27 avril 2007

L'hôpital du Sud francilien : le plus gros des PPP

Le contrat de construction et d'exploitation du futur centre hospitalier sud francilien, dans l'Essonne, est le plus important partenariat public-privé signé en France. Un chantier à 340 millions d'euros décroché par le groupe Eiffage.

Un projet gigantesque
> Le centre hospitalier couvrira une surface de 110 000 m, soit 15 terrains de football.
> Il abritera quatre centres d'hébergement, trois centres d'imagerie et un plateau de recherche hospitalière de 3 000 m².
> Sa maternité pourra assurer 4 000 accouchements par an.

Hors normes ! Avec ses 110 000 mètres carrés de bâtiments, 1 017 lits et un effectif prévu de 3 500 agents, le futur centre hospitalier sud francilien (CHSF), construit à cheval sur deux communes de l'Essonne (Corbeil-Essonnes et Evry), est le plus important projet français dans le domaine hospitalier pour les cinq années à venir.

Et pour cause : d'ici à fin 2010, il réunira, en un lieu unique, les activités hospitalières aujourd'hui disséminées sur 27 sites du département. Comme la plupart des chantiers hospitaliers, le CHSF est financé par le biais d'un bail emphytéotique hospitalier (BEH), une forme juridique de PPP spécifique au secteur de la santé. Assimilable au contrat de partenariat, le BEH a été instauré dès 2003 dans le cadre du plan Hôpital 2007.

Il permet de confier la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance de l'établissement à un groupement d'entreprises privées et de le lui louer pour une période déterminée. 35 contrats de ce type ont déjà été signés, dont le plus gros est celui du CHSF. « Le montant total s'élève à 340 millions d'euros », annonce Jérôme Fleury, le directeur adjoint d'Eiffage Concessions, en charge des PPP au sein du groupe, qui a décroché ce juteux contrat en 2006. Pour le gérer, l'entreprise a créé une filiale à 100 %, Héveil, qui regroupe 40 personnes. Elle percevra un loyer de près de 30 millions d'euros hors taxes par an pendant trente ans.

Chaque entreprise a été reçue huit fois !

Les avantages du BEH sont nombreux. « Nous avons la garantie contractuelle de disposer d'un bâtiment en parfait état de marche en permanence », explique Alain Arnaud, le chargé de mission qui suit le projet au centre hospitalier, à Corbeil. Un énorme changement dans un milieu où les travaux de maintenance ou de peinture, par exemple, sont régulièrement reportés lorsque les budgets sont trop courts...
Autre atout, la procédure est moins rigide qu'un contrat en loi de maîtrise d'ouvrage public. « Au fil du dialogue compétitif avec les candidats [Bouygues, Eiffage et Vinci, ndlr], nous avons précisé certains aspects de notre demande », se rappelle Alain Arnaud.

Les responsables du centre hospitalier ont rencontré chaque entreprise pas moins de huit fois ! Pendant les vingt-et-un mois de cette phase, le cahier des charges a connu de nombreuses évolutions, dont l'intégration d'équipements supplémentaires sur le plateau logistique du site. Enfin, dans le cadre d'un BEH, le choix des équipements est très souple. « Nous raisonnons en coût global. Nous pouvons opter pour des appareils plus chers à l'achat, mais dont la maintenance est moins onéreuse », commente Jérôme Fleury.

Pas de partenaire technique ou financier, c'est la politique de la maison. « Le groupe veut être présent sur toutes les composantes des contrats de PPP, depuis le financement jusqu'à l'exploitation », poursuit Jérôme Fleury. C'est par le biais de contrats de sous-traitance que le constructeur fait intervenir d'autres industriels. Héveil a cependant fait appel à des compétences externes : un cabinet d'architecte, un expert hospitalier et des conseils financiers et juridiques qui avaient fait leurs armes sur d'autres PPP en Grande-Bretagne.

Le centre hospitalier était, lui, beaucoup moins bien préparé. « Nous avons essuyé les plâtres », reconnaît Alain Arnaud. Face à la nouveauté, la petite équipe a dû se faire assister par des bureaux d'études techniques et, surtout, par des conseils financiers et juridiques. Un soutien d'autant plus nécessaire que certains points très pointus, comme la gestion du partage des risques entre l'emphytéote et l'utilisateur, faisaient partie des critères de choix du constructeur-exploitant (lire ci-dessus).

Plus inattendu, le type de contrat choisi entraîne des difficultés qui n'avaient pas été anticipées. « Le fait que le projet soit porté par une personne privée le soumet à certains impôts, comme la taxe locale sur l'équipement à laquelle échappe un projet classique », explique Alain Arnaud. Une surprise de dernière minute à plusieurs millions d'euros...

Une fois la construction terminée, les structures subiront des changements d'organisation. Héveil se focalisera alors sur l'exploitation. Mais pour l'heure, tous se concentrent sur la conception de l'ouvrage. Avec assiduité. « Nous avons des réunions tous les jours sur ce projet », témoigne Jérôme Fleury.

Calendrier
> 2002 Lancement du projet
> Fin 2003 Le ministère de la Santé opte pour un bail emphytéotique hospitalier, un contrat de PPP spécifique au secteur de la santé.
> Juillet 2004 Trois entreprises participent au premier appel à candidatures.
> Avril 2006 Le groupe Eiffage est retenu, le bail sera signé en juillet.
> Fin 2010 Livraison du centre hospitalier. Eiffage a travaillé seul sur le projet.

Jean-Sébastien Scandella
Source : Usinenouvelle.com, Dossier PPP



"Attention aux dérapages" "
Philippe Schwartz
Président de l'Observatoire des PPP de Syntec Ingénierie
« Conçus sur une logique financière, les contrats de partenariat public-privé dans le domaine de la santé peuvent comporter deux types de dérives qu'il faut prendre en compte dès le départ. La première relève de la qualité, un point particulièrement sensible dans le domaine hospitalier. Tout projet peut être modifié après la signature du contrat en fonction des besoins des utilisateurs. Une contrainte d'autant plus difficile à intégrer que le budget est déjà arrêté.

Certains contrats en Grande-Bretagne ont montré leurs limites : des opérateurs incompétents ou à la recherche de gains sur les matériaux ont mis en place des infrastructures aujourd'hui dans un état lamentable. La deuxième dérive possible est financière. Le risque pris par l'entreprise titulaire du contrat de partenariat est généralement très cher à couvrir. Toute la question est de savoir si l'approche intégrée du projet est de nature à compenser ce surcoût. Seul le recul sur les projets en cours nous le dira. »

Propos recueillis par Catherine Mairet pour L'Usine Nouvelle

Aucun commentaire: