19 mai 2006

Opinion : PPP et eau (2)

Source: Publié le 11 mai 2006 sur Attac Wallonie-Bruxelleshttp://wb.attac.be/Grain-no552-EAU-PRIVEE-OU-PRIVES-D.html, version imprimable - publié le 11 mai 2006
Par le Groupe Eau ATTAC 45 - http://www.local.attac.org/attac45/

1. - EAU PRIVÉE OU PRIVÉS D’EAU ?
C’est sur la base du « modèle » français que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) pensent, conçoivent et organisent la sauvegarde et le sauvetage d’un des biens les plus essentiels et les plus menacés de l’Humanité : L’EAU.

2.- LES POPULATIONS DES BANLIEUES PAUVRES SONT VICTIMES D’UNE TRIPLE SEGREGATION : GEOGRAPHIQUE, SOCIALE ET ETHNIQUE.
Les banlieues ont une histoire. En ville, jusqu’au 19è siècle, la ségrégation était plus horizontale que verticale : les milieux populaires habitaient les derniers étages des immeubles, les catégories aisées logeaient dans les appartements spacieux à mi-hauteur. Les différentes catégories sociales coexistaient dans les centres-villes.

********
2.- LES POPULATIONS DES BANLIEUES PAUVRES SONT VICTIMES D’UNE TRIPLE SEGREGATION : GEOGRAPHIQUE, SOCIALE ET ETHNIQUE.

Les banlieues ont une histoire. En ville, jusqu’au 19è siècle, la ségrégation était plus horizontale que verticale : les milieux populaires habitaient les derniers étages des immeubles, les catégories aisées logeaient dans les appartements spacieux à mi-hauteur. Les différentes catégories sociales coexistaient dans les centres-villes : les petits artisans, commerçants, ouvriers, dockers, apprentis, domestiques, employés, lavandières... y croisaient les riches bourgeois et les aristocrates... La ville était de taille humaine et il existait une vie de quartier avec des solidarités de voisinage. Sur Paris, cette situation a perduré jusque dans les années 1950. La Révolution industrielle du 19è siècle a changé la donne : le développement industriel a concentré les ouvriers, issus de l’exode rural, dans les zones à la périphérie des centres urbains anciens et dans des villes nouvelles à proximité des nouveaux lieux de production.

Progressivement une ségrégation géographique s’est mise en place, les milieux populaires ont été exclus des centres-villes à cause de la hausse des loyers liée à une demande croissante de logement avec l’afflux des populations rurales. Les réhabilitations successives ont été l’occasion d’augmenter les loyers et de chasser les milieux populaires toujours plus loin en périphérie : à Paris le phénomène a débuté avec les travaux d’Haussmann sous le Second Empire, il continue encore. Aujourd’hui ce sont les classes moyennes qui sont les victimes de la loi du marché : par exemple, elles font les frais des ventes à la découpe sur Paris. Elles sont contraintes de rechercher des logements au-delà de la banlieue parisienne, dans les régions limitrophes de l’Ile-de-France, mais travaillent toujours sur l’agglomération parisienne. A terme, les centres-villes européens ne seront plus que des musées accueillant les plus riches, les commerces de luxes et les loisirs haut de gamme ; c’est déjà le cas à Londres où ne vivent plus que les millionnaires. Ségrégation ethnique et organisation urbaine. A la ségrégation sociale s’est ajouté la ségrégation ethnique de l’organisation urbaine. Jusque dans les années 1950, les immigrés bretons, auvergnats (j’utilise ce terme d’immigrés à dessin, car eux ausi étaient accusés de voler le « pain » des Parisiens au début du 20è siècle), italiens, portugais ou espagnols vivaient et travaillaient encore dans le centre urbain de Paris. C’est à partir des années 1960-1970 que la construction des grands ensembles en banlieues permet de loger en masse les milieux populaires et les populations immigrées dans des cités dortoirs. A partir de 1974, avec la politique du regroupement familial, les travailleurs immigrés font venir leurs familles en France, et c’est là que la situation se dégrade ! En effet, ces cités dortoirs n’ont pas été conçues comme des lieux de vie : elles ne possèdent pas de commerces de proximité, pas de lieux de loisirs, pas de services diversifiés, pas d’entreprises qui proposent des emplois de proximité, pas de lieux de sociabilité,un environnement dégradé, elles sont mals reliées au centre-ville trop éloigné.

L’habitat est uniforme, les tracés sont rectilignes, sans l’histoire qui fait le charme des vieilles villes. Elles possèdent les mêmes tares que les villes ouvrières du 19è siècle. A partir des années 1980 les populations ont tenté de s’organiser : les associations plus ou moins aidées par les pouvoirs en place se sont développées et les ZEP (Zones d’Education Prioritaires) ont été mises en place. Mais la politique de la ville a été insuffisante : peu d’emplois ont été créés (les fameuses zones franches ne concernent que des PME avec des retombées négligeables sur l’emploi pour les populations locales), l’obligation de 20% de logements sociaux pour les communes ne sera pas respecté (certains maires préfèrent payer des amendes plutôt que d’en construire) et ce sont toujours les communes de les plus pauvres qui concentrent le plus de logement sociaux avec des populations démunies.Les politiques libérales ont porté un coup fatal aux banlieues pauvres. En réduisant les recettes de l’Etat par des baisses d’impôt en faveur des riches, les gouvernement successifs ont réduit les prestations sociales (or les prestations sociales sont supérieures aux revenus primaires pour les milieux défavorisés), les subventions aux associations qui viennent en aide à leurs quartiers (soutient scolaire, action sportive ou culturelle..), les postes d’enseignants. Hors, si un semblant de paix sociale a pu régner, c’est grâce aux associations de quartiers et à l’Education Nationale et non grâce à la police.

Conséquence du développement capitaliste
Le chômage de masse a fait le reste, or celui-ci touche en priorité la population des ghettos : les jeunes et les Français d’origine étrangère victimes d’une discrimination à l’embauche.L’économie souterraine s’est développé comme palliatif au manque de revenus et permet à des familles entières de subsister sans s’enrichir (lire l’article du Canard enchaîné du 9 novembre, à ce sujet, selon un rapport des RG). La crise des banlieues n’est pas seulement la crise du libéralisme, c’est aussi la crise du mode de développement capitaliste qui a débuté il y a 200 ans : en concentrant toujours plus le capital et les outils de production dans des lieux géographiques précis, il y concentre aussi la main-d’oeuvre et leurs familles dans des unités urbaines toujours plus gigantesques, déshumanisées et ingérables. Si on considère que la Décroissance est une solution à cette crise, alors il faudra revenir à des entités urbaines plus petites, seules capables de tisser du lien social, d’exercer la démocratie, de répondre aux besoins des individus par la production de biens et services de proximité. A la ségrégation géographique s’ajoute la ségrégation sémantique, pour parler de ces zones urbaines ont utilise les termes de banlieues, de cités, de quartiers, jamais de villes : or, statistiquement ce sont des villes (plus de 2000 habitants agglomérés au chef-lieu en France) et juridiquement aussi (elles ont des conseils municipaux et des maires). C’est peut-être aussi par hypocrisie que les français n’utilisent pas le terme de ghettos ?! Car ce terme est un écho à l’échec de la politique de la ville. Le malaise de l’idéal RépublicainDe même pour parler des Français d’origines étrangères on utilise les termes de « beurs », arabes maghrébins, musulmans, noirs, « blacks », mais jamais de minorités ! Car il s’agit bien de minorités par rapport à la majorité blanche, européenne et d’origine chrétienne. L’idéal républicain voudrait que l’on parle de citoyens français. Mais le malaise est là, car les jeunes des ghettos sont les enfants de l’ancien empire colonial français et ils traînent avec eux l’image de l’indigène à civiliser : les hommes politiques et les médias prétendent qu’il y a échec de « l’intégration ». Hors les jeunes d’origines étrangères sont intégrés : ils parlent français, s’habillent comme les jeunes de leur âge, le taux de mariage mixte des jeunes musulmanes en France est le plus élevé d’Europe (alors que le pays possède la plus forte communauté musulmane européenne), même s’ils croient en dieu, ils ne fréquentent pas plus les lieux de cultes que les jeunes dits « chrétiens »... En réalité, le problème vient de la discrimination à l’embauche dont sont victimes ces jeunes : les patrons veulent bien les embaucher pour des emplois précaires comme vigiles, employés dans la restauration rapide, maçons, mais pas pour les emplois qualifiés comme techniciens, ingénieurs ou cadres, quand ils en ont la compétences. Ils traînent avec eux l’image de peuples non civilisés qu’avaient leurs grands-parents. Cette image légitime tous les mépris possibles : lorsque Sarkozy parle de nettoyer les banlieues au karcher et traite les jeunes de racailles (débris de la société), il n’utilise pas ces termes à l’égard des élus d’Ile-de-France condamnés pour avoir racketté des entreprises qui cherchaient à obtenir des marchés publics : il aurait pu dire qu’il fallait nettoyer au karcher les partis politiques de la racaille qui les peuplait. Les élites corrompues auraient-elles droit à plus d’égard sémantique ? En tout cas, elles ont le droit aux égards de la Justice, aucun de ces élus voyous n’a été condamné à des peines de prison ferme, contrairement aux voleurs de mobylettes. Un dernier point sur lequel je voudrai insister, à côté de la tentative sécuritaire du gouvernement, il existe un vision communautariste qui pourrait tenter les libéraux : pour eux le repli communautaire est le moyen de pallier aux insuffisances de l’Etat dans le domaine social, par exemple en faisant des imams les interlocuteurs légitimes d’une prétendue communauté musulmane.

Denis Chagnolleau

Aucun commentaire: