14 avril 2017

Partenariats public-privé : un dispositif de plus en plus décrié

Les critiques pleuvent sur les coûts du « Pentagone français » construit par le privé. Ces partenariats, qui permettent à l’Etat et aux collectivités de s’équiper sans s’endetter, sont de plus en plus décriés.

A 13 613 euros le scanner et l’imprimante, plus de 5 000 euros pour ajouter un œilleton à la porte… les militaires de l’Hexagone Balard — le « Pentagone à la française »,construit par l’intermédiaire d’un partenariat public-privé (dit aussi « PPP ») et inauguré jeudi 5 novembre —, vont de surprise en surprise.

Ce bâtiment, qui abrite le ministère de la défense mais aussi les états-majors de l’armée, a été construit par un consortium d’entreprises, et ce sont ces entreprises qui le gèrent désormais, le ministère n’est qu’un client dans ses propres murs. Ce qu’on appelle un « partenariat public-privé ». Une forme de contrat entre Etat et secteur marchand, qui a connu un grand succès durant la décennie 2000, mais devient de plus en plus décrié.

Partenariats public-privé : un dispositif de plus en plus décrié

Les critiques pleuvent sur les coûts du « Pentagone français » construit par le privé. Ces partenariats, qui permettent à l’Etat et aux collectivités de s’équiper sans s’endetter, sont de plus en plus décriés.

L'Hexagone Balard, qui abrite le ministère de la défense, a été construit sous contrat PPP et est géré par un consortium d'entreprises. JOEL SAGET/AFP

A 13 613 euros le scanner et l’imprimante, plus de 5 000 euros pour ajouter un œilleton à la porte… les militaires de l’Hexagone Balard — le « Pentagone à la française »,construit par l’intermédiaire d’un partenariat public-privé (dit aussi « PPP ») et inauguré jeudi 5 novembre —, vont de surprise en surprise.

Ce bâtiment, qui abrite le ministère de la défense mais aussi les états-majors de l’armée, a été construit par un consortium d’entreprises, et ce sont ces entreprises qui le gèrent désormais, le ministère n’est qu’un client dans ses propres murs. Ce qu’on appelle un « partenariat public-privé ». Une forme de contrat entre Etat et secteur marchand, qui a connu un grand succès durant la décennie 2000, mais devient de plus en plus décrié.

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1. Qu’est-ce qu’un PPP ?

C’est un mode de financement dans lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement qui assure un service public ; une « mission globale », et donc négociée comme un tout. Apparu au Royaume-Uni en 1992, le modèle a été importé en France en 2004 sous le nom de « contrat de partenariat (CDP) de l’Etat et de ses établissements publics ».

Il a connu un fort succès durant les années 2000, car il permet à des collectivités locales et un Etat toujours plus endettés de continuer à assumer des investissements et de nouvelles compétences, en les déléguant en pratique au privé.

En effet, dans plusieurs types de montage, l’Etat ou la collectivité transfère les gros investissements nécessaires à la construction d’un ouvrage public au secteur privé, sans les porter sur sa dette. Pour une collectivité déjà lourdement endettée, le PPP est donc un moyen de continuer à agir et à afficher des réalisations.

Mais il s’agit là souvent d’un choix de court terme : l’Etat ou la collectivité, en faisant ce transfert, se condamne à régler, durant des années un loyer ou des frais à son partenaire marchand, selon des contrats aux clauses multiples et souvent peu à l’avantage des collectivités ou de l’Etat.

2. Qui peut faire appel à un PPP ?

Toute autorité publique peut recourir à ce type de contrat : une collectivité territoriale (région, département, commune), l’Etat ou tout établissement public (SNCF, Pôle Emploi...).

En revanche, tout le monde ne peut pas y répondre. L’ordonnance qui a créé les contrats de partenariat a prévu toute une série de personnes exclues de ces contrats, dont les individus condamnés dans des affaires de stupéfiants, de terrorisme ou plus simplement de fraude au Trésor public, trafic d’influence ou malversations.

3. Quels types de PPP existent ?

Le terme de « PPP » désigne l’ensemble des partenariats, mais il en existe de nombreuses formes  :

Les plus nombreux sont :

  • les délégations de service public (DSP) : il s’agit non d’un bien ou d’un terrain, mais d’un service public, dont la gestion est confiée au privé. A la différence d’un marché public, dans le cas d’une DSP, le partenaire privé se rémunère à partir de l’exploitation du service. Les cas classiques de DSP sont la gestion d’un théâtre ou d’un cinéma appartenant à la ville, ou le fait de confier

La forme la plus critiquée est :

  • les contrats de partenariat (CDP).Introduite en 2004, cette forme juridique permet à l’Etat ou à une collectivité locale de déléguer tout ou partie d’une série d’actions : financement, entretien, rénovation, exploitation, maintenance et gestion d’ouvrages ou équipements nécessaires à un service public. Ces contrats, les plus souvent décriés, sont en cours de réforme  ;

Les autres cas :

  • les baux emphytéotiques administratifs (BEA) : ce type de contrat permet à une collectivité (il n’est pas autorisé pour l’Etat) de louer un terrain à un acteur privé, qui construira un ouvrage immobilier sur ce terrain, ouvrage qu’il pourra ensuite exploiter, la collectivité conservant la propriété du terrain, et récupérant l’ouvrage construit dessus à l’issue du bail (qui peut durer de 18 à 99 ans) ;
  • les baux emphytéotiques hospitaliers (BEH), selon le même principe que les précédents, mais pour les hôpitaux. Ces derniers peuvent céder une partie de leurs terrains dans à peu près les mêmes conditions que les collectivités ;
  • les autorisations d’occupation temporaire-location avec option d’achat (AOT-LOA) : proches de baux emphytéotiques, ces dispositifs permettent là encore à une collectivité ou à l’Etat de céder temporairement une propriété à un tiers privé pour qu’il y réalise un ouvrage. La différence étant dans le fait que l’Etat ou la collectivité peuvent ensuite racheter l’ouvrage avant la fin du bail.

4. Combien de partenariats sont en cours en France ?

On l’a vu, ce sont avant tout les contrats de partenariat (CP) qui concentrent les critiques. Au mois d’août 2014, la mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP), un organisme public chargé de faciliter ces partenariats – et dont l’impartialité est parfois critiquée – comptabilisait ainsi 149 contrats de partenariat (hors délégations de service public, qu’elle ne compte pas) signés par des collectivités locales, pour un montant d’investissement de 4,07 milliards d’euros, à comparer aux 10,7 milliards d’euros de contrats de partenariat signés dans le même temps par l’Etat.

Plus de 540 projets de contrats de partenariat ont été identifiés par la MAPPP depuis la publication de l’ordonnance de 2004. Sur 149 contrats passés par des collectivités recensés en 2014, pour un total de plus de 4 milliards d’euros, 41 % concernaient des équipements urbains, 22 % des bâtiments, 14 % des équipements sportifs et culturels.

Nombre de partenariats public-privé depuis 2011
0 10 20 30 40 50 60 70 Partenariats lancésPartenariats attribués201120122013
Source : CEFOPP

Parmi les collectivités locales, ce sont les communes qui sont de loin les plus grosses consommatrices de ces contrats : plus des deux tiers à elles seules.

Le communes sont les collectivités qui ont le plus souvent recours aux PPP
7 %15 %9 %5 %64 %RégionsDépartementsCommunautés dagglomérationSyndicats municipauxCommunes
Départements
 Part dans les PPP: 15 %
Source : MAPPP

5. Quels sont les avantages et les inconvénients des partenariats?

Le principal intérêt de ces partenariats est de ne pas avoir à s’endetter au moment du financement d’un stade ou de la construction d’un hôpital, puisque la construction est à la charge du partenaire privé. Pour l’autorité publique, ce type de contrat offre une solution séduisante car elle n’a qu’un seul interlocuteur.

En 2014, la commission des lois du Sénat a publié un rapport qui dénonce la formule du PPP en les qualifiant de « bombes à retardement ». La Haute Assemblée évoque des « effets néfastes notamment pour les générations futures » en particulier en raison des « loyers » dont doit s’acquitter l’autorité publique, parfois pour de très longues durées. Les sénateurs pointent également l’« effet d’éviction des petites et moyennes entreprises » dont la capacité d’investissement est limitée. ESelon les parlementaires, la plupart de ces contrats sont raflés par les grands groupes de BTP comme Bouygues, Eiffage ou Vinci.

Même avis pour la Cour des comptes, dans un rapport de février 2015 centré sur les PPP des collectivités territoriales : les sages dénoncent des partenariats utilisés avant tout comme « un moyen de s’affranchir des contraintes budgétaires qui pèsent sur la collectivité », tout en prenant des risques. Selon eux, les contrats sont souvent signés dans des conditions encore trop floues, qui ne protègent pas assez les collectivités locales. Conséquence, selon la Cour : « Le contrat de partenariat ne s’avère pas pleinement efficient et peut même avoir un impact important à long terme sur leurs budgets. »

Communes et « petites » structures publiques qui ont recours à ces contrats sont souvent mal armées juridiquement pour évaluer les risques et les conséquences de la signature du partenariat. Il arrive également qu’elles souhaitent à tout prix, pour des raisons d’affichage politique, le mettre en oeuvre, quitte à « enjoliver » le dossier. Une réflexion est en cours sur la réforme de ces partenariats pour les rendre moins dagereux

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