14 septembre 2005

France : Les offres irrégulières des partenariats public-privé

L'entreprise candidate à un marché public découvre souvent avec stupeur, lorsque cela lui est notifié, qu'elle est écartée en raison d'une erreur dans sa réponse et elle regrette alors que ses capacités et son offre n'aient pas pu être appréciées, n'imaginant pas pouvoir inverser le cours des choses. Tout n'est pourtant pas perdu puisque le Conseil d'Etat a admis, dans un arrêt du 8 avril dernier(1), que le candidat peut néanmoins invoquer l'irrégularité de la procédure de publicité du marché.

Dans l'affaire concernée, la candidature d'une entreprise n'avait pas été présentée dans les formes exigées par le règlement de la consultation et, irrecevable, elle avait donc été écartée. Or un réexamen détaillé avait révélé des irrégularités dans les mesures de publicité que l'entreprise invoquait pour solliciter la suspension de la passation du marché. La personne publique lui déniait tout intérêt à agir pour deux raisons : commercialisant les produits objet du marché, elle avait été candidate à son attribution et n'était pas susceptible d'être lésée par les manquements aux obligations de publicité. Ayant eu accès aux pièces du marché, elle soulevait les irrégularités après avoir répondu dans le seul objectif de bénéficier d'une « seconde chance ».


Un avis d'appel vicié
Pour le Conseil d'Etat, au contraire, un candidat n'a pas à être effectivement lésé par un manquement aux obligations de publicité pour s'en prévaloir et obtenir l'annulation d'une procédure. Il suffit qu'il soit « susceptible » d'être lésé, sans qu'il ait à démontrer que le manquement a porté atteinte à ses chances de conclure le marché. Le candidat, quoique évincé pour ne pas avoir satisfait à ses obligations, peut demander, par voie de référé pré-contractuel, qu'il soit ordonné à la personne publique de reprendre la procédure en se conformant à ses obligations. Cette solution est applicable aux marchés publics, mais aussi aux contrats de partenariat public-privé (PPP) et aux conventions de délégation de service public (2).

Cet arrêt considère aussi que l'avis d'appel à la concurrence est vicié même si les candidats ont eu accès à l'information qu'il aurait dû contenir. En l'espèce, l'avis publié au « JOUE » (3) se bornait, pour les conditions de participation, à renvoyer aux mentions du règlement de la consultation. Selon la personne publique, la remise d'une offre impliquait d'avoir accédé à ces éléments et interdisait d'invoquer ce manquement. Le Conseil d'Etat n'admet pas ce dernier raisonnement : le règlement de la consultation a vocation à être remis aux seules entreprises qui manifestent leur intérêt pour le marché. Il fait l'objet d'une publicité plus réduite que l'avis d'appel public à la concurrence. Un renvoi au règlement est incompatible avec les obligations de publicité imposées par les dispositions communautaires. Certes, selon le Code des marchés publics(4), le règlement de la consultation « est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l'avis d'appel public à la concurrence », mais ceci n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser de porter dans l'avis - même si elles figurent dans le règlement de la consultation - les mentions exigées par les textes communautaires. Les mentions de l'avis d'appel public à la concurrence pour lesquelles il est procédé par renvoi au règlement de la consultation sont considérées comme omises.

Le conseil d'Etat relève enfin que l'arrêté (5) fixant les modèles de formulaire pour la publication des avis de passation de marchés publics au « JOUE » était irrégulier (6) et souligne que les personnes publiques doivent se conformer scrupuleusement aux prescriptions communautaires pour les avis publiés au « JOUE ». Elles ne peuvent en aucun cas se retrancher derrière une carence de l'Etat dans leur transposition en droit interne. Un texte européen suffisamment clair et non conditionnel doit obligatoirement être appliqué à la date limite de sa transposition, même si celle-ci n'est pas intervenue. Pour prévenir ce type de situation, l'Office des publications officielles des Communautés européennes refuse désormais les avis n'utilisant pas les formulaires standard européens.




Par JEAN-LUC TIXIER, Docteur en droit, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre.
Notes :
(1) CE 8 avril 2005. Radiometer c/AP-HP.
(2) Contrats visés par l'article L. 551-1 du Code de justice administrative.
(3) « J.O. de l'Union européenne ».
(4) L'article 42 du Codedes marchés publics.
(5) Arrêté du ministre de l'Economie du 4 décembre 2002.
(6) Aucune disposition du Code des marchés publics ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne donnait compétence au ministre de l'Economie aux fins d'édicterde telles mesures.

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