13 janvier 2006

Les contrats de partenariat doivent être adoptés par les collectivités

François Bergère, secrétaire général de la mission d’appui aux contrats de partenariat : « La montée en puissance de cet outil passe par son adoption par les collectivités »

par François Bergère

Le ministère des Finances a publié, en fin d’année, une circulaire relative aux contrats de partenariat qui vise essentiellement les collectivités locales. Consciente des craintes et des réticences qui les tiraillent encore vis-à-vis du partenariat public-privé, la Mission d’appui aux contrats de partenariats espère que le texte réussira à lever ces freins psychologiques et incitera les élus locaux, en tant qu’investisseurs publics majoritaires, à utiliser cet outil.



achatpublic.com : la Mission a déjà publié un guide pratique sur les contrats de partenariat. Pourquoi avoir décidé de rédiger en sus une circulaire sur le même sujet ?

François Bergère : « La circulaire reprend pour l’essentiel les explications qui figurent déjà dans le guide pratique. Elle n’apporte pas d’éléments nouveaux en la matière. En fait, le texte vise plus précisément les collectivités territoriales pour les inciter à adopter cette nouvelle forme de contrat public. Les collectivités territoriales représentent un champ essentiel pour le bon développement des contrats de partenariat car les trois quarts des investissements publics sont portés par ces dernières en France. Si elles ne s’engagent pas dans cette voie, le contrat de partenariat restera limité à un petit segment de l’investissement public. La montée en puissance de ce nouvel outil passe par son adoption par les collectivités. »

achatpublic.com : les contrats de partenariat provoquent-ils toujours autant de craintes, voire de méfiance, de la part des collectivités ?

François Bergère : « C’est un outil qui apporte des innovations : l’étude préalable, le transfert de risques, le benchmarking. Autant de sujets que les élus locaux connaissent mal et qu’ils n’ont pas l’habitude de pratiquer, déjà perdus dans les multiples réformes du code des marchés publics. Nous avons déjà des retours de la part d’élus locaux qui se disent a priori intéressés par ce nouvel outil mais qui estiment ne pas disposer des compétences suffisantes pour se lancer, en particulier concernant la phase de préparation en amont du contrat ; je pense notamment l’analyse comparative chiffrée. Ce sentiment nous paraît exagéré. La circulaire est là pour lever ce frein psychologique. On veut leur dire qu’ils sont la cible principale du contrat de partenariat. Il est vrai que ce contrat exige beaucoup de rigueur. Mais la rigueur, c’est un élément censé s’appliquer à tout contrat public. »

achatpublic.com : la Mission peut-elle aider les collectivités à s’entourer de professionnels compétents pour les aider à monter leur projet ?

François Bergère : « La Mission est là pour les aider à sélectionner habilement les intervenants extérieurs et les épauler pendant le déroulement de la procédure, jusqu’au choix de l’attributaire. Cette aide est bien sûr fournie à titre gracieux. La circulaire précise, à ce titre, les modalités de saisine de la Mission qui se fait par l’intermédiaire du préfet de département pour les collectivités territoriales. Nous avons identifié une vingtaine de cabinets d’avocats qui paraissent compétents en matière de PPP. La tâche est plus difficile pour les prestations technico-économico-financières. La population est hétérogène dans ce secteur. On y trouve des consultants, des banquiers, des bureaux d’audit ou d’ingénierie technique. C’est pourquoi il est plus difficile de repérer les bons professionnels. Sur ce sujet, nous attirons l’attention des banques et des personnes publiques sur la conduite déontologique que les organismes financiers se doivent de tenir. Ils ne peuvent à la fois proposer leurs services pour l’élaboration de l’analyse comparative et pour le financement du projet. »

achatpublic.com : combien de dossiers avez-vous reçu depuis que la Mission est sur pied ?

François Bergère : « 35 projets pilotes émanant d’une dizaine de ministères ont déjà été arrêtés cet automne à l’occasion du CIACT [ndlr Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires]. Ces dossiers sont à des stades variés d’avancement. Certains n’en sont qu’à l’étape d’avant-projet, une dizaine d’autres sont en phase d’instruction active. Nous ne nous sommes prononcés que pour trois d’entre eux à ce jour. Deux ont reçu un avis favorable de notre part : celui de l’INSEP (1) et celui qui concerne la modernisation du pôle énergétique de l’hôpital de Roanne. Il s’agit du premier projet hospitalier monté en contrat de partenariat. Tous les autres ont jusqu’à présent été réalisés avec un bail emphytéotique hospitalier (BEH). Le dossier de Roanne inclut un processus industriel : la production et la distribution d’électricité par le centre hospitalier, dont une partie sera d’ailleurs vendue à EDF. Cette opération ne peut pas vraiment être réalisée avec un BEH qui est davantage adapté à la construction et l’exploitation d’établissements. Quant au troisième dossier, qui a reçu un avis négatif de notre part, il concerne la rénovation d’une partie du palais de Chaillot. Les porteurs du projet doivent maintenant déterminer quel contrat public est le plus approprié pour mener l’opération. »

achatpublic.com : qu’en est-il du côté des collectivités territoriales ?

François Bergère : « Les choses ont démarré plus tardivement, mais elles semblent bien s’engager. Quinze dossiers, dont un a déjà reçu notre aval, ont été examinés. La ville de Rouen, par exemple, a présenté un vaste projet de modernisation et d’automatisation des usages de la voie publique urbaine qui englobe l’automatisation des feux sur la voie publique, la régulation du trafic automobile, la gestion des zones piétonnières, la vidéo-surveillance, etc. Nous sommes aussi en contact avec la communauté urbaine de Nancy qui souhaite s’équiper d’un grand palais des congrès et la communauté d’agglomération de Brive qui envisage de construire un stade nautique. Un département envisage la reconstruction de ses collèges avec une mise aux normes de sécurité et un autre en Corse prévoit de faire construire une unité de traitement d’incinération des déchets ménagers couplée à la construction d’une voie ferrée pour leur transport. On distingue plusieurs familles de projets dans le secteur public local : la voirie urbaine, les installations à caractère sportif - grands stades, stades nautiques, etc. -, les aménagements urbains -palais des congrès - et les investissements immatériels dans le secteur informatique tels que l’informatique appliquée au stationnement, à la vidéo-surveillance, ou encore à l’informatisation des services publics locaux. »

achatpublic.com : le contrat de partenariat peut-il être approprié à un projet de modeste envergure ?

François Bergère : « Pour les dossiers complexes et innovants, qui impliquent des coûts opérationnels et transactionnels importants avec un dialogue compétitif chronophage, le seuil minimal d’investissement, en dessous duquel un montage en PPP ne vaut pas le coup, nous paraît se situer autour de 8 à 10 millions d’euros. »

achatpublic.com : qu’est-ce qu’un transfert de risques équilibré entre la personne publique et la personne privée selon vous ?

François Bergère : « La question du transfert de risques reste mal maîtrisée par les collectivités locales. La Mission doit avoir un rôle pédagogique en la matière. Dans la phase d’étude préalable, à laquelle nous prenons part, nous pouvons d’emblée orienter certaines prises de risques vers la personne publique ou vers le partenaire privé en fonction de la réglementation en vigueur - risques liés au permis de construire, au changement fiscal, etc. -. Un certain nombre de "guidelines" nous permettent en outre d’effectuer ce premier tri. Par la suite, la Mission peut aider la personne publique à caler avec finesse et précision la prise de risques qui, rappelons-le, ne doit pas être porté par le seul partenaire privé. »

achatpublic.com : et les pénalités de retard ? Comment les établir de manière équilibrée pour les deux parties ?

François Bergère : « Il est difficile de dégager une règle générale. Il n’est pas évident de trouver un système qui soit plus incitatif que pénalisant. Nous n’avons pas encore assez de recul pour pouvoir proposer une méthode en la matière. On peut toutefois conseiller aux personnes publiques de contractualiser avec le partenaire privé des indicateurs de performance qui auront une incidence sur la part variable de sa rémunération. Si les objectifs de performance sont remplis, cette part sera à la hausse. Dans le cas contraire, elle sera à la baisse. L’application d’un niveau variable des pénalités de retard ne doit jouer que sur les charges d’exploitation récurrentes de l’opération. Pas sur l’investissement initial et les coûts de financement. »

Propos recueillis par Sandrine Dyckmans © achatpublic.com, 05/01/2006

(1) Lire : « Le partenariat public privé à la rescousse de l’INSEP »

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