08 janvier 2006

France : Premiers partenariats public-privé dans un enthousiasme relatif

Premiers partenariats public-privé dans un enthousiasme relatif
Associer le secteur privé aux investissements publics peut s'appliquer aussi à l'informatique. L'Administration s'engage, les mairies hésitent encore.

Boris Mathieux , 01 DSI, le 30/12/2005 à 07h00


Assez parlé, place aux travaux pratiques ! Après trois années de débats autour des partenariats public-privé (PPP), le gouvernement a décidé de montrer l'exemple. Le 14 octobre dernier, le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (Ciact) a listé trente-cinq projets pilotes identifiés comme pouvant donner lieu à des contrats de partenariat.

Couvrant des domaines aussi variés que le bâtiment, les équipements spécialisés ou la production, ce ballon d'essai concerne aussi les prestations informatiques et de réseaux.

La mise en oeuvre du programme Ines de carte d'identité électronique, la réalisation et la maintenance des réseaux de communication par Internet de l'armée de l'air (RDIP) et le déploiement du système GSM-R destiné à remplacer la radio soltrain (RST) font ainsi l'objet d'études de faisabilité afin d'être soumis à l'évaluation préalable d'un organisme expert.

Sur la plupart des projets, l'avis sera rendu par la Mission d'appui aux partenariats public-privé (Mappp). Et par des comités experts spécifiques dans le cas des projets relevant de la défense, de la sécurité intérieure, de la justice ou encore de la santé. Le ministre concerné étant ensuite appelé à valider chaque projet.

Un outil complémentaire des marchés publics

Opérationnelle depuis mai 2005, la Mappp apporte son appui dans la préparation des contrats de partenariat. Son équipe, composée d'une demi-douzaine d'experts, aide la personne publique porteuse du projet à procéder à l'étude d'évaluation requise. C'est dans ce contexte que la Mission se voit régulièrement consultée sur des projets informatiques, parfois en dehors du périmètre tracé par le Ciact.

Par exemple, sur l'informatisation des collèges d'un département. Ou encore sur la mise en place de réseaux Wi-Fi dans les universités - une idée sur laquelle planche l'Education nationale. Différents observateurs mettent aussi l'hébergement du dossier médical partagé (DMP) au rang des possibles projets de partenariat. Ils partent de l'hypothèse que le budget prévu à ce jour ne suffira pas à financer les consortiums d'industriels retenus lors de la généralisation du projet, prévue pour 2007.

A l'heure où la modernisation et la décentralisation de l'Etat suscitent toujours plus de projets informatiques, sans que les ressources humaines et budgétaires suivent nécessairement la même tendance, le gouvernement voit dans le PPP un moyen d'accélérer les investissements publics et de réduire leur coût dans la durée.

Les administrations y trouvent pour leur part un outil complémentaire des marchés publics et des délégations de service public (DSP), permettant de garder le contrôle sur les services externalisés [lire 01 Informatique n° 1816, p. 34]. « Les armées conserveront une maîtrise complète des réseaux, insiste à ce titre Joël Rosenberg, responsable des financements innovants au ministère de la Défense, dans le cadre du projet RDIP. Pour autant, le contrat reposera sur un engagement de qualité de service et sur la régulière mise à niveau des réseaux pour la quarantaine de sites concernés. »

Un dispositif pour garantir l'intérêt général des projets

L'évaluation préalable par la Mappp vise à inciter les porteurs de projets en PPP à vérifier que les conditions juridiques d'éligibilité sont remplies et que ce mode de contrat se justifie économiquement et financièrement. En effet, l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est précédée d'une décision du Conseil constitutionnel indiquant que le PPP ne peut se substituer au code des marchés publics que pour des motifs d'intérêt général tels que la complexité ou l'urgence.

« Les administrations ne peuvent pas se présenter avec pour seule motivation des critères financiers ou budgétaires », rappelle Jean-Yves Gacon, directeur de projet à la mission d'appui aux PPP. Les candidats sont prévenus. « La procédure apparaît toutefois plus souple pour les collectivités locales, pour lesquelles la Mappp n'agit qu'à titre de conseil, le contrôle de légalité étant exercé par le préfet. » En revanche, le contrat de partenariat n'exige aucun seuil minimum d'investissement.

L'immense majorité des projets informatiques de PPP actuellement en phase de démarrage proviennent des ministères. Et l'on constate la même avance de l'Administration centrale sur les collectivités territoriales dans le cadre des contrats d'infogérance.

« Les collectivités locales manquent souvent de conseil et d'expertise, estime Francis Jubert, président du groupe de travail sur les PPP au Syntec informatique. Elles devraient faire davantage appel à des cabinets d'avocats et à la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat de Bercy. Organisme qu'elles n'ont pas forcément identifié. »

Selon Michel Vaquin, senior vice-président de la branche intégration d'Alcatel, les PPP leur offrent pourtant nombre d'avantages dans le cadre des projets de réseaux haut-débit. « La possibilité de devenir opérateur d'opérateurs avec seulement deux clients potentiels offre des perspectives limitées. Le PPP est mieux adapté que la délégation de service public, car il permet de réaliser sa couverture réseau moyennant le paiement d'un loyer, avec une garantie sur les délais de déploiement et une ingénierie de projet optimisée. Au contraire, la DSP force la collectivité à trouver son client, à négocier avec lui et à essayer de couvrir ses frais. »

Des arguments qui ne semblent même pas effleurer la direction du Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (Sipperec). « Nous sommes attachés à la délégation de service. La densité de la première couronne permet aux concessionnaires de trouver des plans d'économie dans lesquels ils rentabilisent leurs services sans aucune subvention. » Les derniers projets de pose de fibre dans une ZAC et de réseau de courant porteur s'orientent ainsi vers de nouvelles DSP.

Les collectivités sont partagées

Un peu avant les décrets d'application du PPP, l'agglomération d'Agen a signé un contrat en délégation de service public de 5 millions d'euros pour la fourniture d'un réseau haut-débit.

« Si c'était à refaire, soupèse Thierry Ziero, délégué aux nouvelles technologies de la ville, je crois que nous opterions à nouveau pour la DSP, qui nous a permis de retenir les critères de qualité que nous souhaitions inclure au contrat. » Même son de cloche dans la région Aquitaine : « Les PPP impliquent un endettement de longue durée, alors que les collectivités tentent, au contraire, de réduire leur endettement », réprouve Serges Combes, adjoint chargé des TIC.

Malgré l'attentisme actuel des collectivités territoriales, 22 % d'entre elles envisagent de recourir aux PPP d'ici à 2007, selon une enquête menée l'été dernier par Markess International. Cet engouement approche celui de l'Administration centrale et ses 27 % d'avis favorables.

La mairie d'Issy-les-Moulineaux, qui vient de signer son troisième contrat d'infogérance globale, envisage la situation d'un autre oeil. « En six ans, notre parc informatique a entièrement été renouvelé, explique Christian Camara, directeur général des services de la ville. Mais dans le cadre d'un premier contrat, nous aurions exploré cette nouvelle solution pour mieux lisser l'investissement. »

Encore prématuré pour la plupart des collectivités, le PPP pourrait donc arriver trop tard pour d'autres.

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