14 février 2006

Les PPP : caractéristiques et modalités d'utilisation

L’ordonnance du 17 juin 2004 a créé une petite révolution dans le monde des contrats publics en instituant, en France, des « contrats de partenariat », souvent appelés PPP (partenariat public privé). Faut-il pour autant considérer que ces contrats sont venus palier un vide juridique ? Comment s’opéraient les grandes opérations avant la venue de ces nouveaux contrats ? Sont-ils utiles en pratique ?

Autant de questions auxquelles Maître Jean-Marc PEYRICAL, Avocat au Barreau de Paris, Maître de Conférence des Universités et Président de l’APASP (Association Pour l’Achat dans les Services Publics), se propose de répondre.

Entreprise-et-droit : Pouvez-vous nous indiquer en quelques mots ce que sont les PPP ?

Maître Jean-Marc PEYRICAL : Les PPP constituent avant tout un ensemble de contrats administratifs complexes globaux - mêlant des prestations de conception, financement, réalisation et maintenance - souscrits entre une personne publique et une personne privée ayant pour objet la réalisation d’une opération complexe relevant de la compétence de la personne publique. Parmi les PPP, le plus célèbre d’entre eux est désormais, sans hésiter, le contrat de partenariat instauré par l’ordonnance du 17 juin 2004. Cependant, ont peut également citer le bail emphytéotique administratif ou hospitalier ou encore certaines délégations de service public.

J’ajoute que le PPP sous-entend la complexité d’une opération de construction d’un équipement à destination publique. Cette complexité peut s’entendre en termes techniques, financiers ou juridiques.

E-et-D : Quelles sont les particularités du contrat de partenariat ?

Me J.-M. PEYRICAL : Le contrat de partenariat s’inspire des PFI anglo-saxons, mais également des anciens METP français (qui eux-mêmes ont inspiré les PFI)1.

Sa particularité première est de permettre de confier à un seul et même titulaire (qu’il s’agisse d’un groupement d’entreprises ou d’une entreprise seule) la réalisation d’une opération immobilière de A à Z : conception, construction, financement, maintenance. Le bien immobilier doit bien entendu relever d’une mission de service public ou de l’intérêt général, et donc être destiné à être essentiellement affecté aux besoins d’une collectivité publique.

Par ailleurs, et du fait de la globalité de l’opération confiée dans le cadre d’un contrat de partenariat, le Conseil constitutionnel a souhaité que soient limités les cas de recours à ce type de contrat, et ce, afin de permettre un plus grand accès des entreprises - et notamment les PME - à la commande publique.

C’est pourquoi, l’ordonnance du 17 juin 2004 limite le recours au contrat de partenariat aux cas d’urgence ou de complexité du contrat (voir article 2) justifiée par une évaluation préalable.

E-et-D : Pour quelles raisons le contrat de partenariat a-t-il été si contesté lors de son introduction en droit français ?

Me J.-M. PEYRICAL : Le contrat de partenariat permettant à une seule entreprise - ou à un groupement d’entreprises - d’en être le titulaire, il est certain que, en pratique, il s’adresse davantage aux grandes entreprises celles-ci ayant seule la capacité de prendre du temps à répondre à un appel d’offres contrat de partenariat, et surtout sont les seules à disposer de l’ensemble des compétences nécessaires pour la réalisation de telles prestations. Dans ce cadre, les PME, et surtout les architectes se sont plaints : ils ont vu dans l’instauration du contrat de partenariat une rupture de l’égalité d’accès à la commande publique.

C’est pourquoi, les textes prévoient que tout contrat de partenariat doit expressément spécifier quelle est la partie du contrat réservée au PME.

E-et-D : Comment faisait-on avant le contrat de partenariat ?

Me J.-M. PEYRICAL : Avant le contrat de partenariat, les collectivités locales disposaient de la possibilité de passer des baux emphytéotiques administratifs, lesquels permettent de réaliser des opérations de manière globale. Cependant, ils étaient réservés aux collectivités locales, ce n’est que depuis 2002 - 2003 que l’Etat ou les établissements publics de santé ont véritablement accès à des mécanismes équivalents au bail emphytéotique administratif, même si une loi de 1994 leur a instauré la possibilité d’utiliser le procédé de l’autorisation d’occupation domaniale avec droits réels.

E-et-D : Quel est l’intérêt de la globalisation de la réalisation d’une opération immobilière initiée par une personne publique ? En d’autres termes, quels sont les enjeux des PPP ?

Me J.-M. PEYRICAL : La globalisation des opérations de constructions d’ensembles immobiliers présente de nombreux intérêts pour la personne publique :

* Dans la plupart des cas, nous sommes en présence d’une maîtrise d’ouvrage privée, ce qui a pour effet - au-delà du transfert de responsabilité ainsi entraîné - de donner la maîtrise d’ouvrage aux personnes compétentes, à savoir les titulaires de ces contrats complexes, et non à la collectivité qui, très souvent, se retrouve en difficulté face à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage.

* Il s’agit souvent d’un préfinancement à l’initiative de la personne privée : cela permet à la personne publique de ne pas emprunter ou trouver de subventions pour financer une opération dès son commencement (comme en marché de travaux par exemple). Dans les PPP, c’est pratiquement toujours le partenaire privé qui prend en charge le financement et fait payer à la personne publique une redevance mensuelle ou trimestrielle correspondant au remboursement des coûts de constructions, des coûts de financement et des coûts de maintenance.

Bien entendu, il existe bien d’autres avantages - dont la garantie d’un entretien de qualité - qu’il serait trop long de vous présenter ici.

E-et-D : Les PPP sont-ils aujourd’hui très utilisés ?

Me J.-M. PEYRICAL : Les collectivités publiques, tout comme l’Etat ou les établissements de santé, sont de plus en plus intéressées par la mise en place de PPP. Cependant, il est beaucoup plus fréquent d’avoir recours à des baux emphytéotiques administratifs ou hospitaliers qu’à des contrats de partenariat.

Cela est dû notamment aux peu de cas d’ouverture de recours aux contrats de partenariat, mais aussi aux lourdeurs de mise en œuvre de ces contrats. En effet, la personne publique doit réaliser ou faire réaliser une évaluation préalable permettant de déterminer si le recours au contrat de partenariat est justifié pour une opération déterminée.

Ainsi, en tant que conseil, mais également en tant que Président d’une association d’acheteurs publics, je suis très souvent sollicité sur l’opportunité du recours au contrat de partenariat et sur les différentes alternatives pouvant exister pour la réalisation d’une opération particulière.

Il arrive que le recours au contrat de partenariat soit justifié ; cependant, dans la plupart des cas, un bail emphytéotique administratif, combiné par exemple avec une convention d’affermage dès lors qu’on se trouve en présence d’une activité de service public, peut s’avérer suffisant et beaucoup plus facile à mettre en œuvre.

1 - Ndlr : PFI = Private Finance Initiative, METP = Marché d'entreprise de travaux publics

Par Jean-Marc PEYRICAL, Avocat à la Cour, Président de l’APASP, Maître de Conférences
Interview réalisée pour entreprise-et-droit.com

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