19 mai 2006

Canada : L'approche PPP : des contextes différents

Libre-Opinion: L'approche PPP : des contextes différents
Pierre Lefebvre
Président-directeur général, Agence des partenariats public-privé du Québec.

Le devoir, Canada, Édition du mardi 16 mai 2006

De récents articles publiés dans Le Devoir se sont intéressés à la situation des partenariats public-privé dans d'autres juridictions, notamment au Royaume-Uni. Le Québec s'est d'ailleurs longuement intéressé aux expériences étrangères et continue de le faire encore aujourd'hui avec comme objectifs d'éviter les erreurs commises et de tirer profit des réussites.




À la lumière de ces textes, il m'est cependant apparu nécessaire de clarifier certains éléments et d'apporter des précisions sur les propos rapportés. Comme la tentation est souvent grande d'appliquer l'expérience étrangère ici, il faut d'abord s'assurer que le contexte soit le même. Or, la situation du système de santé britannique est fort différente de celle du Québec.

Ainsi, le système de santé britannique a vécu plusieurs phénomènes qui expliquent sa situation d'aujourd'hui :

- Un modèle de prestation des services de santé où les grands hôpitaux sont en concurrence pour les patients et où leurs revenus sont en conséquence moins prévisibles.

- La construction de nombreux hôpitaux importants au cours des dernières années, dont plus de 60 en mode PPP.

Le résultat de cette politique est que plusieurs hôpitaux, qu'ils aient été construits en PPP ou non, connaissent des difficultés financières. En effet, il y a maintenant trop de grands hôpitaux en Angleterre en proportion du nombre de patients.

En parallèle de ce constat, la philosophie de dispense des services de santé change au Royaume-Uni; les autorités privilégient maintenant les plus petits hôpitaux régionaux (cottage hospitals).

Une adaptation indispensable



On ne se surprendra donc pas que le ministère de la Santé britannique ait reconsidéré récemment tant le nombre de lits de certains grands hôpitaux projetés que le nombre même de ces hôpitaux. Puisque tous les grands hôpitaux en Angleterre étaient prévus en PPP, certains PPP ne se réaliseront pas.




En fait, il est plus exact de dire que certains hôpitaux déjà existants pourraient même fermer. On est loin d'un désaveu des PPP. Il s'agit bien plutôt d'une adaptation indispensable aux réalités issues de la politique d'immobilisations dans le domaine de la santé et de la démographie de ce pays.



Un article du 6 mai en particulier fait référence à un rapport de la firme Price Waterhouse Coopers sur l'hôpital Queen Elizabeth à Londres. Dans l'article, on mentionne que cette firme a désigné le contrat en PPP comme la cause principale des difficultés financières de cet établissement. Or, à la lecture attentive du rapport, on ne retrouve pas cette affirmation, plutôt catégorique. Ce que le rapport mentionne, par contre, c'est que l'hôpital aura de la difficulté à dégager un surplus, car il a des obligations financières fixes et qu'il est en concurrence avec d'autres hôpitaux. Dans un tel contexte, cette situation s'applique également à plusieurs hôpitaux, qu'ils soient en PPP ou non.

De nombreux autres éclaircissements quant à certains éléments soulevés dans ces articles sur les PPP mériteraient d'être fournis, mais je crois l'exemple ci-dessus suffisant pour illustrer à quel point ces dossiers complexes exigent une analyse en profondeur avant de pouvoir en tirer des constats quant à la performance des partenariats public-privé.

Au moment d'écrire ces lignes, le gouvernement du Québec est en train de réaliser de solides dossiers d'affaires pour des composantes spécifiques des projets du CHUM et du CUSM afin d'estimer sérieusement l'existence d'avantages qualitatifs et quantitatifs de procéder en PPP pour ces projets hospitaliers. En procédant avec rigueur, discipline et perspicacité, nous nous assurerons de trouver la meilleure avenue à emprunter pour la réalisation de ces projets majeurs attendus par l'ensemble des québécois.

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