21 janvier 2007

Le Tram-Train à Saint Denis de la Réunion

Les dessous du montage financier
Source : Journal de l'Ile de La Réunion

L’État financera à hauteur de 394 millions d’euros la nouvelle route du littoral et de 435 millions d’euros le tram-train. À ces sommes colossales s’ajoutent les fonds européens (230 millions d’euros pour les deux projets) et la participation de la Région (271 millions d’euros en aides directes). Le recours aux acteurs privés permettra de lever 915 millions d’euros supplémentaires et de boucler ces deux chantiers sans précédent sur le plan budgétaire.

Plus de 2,2 milliards d’euros, soit presque 15 milliards de francs : voilà très concrètement l’argent qui va être dépensé au cours de ces dix prochaines années pour permettre à La Réunion de construire ses nouvelles infrastructures. Et de dessiner un nouveau visage qui devrait propulser l’île dans la catégorie des départements français les plus avant-gardistes en matière d’aménagement du territoire. Le protocole d’accord signé hier matin, très solennellement dans les salons de l’hôtel Matignon entre Dominique de Villepin et Paul Vergès, est sur le plan comptable un chef-d’œuvre d’équilibre. Pour boucler financièrement deux opérations qui vont finalement se télescoper au niveau calendaire, l’État et la Région ont dû déployer des trésors d’imagination et recourir à tous les artifices budgétaires disponibles. Le financement de la nouvelle route du littoral illustre de façon très symbolique ces difficultés. Pendant des mois, le ministre des Transports et de l’équipement, Dominique Perben, a expliqué que le gouvernement n’investirait pas plus de 250 millions d’euros dans cette liaison et qu’il appartenait donc aux autres bailleurs potentiels de mobiliser les capitaux nécessaires. Pendant des mois, Paul Vergès s’est élevé contre ce raisonnement, soulignant à plusieurs reprises que l’État était le seul acteur compétent dans ce dossier.

Un euro pour le tram-train ou la voiture

La solution rendue publique hier est le résultat d’un subtil compromis. Paris consacrera au total 394 millions d’euros à ce chantier : 290 millions sous forme d’aides directes et 104 millions d’euros dans le cadre du remboursement de la TVA à la collectivité, laquelle récupère, au passage, la maîtrise d’ouvrage (lire ci-dessous). La Région a consenti, elle aussi, un énorme sacrifice. L’assemblée intervient dans le montage à hauteur de 191 millions d’euros alors qu’elle avait laissé entendre, au tout début des discussions, qu’elle ne débourserait pas un centime pour sécuriser le tracé entre Saint-Denis et la Possession. Les intimidations, les menaces, et enfin les concessions faites par chaque camp traduisent le climat de tension qui a régné tout au long des négociations. Climat de tension auquel a succédé aujourd’hui une volonté d’apaisement. La convention précise par exemple qu’en cas de surcoûts, ceux-ci seront supportés à la fois par l’État et la Région. En dépit de leurs efforts, en dépit du soutien de l’Union européenne (déblocage d’une subvention de 130 millions d’euros), les deux partenaires institutionnels ne pourront pas, néanmoins, se passer de la contribution des entreprises privées. Celles-ci devraient apporter 215 millions d’euros dans la cagnotte. La contrepartie est connue depuis trois mois maintenant : le concessionnaire retenu sera rémunéré grâce à l’instauration d’un péage routier, que devront supporter les automobilistes. Hier les signataires de l’accord ont confirmé que le coût du passage ne devrait pas excéder un euro. C’est ce prix que devraient payer, en moyenne, les futurs passagers du tram-train. Menées parallèlement, les négociations relatives au financement de ce projet ferroviaire, reliant Saint-Paul à la Mare en une heure, ont été aussi ardues que celles liées à la route du littoral. D’abord parce la Région s’est focalisée dès le départ sur cette question, laissant entendre qu’elle avait les moyens de concrétiser seule ses ambitions. Ensuite, parce qu’au sein du gouvernement certains ministères n’étaient pas convaincus de la pertinence d’un tel investissement. La conclusion est pourtant inespérée. L’État mettra finalement sur la table 435 millions d’euros. Ce chiffre intègre les subventions directes, ainsi que les exonérations fiscales dont pourraient bénéficier les opérateurs du groupement retenu, dans le cadre de leurs investissements. L’aide exceptionnelle accordée par le gouvernement sera débloquée de façon très progressive : 290 millions d’euros jusqu’en 2013, date à laquelle devraient être mises en circulation les premières rames, le solde (145 millions d’euros) entre 2014 et 2020. Soutenue par Pierre Vergès, le président de la SR21, la mise en oeuvre de ce schéma aurait, dit-on, permis d’accélérer les tractations entre Paris et la Région ces dernières semaines.

Le montant de la redevance divisé par deux

La contribution du gouvernement semble presque marginaliser, du coup, celles de l’Union européenne (100 millions d’euros) et de l’assemblée régionale qui dépensera, au démarrage du chantier, 80 millions d’euros seulement. La réalité est, en fait, beaucoup plus complexe. Le tram-train étant conçu et exploité dans le cadre d’un partenariat public / privé (PPP), ce sont surtout les multinationales sélectionnées à l’issue de l’appel d’offres international qui réaliseront les investissements. Le plan prévoit de les solliciter à hauteur de 700 millions d’euros. En contrepartie, elles percevront, pendant trente ans au moins, un loyer annuel versé par la collectivité. Initialement, cette redevance devait avoisiner 80 millions d’euros. Dans le montage rendu public, cette somme ne devrait pas excéder 40 millions d’euros par an. Cette réduction de moitié de la facture est liée essentiellement au niveau très important des aides nationales et européennes. À ceux qui lui reprochaient hier de s’aliéner financièrement, la Région rétorque aujourd’hui que le tram-train et la route du littoral représenteront une charge annuelle de 50 millions d’euros dans le budget de la collectivité au cours des trois prochaines décennies. Un chiffre jugé très acceptable comparé aux enjeux économiques. Objet d’une nouvelle navette mercredi encore entre Matignon et la Région (lire notre édition de jeudi), le protocole d’accord prévoit enfin que les deux projets pourront bien bénéficier, le moment venu, de prêts réglementés sur fonds d’épargne auprès des organismes prêteurs habilités. L’État a renoncé au mécanisme des prêts dédiés, un dispositif jugé trop vague par ses interlocuteurs, mais fixé une enveloppe (de 500 millions d’euros) pour cette ligne de crédit. Ultime rapport de force, ultime compromis...

F.C.


L’extension du tram-train dans le Sud est sérieusement envisagée

Les études sur une possible extension de la ligne ferroviaire ne seront rendues publiques qu’en mars, mais politiquement le principe est acquis. Pierre Vergès rappelait hier que la prolongation du réseau jusqu’à Saint-Joseph ne nécessiterait pas un investissement aussi lourd que pour le premier tronçon. Pour une raison très simple : le trafic routier entre Saint-Paul et Saint-Pierre ayant vocation à basculer sur la route des Tamarins dès 2009, l’actuelle route nationale pourrait très bien servir d’emprise foncière et être dédiée au rail. Les premières simulations montrent que le tram-train serait particulièrement rentable entre Saint-Louis et Saint-Pierre, deux grosses concentrations urbaines où les déplacements sont importants. Reste évidemment à convaincre l’État et l’Europe de s’engager derrière ce nouveau projet à et trouver des investisseurs prêts à prendre le risque financier dès aujourd’hui.

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