08 mars 2007

Le plan de rénovation de l'Insep crée des remous au sein du "fleuron" du sport français

Le plan de rénovation de l'Insep crée des remous au sein du "fleuron" du sport français

LE MONDE | 06.03.07

e contrat de partenariat public privé (PPP) passé par le ministère des sports avec un consortium mené par le groupe Vinci pour la rénovation et la gestion d'une partie de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep) a fait une première victime : son directeur. En poste depuis juillet 2005, Hubert Comis a dû quitter ses fonctions mardi 6 mars. Pour le ministère des sports, M. Comis ne possède pas "l'expérience professionnelle d'administration centrale" pour mener à bien le PPP. Il est remplacé par Thierry Maudet, qui était adjoint à la directrice des sports, Dominique Laurent. M. Maudet est le cinquième directeur de l'Insep en cinq ans.

Signé le 22 décembre 2006, le PPP confie la rénovation de la partie nord de l'Insep (34 000 m² de bâtiments et 10 hectares de terrains), et la gestion des services associés pour l'hôtellerie, la restauration, la maintenance et la sécurité, pour les trente prochaines années, aux groupes GTM Construction (filiale du groupe Vinci) Accor et Casino. Le montant global du contrat est de 250 millions d'euros "auxquels viendront s'ajouter des recettes annexes liées à l'ouverture du site sur l'extérieur", précisait le groupe Vinci dans un communiqué le jour de sa signature. Ainsi du futur centre de congrès qui, selon les organisations syndicales, devrait être mis à disposition des concessionnaires 245 jours par an.

Les 250 millions d'euros comprennent le coût des travaux (63 millions d'euros), qui doivent être réalisés dans un délai de trois ans, et les loyers (9,75 millions d'euros par an) dont devra s'acquitter le ministère pour disposer des installations durant trente ans. "La rénovation des équipements sportifs, qui a débuté en 2004, et qui concerne la partie sud de l'Insep, reste sous maîtrise d'ouvrage public", précise le ministère.

SUPPRESSIONS DE POSTES

L'externalisation des services associés à la partie nord inquiète les personnels de l'Insep. Les organisations syndicales craignent pour l'avenir de la centaine de personnels ATOS (administratif, technique, ouvrier et de service). L'Association des personnels enseignants dénonce une "vague de suppressions de postes". Au ministère des sports, on se veut rassurant : "Quinze agents TOS resteront à l'Insep, les sociétés de services ont proposé une soixantaine de postes, et des mutations dans la fonction publique ou territoriale sont aussi possibles."

L'UNSA Education, majoritaire au ministère des sports, est décidée à saisir le Conseil d'Etat pour faire annuler le PPP. Le syndicat a déjà déposé deux recours - sur la forme et sur le fond - devant le tribunal administratif de Paris. Sur la forme, les partenaires sociaux reprochent au ministère de ne pas avoir soumis le PPP, ni pour avis ni pour information, devant les instances représentatives - le comité technique paritaire ministériel (CPTM) et son équivalent à l'Insep - avant la signature du contrat. De source ministérielle, on explique que la "confidentialité" empêchait de dévoiler le contenu du contrat avant sa signature. Un point d'information sur le PPP est à l'ordre du jour du CPTM le 9 mars, mais les syndicats envisagent de le boycotter. Sur le fond, comme l'explique Samy Driss, secrétaire nationale d'UNSA Education en charge de la jeunesse et des sports, ils dénoncent dans le PPP une "privatisation à marche forcée du fleuron du sport français".

Au ministère, on explique que l'Insep doit se recentrer sur son coeur de métier : l'entraînement des athlètes de haut niveau, la formation et la recherche. "L'Insep ne peut plus être géré comme il y a vingt ans, et un repli de l'établissement sur lui-même serait une attitude suicidaire, explique-t-on dans l'entourage de Jean-François Lamour. Le PPP est le seul moyen de financer un plan de rénovation ambitieux qui soit supportable pour les pouvoirs publics et de permettre une préparation optimale des athlètes pour les JO de 2012."

Certains présidents de fédérations ne cachent pourtant pas leur inquiétude. "Nous n'avons reçu aucune information concernant ce contrat de partenariat public privé et surtout aucune garantie quant à la politique tarifaire qu'appliqueront les sociétés privées qui géreront les prestations d'hébergement ou de restauration", déclare Jean-Luc Rougé, le président de la fédération française de judo, qui compte environ 80 pensionnaires à l'Insep. Un sportif en pension complète coûte aujourd'hui 700 euros, financés par des conventions d'objectif entre les fédérations et l'Etat. Au ministère, on assure que si le PPP à des incidences financières inflationnistes, c'est l'Etat qui les supportera.

"Si les coûts augmentent et que l'on ne peut plus payer, soit l'Etat devra compenser, soit on ira voir ailleurs", prévient Jean-Luc Rougé dont certains athlètes font déjà des infidélités à l'Insep pour l'Institut national du judo. A l'instar de Guy Ontanon, l'ex-coach du sprinter Ronald Pognon ou de Christian Miller, ancien responsable du laboratoire biomécanique et physiologie de l'Insep, des entraîneurs ou chercheurs ont déjà quitté l'établissement, pour rejoindre le groupe d'entraînement privé du Team Lagardère.

Stéphane Mandard
Le préfet de région contre le plan local d'urbanisme

Outre le recours des organisations syndicales devant le tribunal administratif, une autre procédure pourrait bloquer l'application du contrat de partenariat public privé pour la rénovation de l'Insep. Le préfet de la région Ile-de-France, Bertrand Landrieu, a en effet déposé un recours devant la même juridiction, le 22 janvier, pour faire annuler le plan local d'urbanisme (PLU), voté en juin 2006 par le conseil de Paris. Selon l'arrêt du préfet, plusieurs dispositions du PLU seraient approximatives, notamment celles relatives aux règles d'occupation de zones naturelles. Au ministère, on se dit persuadé que le conseil de Paris révisera sa copie pour se mettre en conformité avec les exigences du préfet.


CHIFFRES

CRÉÉ EN 1937, l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep) s'étend sur 30 hectares au coeur du Bois de Vincennes, dans l'Est parisien.

850 SPORTIFS DE HAUT NIVEAU en préparation olympique, regroupés au sein de 27 "pôles France" et issus de 24 fédérations, s'entraînent et se forment dans cet établissement public placé sous la tutelle du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

1 350 PERSONNES, au total, vivent ou s'entraînent à l'Insep de façon permanente. La discipline la plus représentée est l'athlétisme, avec 100 sportifs.

22 DES 33 MÉDAILLES FRANÇAISES gagnées lors des Jeux olympiques d'Athènes, en 2004, ont été décrochées par des sportifs s'entraînant à l'Insep.

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