), souhaite que les Aveyronnais financent eux-mêmes la route de compétence nationale. Cela retardera nécessairement les investissements sur les routes départementales.

3. Un financement classique par un emprunt à 4,5% coûterait 150 millions d’euros de moins au Département qu’avec la formule PPP. Le seul miracle de cette possibilité de financement réside finalement dans le fait qu’il permet au gouvernement de sortir sa contribution de la dette pour répondre aux critères européens.

4. Le Conseil Régional, cent fois plus actif sur l'itinéraire que le Conseil Général de l'Aveyron depuis 6 ans, est pressé de répondre favorablement à une formule coûteuse, sur une route qui n'est plus de sa compétence.

5. La gauche aveyronnaise est en désaccord avec le fait que le grand contournement soit exclu de l'aménagement de la route nationale. Comment accepter que l'itinéraire soit mis en 2x2 voies jusqu'à Rodez, si c'est pour faire ensuite une autoroute à ronds-points au milieu de Rodez ? Comment accepter qu'une solution extrêmement coûteuse pour le contribuable aveyronnais, ne fasse que déplacer les problèmes vers un futur "bouchon de Rodez" ?



Liens pour approfondir la réflexion

Le dossier (complet et à jour) du gouvernement
http://www.ppp.minefi.gouv.fr

L’évaluation du PPP sur la RN88 par la Direction de l’Equipement (page 65)
http://www.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/texte_cle283671.pdf

L'article brillant de Corinne Manson pour l'Union des Conseillers généraux de France
http://www.ucgf.org/article.php3?id_article=182

L'argumentation du rapporteur Hervé Mariton (UMP) à l'Assemblée
http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r2733.asp

Les prises de position de Jean-Pierre Sueur, sénateur PS sont sur son site internet
http://www.jpsueur.com

L'argumentation d'Arnaud Montebourg, député PS
http://www.montebourg.net/web/publique/article.php?id=196&rub=9

L'argumentation de Pascal Terrasse, député PS
http://www.pascalterrasse.com/page4.htm#ppp

La prise de position des architectes
http://www.cyberarchi.com/actus&dossiers/dossiers/index.php?dossier=78&article=53

Le blog de Zia Oloumi, avocat, consacré à l'actualité des PPP :
http://actuppp.blogspot.com

Le blog de Stéphane Bultel, conseiller général de Rodez-Est
http://stephanebultel.iciblog.com

« Le gouvernement britannique ne croit plus au financement mixte des hôpitaux »
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-745959@51-746081,0.html

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