12 février 2005

Favoriser l'accès à la propriété en Wallonie - Belgique

André Antoine veut favoriser l'accès à la propriété en Wallonie en réhabilitant 34.000 logements publics avec 1 milliard d'euros.

Ministre du développement territorial, du logement, de l'énergie... André Antoine se profilerait volontiers comme le « ministre du champ du possible ». Il est vrai que la réforme du Code wallon du logement qu'il propose revoit en profondeur le paysage.

Immo du Soir - Vous combinez plusieurs compétences au sein de votre département. Est-ce pour vous un atout.

André Antoine - Le fait de pouvoir combiner : aménagement du territoire, logement, énergie avec une « louche » de zones d'activités économiques (SAED) et une « pincée » de mobilité permet de gérer le territoire au sein d'un seul département. Ce qui pour moi est une chance.


- Un des grands défis pour de nombreux Wallons est l'accession au logement.

- Je pense qu'il y a trois catégories de personnes qui sont fragilisées. Ce sont les jeunes qui n'ont pas toujours la chance de pouvoir se constituer une épargne logement suffisamment intéressante d'autant plus que les prix ont terriblement progressé. C'est vrai aussi pour les familles « recomposées ». Lorsqu'on veut se donner une nouvelle chance dans la vie, ce n'est pas toujours simple de se lancer dans l'acquisition d'une maison. Je pense aussi à des personnes plus âgées qui ont loué une maison pendant des années et qui se disent que c'est peut-être le moment d'acquérir un bien. L'accès au logement passe d'abord par l'accès au terrain. Comme dans le modèle néerlandais et germanique, la valeur du terrain occupe une place de plus en plus importante dans la valeur construction. Dans toutes les zones de Wallonie, les prix sont aujourd'hui en augmentation, avec des flambées particulièrement significatives en Brabant wallon, Namur, Sud du Luxembourg...


Une spéculation foncière se met en place parallèlement à une raréfaction des biens. A certains endroits, la zone à bâtir est à 80 % saturée. Dans les 20 % qui restent, certains terrains ne sont pas à vendre, d'autres sont de piètre qualité.


- Au niveau du développement territorial et plus particulièrement du logement, quel changement le Wallon peut-il attendre ?

- Nous avons décidé de libérer des terrains après avoir fait le constat qu'il n'y a jamais eu de spéculation foncière aussi importante qu'aujourd'hui avec pour conséquence qu'un certain nombre de nos concitoyens perdent des chances d'accéder un jour à la propriété ou au logement de leur choix. Nous avons voulu libérer les terrains de manière concertée et diversifiée (au total 18.500 ha). La commune pourra parcelliser la zone en zone d'habitat, en zone d'équipement communautaire, en zone de parc. Dans les nouveaux quartiers qui seront ainsi créés, nous mettons un accent particulier sur les zones d'espaces communautaires.


- Comment évolue l'action communale ?

- Par une série d'outils qui n'existaient pas et qui concrétisent cette capacité publique d'intervention : droit de préemption, droit d'expropriation..., nous avons voulu traduire le rôle nouveau des communes. La Région intervient comme bailleur de fonds pour subventionner un certain nombre d'opérations immobilières. Quelque 400 parcelles pourront ainsi être équipées. Notre objectif est de monter en puissance par la suite. Jouer un rôle actif en matière de logement peut se faire seul, soit en bonne intelligence avec la Société de logement de service public. La capacité d'offre annuelle passera ainsi de 900 à quelque 1.200 logements. L'objectif de cette législature est d'offrir 2.000 nouveaux logements par an.


- Que comptez-vous faire des sites industriels ?

- Nous avons prévu un programme spécifique pour permettre aux communes de réhabiliter un certain nombre de bâtiments dont elles ont la propriété (ancienne maison communale, école, maison de repos déclassifiée...). Nous allons franchir un pas supplémentaire (et c'est une nouveauté !) en requalifiant en logements un certain nombre de sites d'activités économiques désaffectés (anciennes usines, vieux moulins...). C'est le cas notamment de l'ancienne usine électrique Dison, de certains espaces de l'ancienne cristallerie du Val Saint-Lambert... Nous voulons importer en Wallonie le concept de loft (très à la mode mais peu développé jusqu'à présent). Certains de ces sites pourraient être concédés à du privé, d'autres être aménagés en parc.


- Une solution financière semble être le partenariat avec le privé ?

- Pour ce qui concerne le partenariat public-privé, je pense que l'on a été un peu frileux en Wallonie. Nous allons mettre en oeuvre l'article 78 bis du Code du logement qui précise la mise en place de ce partenariat. Nous avons présenté à Liège avec la Confédération Construction un logiciel type « public-privé » qui peut être téléchargé. Les opérations prévues comprendront à la fois du logement moyen et du logement plus modeste. Les investissements pourront être soulagés par des équipements de voirie. Nous avons rencontré la Confédération Construction, l'UPSI (Union professionnelle du secteur immobilier), l'Office des propriétaires... qui ont exprimé leur intérêt pour créer ce type de partenariat. Certains de ces investisseurs privés sont régulièrement confrontés à des règles urbanistiques longues et tatillonnes. Or, ce qui rend coûteux un projet immobilier, c'est le temps. Nous diminuons les délais et nous réduisons les formalités à un seul document. Avec les acteurs concernés, nous avons créé une cellule pluridisciplinaire pour faciliter les procédures.


- Comment favoriser la construction de logements moyens et sociaux ?

- A côté d'une démarche quantitative, nous avons prévu une démarche de qualité. Dans une première étape, elle consiste, à réhabiliter un certain nombre de logements publics. Il s'agit du programme « exceptionnel » qui prévoit la réhabilitation de 34.000 logements à partir de cette année, 1.748 seront détruits. Cette opération nécessitera un budget d'un milliard d'euros sur les 5 ans et la participation de 16.000 personnes, une manière de démontrer clairement que le logement est au carrefour de l'économie et du social.

Autre action mise en place : la poursuite de la rénovation de maisons privées à des fins privatives ou à des fins locatives, par le biais de conventions avec la Région wallonne. La réforme du code permettra d'ouvrir cette forme de partenariat non plus uniquement à des personnes physiques mais également à des personnes morales.


- L'accès à la propriété sera-t-il favorisé ?

- Nous avons prévu de soutenir le privé qui souhaite accéder à la propriété. En Wallonie, nous avons la chance de disposer de produits extraordinaires qui sont généreux sur le plan des taux, soit la formule du fonds du logement pour les familles nombreuses, soit le crédit social combiné avec le prêt jeune... Ces conditions sont également accessibles aux personnes qui habitent dans des logements de services publics. Nous allons organiser une campagne pour les inviter à devenir propriétaire. Il n'est pas bon d'avoir des parcs uniquement locatifs. Nous privilégions la mixité et nous allons soutenir l'intergénérationnel.


- Le grand combat des communes ne sera-t-il pas d'amener les habitants à partager la terre ?

- Certainement. Dans le cadre des zones d'aménagement communal concerté, nous étudions une forme de solidarité que nous appelons « captation des plus-values ». Une contribution des propriétaires par m2 serait demandée lors de la mutation de terrains. L'argent collecté retournerait au logement à raison de 75 % et pour 25 % à la rénovation urbaine.


- Vous souhaitez également prendre en compte l'aspect énergétique ?

- Pour nous, l'énergie prime. Pour le 1er janvier 2006, nous sommes amenés à transposer de manière impérative la directive européenne pour pouvoir fournir des indicateurs de performance énergétique. Un tout nouveau système de primes sera présenté lors de Batibouw. Tout en laissant un peu de suspense, nous pouvons déjà dire qu'il va concerner les chaudières, les doubles vitrages, les châssis, les bâtiments publics...

Propos recueillis par BRIGITTE DE WOLF-CAMBIER


Sites : www.requalificationurbaine.be. http://mrw.wallonie.be. www.flw.be.

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