25 janvier 2006

Maroc : Loi sur la gestion déléguée en préparation

Après la théorie, le travail de terrain

Par Tandia Anthioumane & Mar Bassine Ndiaye
16 Janvier 2006

Gestion déléguée

La loi sur la gestion déléguée est dans sa dernière ligne droite. Après avoir été adoptée par la Chambre des représentants, elle attend de passer devants les Conseillers pour être promulguée. Certes, d’importantes avancées ont été enregistrées. Il n’empêche : l’essentiel du travail est entre les mains des autorités délégantes qui doivent se doter des moyens de contrôle. Le pari est loin d’être gagné !

En 1996, Casablanca croule sous le poids des eaux. Des centaines de personnes sont sans abri et la circulation routière est perturbée à plusieurs endroits de la ville, notamment sur la route de Mediouna, l’actuel Boulevard Mohammed VI. La ville s’était développée sans que les autorités communales n’aient pensé à mettre en place un réseau d’assainissement approprié. La RAD qui avait alors cette charge n’avait que très peu de moyens, avec notamment un effectif qui réduisait son efficacité. Une année plus tard, face à cette situation, la ville fait appel à la Lydec. Dès 1999, le collecteur ouest est construit et ce tunnel de 8 kilomètres de long et 5 mètres de diamètre marquera la fin du calvaire des Casablancais. De même, le service de distribution d’eau et d’électricité est nettement meilleur qu’au temps de la RAD. Bien entendu, les bourses des consommateurs en ont relativement souffert, car les prix ont été révisés légèrement à la hausse pour assurer à Suez, actionnaire majoritaire de la Lydec, la rentabilité de son investissement.
Malheureusement, le marché avait été attribué de gré à gré; ce qui a soulevé nombre de commentaires. D’aucuns en oublient jusqu’aux avancées majeures concernant la qualité du service, quand cette question est soulevée.

Vigilance
Désormais, la nouvelle loi sur les concessions de services publics leur apporte pleine satisfaction. En effet, le besoin de légiférer trouve sa justification dans au moins trois difficultés auxquelles était confronté le partenariat public-privé. "Il s’agit d’abord de la transparence dans les conditions d’attribution des délégations de services publics et dans les négociations qui les entourent, ensuite, de l’étendue et l’effectivité des contrôles qui s’exercent une fois les délégations attribuées et, enfin, de l’évaluation de l’efficacité réelle de la gestion des services délégués à travers des méthodes élaborées et des instruments de mesure réalistes et fiables", estime Driss Alaoui Mdaghri, ancien ministre de l’Energie, des Mines ainsi que de la Communication dans les années 1990. Selon lui, "ces différents aspects étaient d’autant plus problématiques qu’il a fallu un minimum de temps pour que le Maroc dispose d’équipes rodées et d’expérience nécessaire ; ce qui est, […] aujourd’hui le cas, avant de s’engager plus loin dans cette voie du partenariat public/privé pour la gestion des services publics".
Pour chacun de ces points, la nouvelle loi apporte des réponses. En effet, les nouvelles dispositions interdisent formellement l’attribution des marchés sans appel d’offres préalable. C’est en soi une avancée majeure.
Toutefois, la transparence dans la transmission des marchés de services publics ne saurait être garantie uniquement par la seule bonne volonté du législateur. En effet, les appels d’offres sont également obligatoires dans tous les marchés de l’Etat. Une loi a été adoptée pour garantir le recours à ce type de transmission, à l’exception de quelques marchés notamment ceux liés à la sécurité ou à la nature technique. Pourtant, selon une étude de Transparency Maroc, les entreprises estiment que la clarté n’est toujours pas garantie et que l’accès aux marchés de l’Etat est toujours sujet à controverse. Mais, si comme dans le cas de la Lydec, les citoyens ont droit à une optimisation des services, peu importe, en fin de compte, le mode de transmission. La vigilance s’impose donc quant au suivi de la gestion des services publics ainsi concédés.
C’est en tout cas l’avis du professeur Driss Alaoui Mdaghri. "En ce domaine, explique-t-il, la loi ne peut qu’être bonne de par les intentions qui ont présidé à son élaboration et par l’obligation de transparence qu’elle institue". "Mais, insiste-t-il, le plus important réside ailleurs. Le service public doit être plus performant et au meilleur coût possible". Et cela, c’est sur le terrain qu’on l’apprécie en fonction des résultats en termes d’amélioration du service et d’accès continu et confortable à un coût raisonnable pour les usagers. "C’est une question de vision traduite en actes concrets dans chaque cas particulier et de volonté des décideurs concernés. C’est aussi une question d’hommes sur les deux versants : celui des représentants des pouvoirs publics et celui des opérateurs privés", affirme-t-il.
De même, les avancées de cette nouvelle loi s’étendent également sur une nette amélioration du cadre incitatif en matière de partenariat public-privé (PPP).
C’est l’article 7 de la nouvelle loi qui symbolise le mieux ces avancées dans le cadre du PPP. En effet, les acteurs du privé ne sont plus tenus d’attendre que les collectivités locales ou bien l’Etat, en ce qui le concerne, veuille concéder un marché. Des propositions spontanées sont désormais permises; lesquelles propositions serviront de base à un appel à concurrence, obligatoire dans tous les cas.
De même, pendant l’exécution du contrat, en cas de différend entre les parties, la loi prévoit désormais une possibilité d’arbitrage.
Le concessionnaire n’est donc plus obligé de subir les humeurs d’une autorité délégante qui conteste l’exécution du contrat. C’est dire que les investisseurs seront désormais mieux protégés qu’auparavant. Ces deux dispositions, à elles seules, suffisent à attirer d’importants investissements directs étrangers.
C’est dire que le cadre ainsi créé est on ne peut plus attractif. "Ce caractère attractif est probablement l’élément le plus positif de la nouvelle loi", estime Driss Mdaghri Alaoui. Selon lui, ladite loi constitue indubitablement un signal visible quant à la continuité de la politique entamée il y a un certain nombre d’années, et corrigée en cours de route. "Elle permet d’attirer des investisseurs internationaux de renom qui ont à la fois les compétences professionnelles de haut niveau requises et la surface financière adéquate pour réaliser les investissements considérables qu’appellent les services publics concernés, notamment les services publics urbains". Concernant les contrôles et l’évaluation, la loi s’y est attaquée à partir de ses articles 33 et 41 (voir encadré ci-contre).
Désormais, les autorités délégantes sont tenues au contrôle économique et financier des délégataires. De même, ce dernier est tenu de publier un rapport qui facilite le contrôle et l’évaluation des services rendus. De même, un conseil consultatif des gestions déléguées devrait voir le jour par voie réglementaire. Autant dire que les verrous sont théoriquement posés.

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