22 mars 2007

L’évaluation, outil transversal au cœur de la réussite

L’évaluation, outil transversal au cœur de la réussite

Les principales formes de partenariat public-privé re-posent sur des outils (BEH, BEA, contrat de partenariat, etc.) spécifiques et souvent innovants pour la personne publique. La réussite de ces projets passe nécessairement par la bonne compréhension, et surtout, la bonne évaluation des enjeux qui y sont liés : évaluation préalable, transfert de risque, mécanismes de pénalité, autant de facteurs clés de réussite, que la personne publique doit maîtriser afin de mener à bien ses projets en PPP. En effet, l’effectivité des avantages liés aux PPP (lissage de la dépense, meilleure économie des projets, critères de performance respectés) demandent une attention particulière à tous les stades de la vie du contrat, de l’évaluation préalable à l’application concrète d’un système de pénalité efficace, en passant par une répartition des risques optimisée.
. L’« évaluation préalable » permet d’effectuer un choix éclairé sur le mode de passation à retenir et d’établir les structures du projet. Imposée par l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004 qui exige la réalisation d’une évaluation préalable avant le lancement de la procédure de passation de tout contrat de partenariat, elle ne doit pas être vécue comme une contrainte réglementaire supplémentaire limitant le recours à ce type de montage. Mais plutôt, à l’instar de la présentation des rapports sur le choix des modes de gestion préalablement à la procédure dite « loi Sapin », comme un outil de réflexion préparatoire à la prise de décision publique concourant à développer la culture de l’évaluation chez les gestionnaires publics dans la mise en œuvre des politiques publiques. Pour chaque projet, cette évaluation est donc une opportunité qui recouvre un double objectif :
- Eclairer la personne publique sur l’intérêt ou pas de recourir au montage juridique que représente le contrat de partenariat
- Servir d’axe de référence au cours de la procédure de passation du contrat de partenariat (notamment dans la phase de dialogue compétitif en fixant des repères pour les futures négociations auprès des différents candidats). Pratiquement, une fois la complexité ou l’urgence démontrée, il s’agit de comparer objectivement le contrat de partenariat avec un autre montage juridique possible pour le projet considéré (marché public et exploitation en régie, DSP, BEA…).
Cette analyse comparative porte principalement sur le coût global, la performance et le partage des risques associés aux deux montages juridiques faisant l’objet de la comparaison. Pour réaliser ces évaluations, à l’appui de l’estimation de l’ensemble des coûts prévisionnels globaux du projet (construction, financement, exploitation, directs ou indirects) en fonction du périmètre des prestations à inclure dans le contrat de partenariat, deux méthodes permettent essentiellement la comparaison :
- Les outils statistiques et probabilistes pour quantifier et valoriser les risques (surcoûts ou gains potentiels)
- L’actualisation financière (VAN1) pour comparer financièrement les deux montages juridiques.
Une fois cette première étape d’évaluation effectuée, la phase de contractualisation nécessite une attention particulière dans la mesure où elle détermine la réussite du projet tout au long de la vie du contrat (de 20 à 35 ans, généralement). Or, afin d’obtenir un contrat stable et équilibré, il est indispensable d’établir clairement les responsabilités de chaque partie.
. La cohérence d’un PPP repose avant tout sur une répartition optimisée des risques.
S’il est vrai que le contrat de partenariat a pour objet de transférer un certain nombre de risques sur le partenaire privé, il ne faudrait pas en conclure que ces risques pèseraient uniquement sur le secteur public dans le cas d’un marché public. En marché public, en effet, l’entrepreneur accepte de prendre un certain nombre de risques. C’est ainsi que les marchés de louage d’ouvrage sont en général conclus à prix fixes, c’est-à-dire fermes et non révisables. Ils sont, d’autre part, assortis d’une condition de délai, dont le respect est assuré par des pénalités.
A l’inverse, dans le contrat de partenariat (CP), il ne suffit pas que le partenaire privé prenne un risque pour que la personne publique en soit exonérée. Ainsi, s’il est vrai que le partenaire privé supporte le risque de retard dans la construction, l’administration ou la collectivité le supportera aussi dans une certaine mesure, puisque le service public pourrait être interrompu en cas de retard dans la livraison des installations.
A l’inverse, l’expérience a souvent démontré que le contrat de louage d’ouvrage n’a jamais prémuni un maître d’ouvrage des risques de retard. Dans un contrat de partenariat, la redevance n’est versée qu’à la mise en service des ouvrages. Comme la durée du contrat est fixe, il en résulte que tout retard se traduit par un raccourcissement de la période de perception de la redevance, et donc par une diminution de celle-ci : cela est tellement dissuasif que, souvent, il n’est même pas prévu de pénalités de retard, car le report de la livraison des installations mettrait rapidement en danger la société projet. C’est d’ailleurs pourquoi il est généralement reconnu au PPP, notamment sur la base de l’expérience britannique des PFI, la grande vertu de réduire au maximum les retards de livraison. Il est au contraire un certain nombre de risques que le mécanisme même du CP permet de transférer entièrement au partenaire privé. Il en va ainsi :
- Des risques d’interface, en contrat de partenariat, d’une part le risque devrait être réduit au minimum du fait de l’unité de vue « conception-construction-maintenance » ; d’autre part, c’est le partenaire privé qui fera son affaire de la survenance du risque ;
- Des risques de défaillance des constructeurs, des mainteneurs ou des fournisseurs, dont le partenaire privé ne peut s’exonérer vis-à-vis de la personne publique.
- Des risques de disponibilité des ouvrages et installations, sauf cas de force majeure.
Par ailleurs, la bonne répartition des risques et des responsabilités ne peut être effective, tant en phase de construction que d’exploitation, que par un strict respect des critères de performance.
Or, cette condition ne peut être satisfaite qu’à l’aune d’un système de pénalités adéquat et efficace.
. Le mécanisme de pénalités permet d’assurer la bonne exécution et le respect des conditions de performance tout au long de la vie du contrat.
Les pénalités constituent un aspect essentiel des contrats de partenariat public-privé. Elles représentent le pendant naturel et indispensable du respect des critères de performances. La logique même de ces contrats demande donc un subtil équilibre entre motivation du cocontractant et respect des engagements. Dans le cadre d’un BEH par exemple, elles constituent l’étalon clé d’une évaluation ex-post : sans schéma pérenne, la qualité et l’effectivité du service public hospitalier peut être mis en danger. Les pénalités dans les PPP peuvent être différenciées selon deux phases : phase de construction et phase d’exploitation.
En phase de construction, les différents types de pénalités prévues sont les suivantes :
- Les pénalités de retard ; celles-ci s’appliquent en cas de non-livraison de l’ensemble de l’ouvrage à la date contractuelle de mise à disposition et ce du fait de la Société. La pénalité sera calculée sur une base journalière au regard de la durée d’indisponibilité.
- Les pénalités de levée des réserves s’appliquent à la société co-contractante lorsqu’elle ne respecte pas le délai contractuel de lever les réserves. Au-delà de ce délai, elle est pénalisée d’un montant par réserve et par jour de retard.
Les pénalités ainsi calculées impactent une partie du loyer soumis à pénalité pour rémunérer les dépenses d’investissement. Par ailleurs, il est possible de prévoir une perte de loyer, cumulative aux pénalités sus-visées, en cas de non-livraison de l’ouvrage.
Lors de la phase d’exploitation, deux types de pénalités co-existent en fonction de la mesure de la performance :
- Pénalité d’exploitation
En cas de non-respect du planning d’exploitation, la Société sera pénalisée en fonction de la période de contrôle (nombre de jours de contrôle), et de l’importance du défaut. A titre d’exemple, en cas d’indisponibilité d’une partie ou de tout le service de chirurgie//MPR pendant 10 jours, le cocontractant subira une pénalité d’exploitation calculée de la manière suivante :
P = L * Ji * ß Où : P représente le montant de la pénalité journalière.
L représente la part de loyer du service concerné.
Ji représente le nombre de jour d’indisponibilité.
Et ß représente le coefficient variant selon la gravité de l’indisponibilité du local.
- Pénalité de maintenance/renouvellement. Au titre de la maintenance, la Société fait son affaire de toute usure normale ou anormale de l’ouvrage et de ses équipements, et à ce titre réalise les travaux nécessaires au maintien de l’ouvrage en bon état de fonctionnement ainsi que les réparations de tous les dommages éventuels.
Ces pénalités viendront en déduction des loyers qui rémunèrent les prestations d’exploitation et de maintenance curative, ce qui permet de donner un caractère incitatif au respect des obligations de performance.
Ainsi, l’évaluation d’un PPP repose sur des critères spécifiques à chaque « étape » du projet : lors du choix du mode de passation, l’évaluation préalable est un outil fondamental ; en phase de contractualisation, le schéma de répartition des risques structure l’ensemble des obligations au titre du contrat ; enfin, en période d’exécution du contrat, le mécanisme des pénalités doit inciter les parties à la poursuite du partenariat jusqu’au terme normal du contrat.
Un PPP « réussi » doit donc permettre de retrouver les éléments prospectifs de l’analyse ex-ante (l’évaluation préalable) dans l’évaluation ex-post des réalisations concrètes du contrat (respect des critères de performance et fonctionnement du mécanisme des pénalités).

Laurent CRÉMOUX
Manager PriceWaterhouseCoopers
Source : Les Echos judiciaires Girondins (www.echos-judiciaires.com)

1 - Il s’agit de la Valeur Actuelle Nette (VAN) qui correspond à la valeur actuelle des coûts futurs en ce compris l’investissement initial.

Aucun commentaire: