24 février 2007

Les partenariats public-privé prêts à décoller

Les partenariats public-privé prêts à décoller
Plus de deux ans après leur création, les contrats de partenariat semblent enfin séduire les collectivités locales et l'Etat. Les grands groupes se livrent une concurrence acharnée pour s'approprier ces nouveaux marchés. Mais les PMI ont encore du mal à en profiter.

Des contrats spécifiques selon les secteurs
Se structurer en groupement
Encore peu de contrats pour les PME
La rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep) dans l'escarcelle de GTM Construction (filiale du groupe Vinci), la construction et l'exploitation du stade de Lille en attente d'un maître d'œuvre privé... Depuis quelques mois, les contrats de partenariat s'accélèrent entre donneurs d'ordres publics et entreprises privées. « Il ne faudrait pas que la prochaine législature remette en cause cet outil au moment même où les acteurs publics commencent à se l'approprier », prévient Hervé Novelli, député UMP d'Indre-et-Loire et président d'un groupe d'études de 120 parlementaires sur le sujet.

Bien décidés à promouvoir ce mode d'investissement, les députés (UMP, PS et UDF) vont déposer une proposition de loi rectificative de l'ordonnance du 17 juin 2004 qui a institué ce dispositif de partenariat public-privé (PPP). Avec un objectif : simplifier sa mise en œuvre pour mieux l'utiliser.

Leur texte se concentre sur la révision des critères d'éligibilité pour accéder au contrat, la lutte contre la discrimination fiscale entre les différents modes de financement des investissements publics et un meilleur contrôle de l'égalité chez les soumissionnaires. Aujourd'hui, l'obligation de prouver le caractère d'urgence et de complexité du contrat freine, en effet, les collectivités locales. A la difficulté d'appréhender les critères s'ajoute une barrière culturelle du côté des pouvoirs publics, inquiets de perdre le contrôle de la maîtrise d'ouvrage de leurs équipements.

Mais le principe de réalité prend le pas sur les réticences. « Les PPP constituent le seul moyen d'accroître l'investissement public sans augmenter la dette, résume Philippe Van de Vyver, délégué de l'Institut de gestion déléguée. Ils offrent plusieurs avantages : la délégation à un tiers unique de la maîtrise d'ouvrage de projets très lourds, des procédures plus courtes que pour les appels d'offres classiques et une répartition du risque optimale entre secteurs public et privé.

« Les contrats de partenariat vont monter en puissance car certaines collectivités ont montré l'exemple », assure Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France. Près d'une dizaine de contrats ont été signés en un an et plus d'une trentaine sont en cours de négociation.

Des collèges aux gendarmeries, les besoins sont colossaux. Pour l'instant, les montants sont encore modestes (environ 100 millions au total pour les seuls contrats de partenariat en 2006, hors hôpitaux), mais les investissements en infrastructures routières, ferroviaires ou fluviales se chiffrent en milliards d'euros pour les cinq années à venir.


Les dates clés
> 17 juin 2004
L'ordonnance sur les contrats de partenariat autorise tous les organismes publics à mettre en place ce type de montage avec des entreprises privées.
> 19 octobre 2004
Parution du décret sur la création de la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat.
> Fin janvier 2007
Le groupe de travail PPP à l'Assemblée nationale, qui réunit des députés UMP, PS et UDF, doit déposer une proposition de loi rectificative pour simplifier le recours aux contrats de partenariat. Des contrats spécifiques selon les secteurs

Une aubaine pour les industriels ! « Les partenariats public-privé représentent près de 10% de notre chiffre d'affaires », observe François-Xavier Anscutter, le directeur général de Spie Batignolles. Le constructeur a surtout décroché des contrats dans le domaine de la santé. Il vient de signer un bail emphythéotique administratif (BEA) pour la construction et l'exploitation du centre commercial de la gare Saint-Lazare, à Paris, pour un montant de 100 millions d'euros.

Cette variante du contrat de partenariat repose sur le même principe : une prise en charge globale d'un projet par un groupement privé en échange d'un paiement public dans la durée. D'autres contrats spécifiques existent pour la justice (LOPJ), la sécurité intérieure (LOPSI) ou la santé (BEH).

« Les appels à candidatures sont très prisés par les leaders comme Vinci, Bouygues, Eiffage ou Suez », constate Eric Hinderer, associé du cabinet Mazars, responsable des concessions et des PPP. Reléguant au second plan les cabinets d'ingénierie, les constructeurs jouent des coudes pour se positionner sur ces nouveaux marchés.

Vinci Construction a déjà engrangé une centaine de contrats. Eiffage vient de rafler, à la barbe de Bouygues, le contrat pour l'hôpital de Corbeil-Essonnes, en région parisienne (lire page 64). « Contrairement à la Grande-Bretagne, où les marchés sont complètement fermés, il reste encore des tickets d'entrée en France », estime Philippe Mallea, le responsable du financement de projets du cabinet d'avocat Norton Rose. A condition d'en avoir les moyens !

« Il faut dépenser entre 1 et 3 millions d'euros uniquement pour répondre à un appel à candidatures dans le domaine hospitalier ou pour un projet de prison », estime Vincent Piron, le directeur de la stratégie et des investissements de Vinci Construction. Sur l'appel à candidatures pour l'hôpital de Corbeil-Essonnes, le coût pour l'ensemble des candidats a été de l'ordre de 6 millions d'euros. « Chez Bouygues, le coût du montage peut atteindre entre 3 et 4 % du montant total du projet. Sans garantie d'indemnisation en cas d'échec », confie Philippe Bonnave, le directeur général de Bouygues Entreprises France Europe.

Un risque qui n'effraie pas le constructeur : une équipe de 150 personnes est dédiée aux PPP ! Les grands acteurs ont tous mis en place des structures dédiées regroupant des dizaines de spécialistes. Pour chaque dossier, ils s'entourent de conseillers juridiques et financiers de haut vol... et de banquiers. Ces derniers restent le sésame pour accéder aux contrats de partenariat. Les industriels l'ont bien compris et cherchent à constituer des alliances.
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Se structurer en groupement

Bouygues s'est associé avec la banque allemande Depfa Bank. « Nous avons monté une structure financière intégrée qui nous permet d'être plus réactif dans les projets inférieurs à 15 millions d'euros », précise Philippe Bonnave chez Bouygues. L'argent n'est pas le plus difficile à trouver car les marchés financiers regorgent de liquidités et l'ingénierie financière, bien que complexe, reste standard.

« Il n'y a pas de problème de financement mais des risques à prendre en compte sur la performance technique de l'exploitation, voire la pérennité de l'exploitant sur une durée particulièrement longue », affirme Alain Grandel, le responsable mondial des projets d'infrastructures chez BNP Paribas. Si l'exploitation ne se passe pas comme prévu, l'industriel pourra-t-il absorber les pénalités infligées par le donneur d'ordres public ? Peu contraignants pour les grands groupes, ces critères sont fortement discriminants pour les PME.

« Aucune banque n'accepte de prêter de l'argent à une PME tant que le donneur d'ordres public n'a pas réceptionné le chantier », témoigne Isaac Brakha, le directeur général d'El-Ale. Cette société de 130 salariés, spécialisée dans les systèmes de télésurveillance, a signé le premier contrat de partenariat en France pour l'éclairage public d'Auvers-sur-Oise (Val-d'Oise). Rompue aux dossiers d'appels d'offres, elle défend la capacité des petites entreprises à capter ces marchés. A condition de bien connaître les rouages des marchés publics et de disposer d'une solide santé financière.

« Les PME doivent se structurer en groupement si elles veulent remporter des contrats de partenariat », conseille François Bergère, le secrétaire général de la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, rattachée au ministère de l'Economie. Elles doivent aussi dépasser leur appréhension face à des contrats qui se chiffrent en millions d'euros.
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Encore peu de contrats pour les PME

Pour l'instant, leur part dans les PPP est très faible. Seuls quelques chantiers dans l'éclairage public, le câblage de fibre optique ou le bâtiment ont été attribués à de petites entreprises. « D'une façon où d'une autre, ces contrats leur profitent, affirme Dominique Pin, le directeur général délégué de Suez Environnement. Lorsque nous construisons un incinérateur, nous travaillons essentiellement avec des PME. » En Grande-Bretagne, les contrats de partenariat jouent un rôle moteur dans la croissance. En France, certains espèrent demain le même effet de levier...
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Catherine Mairet avec Jean-Charles Guezel et Pierre-Olivier Rouaud



La Grande-Bretagne pionnière
Le métro de Londres n'aurait jamais été rénové sans PFI (Private Finance Initiative). Cette version britannique du contrat de partenariat public-privé représente chaque année environ 15 % de l'investissement public du pays. Lancé en 1992, le dispositif a donné lieu à 700 contrats dans tous les secteurs et redynamisé l'activité économique, notamment dans le bâtiment sinistré à la fin des années 80. Même si la qualité de l'exploitation ne semble pas toujours au rendez-vous... « Les Anglais utilisent les PPP pour des projets beaucoup plus simples qu'en France

L'Etat lance tous les six mois une vague d'appels à candidatures », indique Jean-Michel Guery, le directeur général d'ETDE. La filiale d'électricité et de maintenance de Bouygues Construction gère 160 000 points d'éclairage en contrats PFI dans cinq villes de la banlieue de Londres, contre seulement 1 500 en France. La plupart des grands groupes français ont décroché outre-manche d'importants contrats. Suez Environnement a déjà remporté sept PFI alors qu'elle n'a toujours pas signé un seul contrat de partenariat en France...

Source : usinenouvelle.com

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