07 février 2005

Système économique :L’intervention de l’Etat revient - Madagascar

Aussi incroyable que cela puisse paraître, quinze ans après que le pays ait adopté le libéralisme économique, des chefs d’entreprises roulent toujours pour l’intervention de l’Etat dans le secteur productif. A cet égard et s’agissant des opinions des chefs d’entreprises sur le choix du système économique adapté au développement de Madagascar, il apparaît, selon les données du rapport portant perceptions des citoyens sur le DSRP, sur la gestion des affaires publiques et la gestion du budget de l’Etat publié par le MEFB, l’Instat et financé par l’Union Européenne dans le cadre du Programme d’Appui budgétaire d’urgence que 60,6% des chefs d’entreprise opteraient pour le système libéral, 27,8% sont pour le système étatique et 10,1% ne savent pas. Et selon les mêmes statistiques, le désengagement de l’Etat du secteur productif n’est primordial et prioritaire que pour 34,4% des chefs d’entreprise. Quant au rythme auquel le désengagement évolue, la grande partie (38,2%) des dirigeants d’entreprise trouvent que le désengagement de l’Etat se poursuit selon le rythme convenable et 20,7% trouvent cette vitesse lente.

Dans cette perception de l’environnement des affaires au pays, seulement un peu plus de 30% des opérateurs économiques ont déjà entendu parler du 3P et il n'y a que 2,5% d’entre eux qui déclarent en avoir une bonne compréhension. Le taux de compréhension du PPP est en relation positive avec le chiffre d'affaire (CA) de l'entreprise. Si il n'y a que 9% des entrepreneurs, dont le CA ne dépasse pas 2 millions d'ariary, qui ont une compréhension moyenne ou plus du PPP, ce taux est de 48,6% chez ceux dont le CA se situe au delà de 40 millions d'ariary.

En outre, un peu moins de la moitié des responsables d'entreprises (45,5%) jugent que l'Etat doit prendre des mesures pour la protection des entreprises locales tout en laissant entrer les opérateurs étrangers. Viennent ensuite les 18,5% d'entre eux qui sont d'opinion plus libérale en acceptant qu'il faut laisser régner la libre concurrence. Ce sont plutôt les grandes entreprises (selon leur chiffre d'affaire) qui réclament la protection de l'Etat tout en laissant entrer les opérateurs étrangers.

Des opinions qui somme toute, ne devaient pas surprendre disent les observateurs. Surtout quand on sait que la privatisation à Madagascar qui est à la base de la politique de libéralisation, s’est faite, en dehors du cadre traditionnel des offres d’actions des sociétés à privatiser sur les marchés boursiers. Il n’existe pas encore de marchés boursiers dans la Grande Ile. Et pourtant si de tels marchés sont présents, il s’ensuivrait que les offres publiques de vente assurent des cessions plus lucratives, une plus grande transparence, stimulent la mobilisation de l’épargne interne et le retour des capitaux exilés. Dépourvues de ces offres, la privatisation n’a été à Madagascar que de pure et simple liquidation. Ceci est particulièrement vrai dans les secteurs du commerce et de la distribution. Pis encore, avec l’importation actuelle et inéluctable de riz, l’Etat se met en première ligne au détriment des professionnels riziers.

En général, les programmes de privatisation, d’après le cabinet, progressent avec un rythme avancé. Cependant, reconnaît le gouvernement, des retards substantiels sont intervenus pour diverses raisons, à savoir la spécificité des grandes entreprises telles que la SIRAMA, caractérisée par plusieurs sites différents et un nombre élevé d'employés répartis dans ces sites, la rareté des adjudicataires d'offres pour les grandes sociétés, la subtilité en matière d'assainissement et traitement social délicat : cas de la SIRAMA, le retard de traitement de grands dossiers (SIRAMA, TELMA,...) ne permet pas les traitements en parallèle des autres dossiers compte tenu des priorités des bailleurs de fonds (Facilité pour la Réduction de la Pauvreté,...) . Actuellement, suite à l’audit du compte de la SIRAMA, il est avancé officiellement que la formule retenue pour la privatisation est le contrat de gestion : les unités d’Ambilobe, de Nosy-Be et de Bricckaville sont gérés par un consortium mauricien (contrat signé le 25 juin 2004).

Concernant le marché boursier, les experts estiment qu’il constitue un lien entre des entreprises et les particuliers. D’un côté, la bourse permet le financement des entreprises et de l’autre, elle draine les placements des particuliers. Du point de vue de l’entreprise, le marché boursier lui permet de trouver des capitaux et ainsi de se développer : augmentation de capital, renforcement des fonds propres voire emprunter de l’argent à meilleur coût. Quant aux particuliers qui achètent les titres de placements émis par les entreprises, ils peuvent avoir dans la bourse une utilisation fructueuse de leur épargne avec deux mobiles majeurs : le revenu à travers les dividendes, le capital à travers les actions. Financement du développement économique et placement de l’épargne constituent les principales utilités du marché bousier : les intérêts des uns rejoignant et complétant ceux des autres. (Référence, RIE 16 de la DGE).

Mais jusqu’ici les obstacles à l’institution d’un marché boursier ne sont pas toujours résolus bien que les techniciens laissent entendre que : « la mise en place d’une bourse de valeurs à Madagascar permettrait de favoriser le développement des entreprises en leur fournissant des fonds propres qui leur font actuellement défaut. La mise en œuvre de ce projet nécessite cependant la prise en compte des différents obstacles qui l’empêchent de se réaliser.

L’importance de ces obstacles est très inégale et ils peuvent pour la plupart être contournés pour jeter rapidement les bases de la Bourse de valeurs de Madagascar. Un certain nombre de réformes mises en œuvre par les pouvoirs publics contribuent déjà à lever ces obstacles au moins en partie. La sensibilisation d’un certain nombre d’entrepreneurs à l’importance de la bourse de valeurs, qui se traduit par l’existence de Madabourse, et les opportunités qu’offre la privatisation de grandes sociétés (Telma, Air Madagascar…) devraient permettre de créer la Bourse de Madagascar.

Enfin, dans le cadre de la phase préparatoire de cette création, la commission proposée à cette fin devra déjà prendre en charge l’examen de certains points portant sur l’opportunité de distinguer le marché primaire qui peut apporter des fonds et le marché secondaire qui sert à la liquidité des titres et sur l’évaluation du montant susceptible de faire l’objet de transactions ».

Certes, ces propositions émanant des techniciens sont valables. Mais recevront-elles l’adhésion des opérateurs économiques malgaches. La question se pose dans la mesure où de l’avis des experts, la mise en place de la bourse de valeurs à Madagascar nécessite la levée des obstacles qui empêchent sa création. Certains de ces obstacles ne sont pas rédhibitoires et peuvent être éliminés progressivement. Il s’agit notamment des obstacles liés à l’environnement. Ce dernier peut ne pas être parfait sur le plan juridique et sur le plan de la transparence des informations. Il suffit que les premières entreprises qui seront cotées sur la bourse des valeurs présentent des garanties de transparence et de respect des normes comptables aux yeux des investisseurs potentiels. Il en est de même pour les obstacles techniques qui sont liés à l’augmentation du niveau de vie de la population.

Les obstacles d’ordre psychologique sont ceux qui pourraient être les plus difficiles à lever. L’exemple de l’Ile Maurice montre que la réticence des dirigeants à ouvrir leur capital, de peur d’en perdre le contrôle, freine l’expansion de la bourse, alors même que l’environnement des entreprises de ce pays présente toutes les garanties de sécurité et de transparence nécessaires.
Pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, les recettes de privatisation servaient essentiellement à combler le déficit public.

Source : Gazette de la Grande Ile, http://www.lagazette-dgi.com/simu/dev.php?id=26844

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